Le PPE aurait au moins pu choisir Istanbul ... en Europe !
En outre, ce projet ne peut pas réussir, car une abstraction ne peut pas suffisamment nourrir un élan partagé, un même sentiment d'appartenance parvenant à dépasser toutes les autres différences. C'est ainsi que l'on réduit l'Europe à organiser un simple collage, une méticuleuse juxtaposition de minorités On la condamne au communautarisme. Ainsi, on ne compte plus les mentions - dès l'article I-2 ! - qui proclament le droit des minorités, en opposition avec notre tradition républicaine qui ne reconnaît que des citoyens sans distinction d'origine, de situation ou de religion.
Enfin, ce projet ne peut pas réussir sur le plan économique, car il préfère les principes aux résultats. Les résultats sont-ils médiocres ? Peu importe, on ne change pas une politique qui perd !
On laisse la Banque centrale européenne à son obsession monomaniaque : l'inflation plutôt que la croissance ou l'emploi.
Au lieu de faire comme les Etats-Unis, qui savent parfaitement protéger leur marché intérieur lorsque l'intérêt national l'exige - ils le font pour l'agriculture, ils l'ont fait pour l'acier, et ils sont en train de faire jouer la clause de sauvegarde pour le textile -, nous en appelons, nous, Européens, avec un angélisme béat, à la disparition des barrières douanières et aux aides de l'Etat aux entreprises.
Dois-je rappeler que les grands projets industriels, outre-atlantique ou en France, comme le TGV par exemple, ont toujours nécessité des investissements publics ? L'efficacité doit primer sur la doctrine.
Dois-je aussi rappeler que, en voulant appliquer sa conception dogmatique de la concurrence libre et non faussée, la Commission avait refusé à Péchiney le rachat du canadien Alcan ? Depuis, c'est Alcan qui a racheté Péchiney et qui est en train de le dépecer. Il suffit d'écouter les commissaires européens pour savoir dans quel sens va la pente : lorsque Mme Danuta Hübner ou M. Günter Verheugen justifient les délocalisations, ils ne commettent pas de gaffe ; leurs déclarations traduisent très précisément l'état d'esprit de la Commission.
De plus, avec l'article III-122, on nous propose de communautariser les services d'intérêt général, c'est-à-dire de perdre, pour une large part, le contrôle de nos services publics, de leur définition comme de leurs conditions de fonctionnement.
Mes chers collègues, je voudrais également balayer un argument que l'on entend souvent : que la France doive se réformer, j'en suis convaincu, mais elle doit d'abord compter sur elle-même, c'est-à-dire sur le courage des Français - et ils en ont ! - et de leurs hommes politiques, qui n'en manquent pas non plus. Toute réforme implique des efforts qui ne peuvent être demandés et consentis par les Français que dans le cadre de la démocratie nationale. Le salut ne viendra pas d'ailleurs : il ne peut venir que de nous-mêmes.
Deuxième raison : cette Constitution aggrave encore le déficit démocratique de l'Europe.