Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 29 mai prochain, les Français devront effectuer un choix majeur : accepter ou repousser le projet de traité constitutionnel pour l'Europe.
Quelle que soit la décision, nous savons qu'elle sera lourde de conséquences pour l'avenir. La procédure référendaire place donc chacun d'entre nous devant ses responsabilités.
Depuis près de soixante ans, tous nos projets de Constitution ont été soumis au suffrage populaire. Il eût été difficilement concevable d'agir autrement lorsqu'il s'agit de donner à l'Europe des institutions qui impliquent des délégations de souveraineté et répartissent les compétences entre l'Union européenne et les Etats qui la composent. Le recours au référendum n'est pas sans risque, surtout si nos concitoyens entendent se prononcer sur le contexte plutôt que sur le texte, mais il est inéluctable si l'on veut donner au traité une sanction démocratique irréfutable.
Tel qu'il se présente, le traité établissant une constitution pour l'Europe est tout à la fois un aboutissement et une promesse. Il est le fruit d'une longue maturation qui a duré plus d'un demi-siècle, reflet des péripéties qui ont retenti sur l'histoire de l'Europe, avec des périodes d'accélération rapide ou, au contraire, de stagnation mais, jusqu'à présent, jamais de régression.
Une nouvelle ère s'ouvre aujourd'hui qui peut permettre à l'Union européenne, grâce à la constitution dont elle se dotera, d'élaborer et de conduire des politiques dans des domaines stratégiques capables de renforcer la cohésion, le dynamisme et le poids dans le monde de notre vieux continent. A chaque génération ses défis : celle qui nous a précédés a su relever l'Europe de ses ruines, réconcilier entre eux des peuples mus par des haines séculaires et créer un espace économique facteur de développement et de prospérité. Il appartient à la génération présente d'édifier une nouvelle Europe reposant sur des institutions fortes et respectées, inspirées par les principes de liberté, de démocratie et de solidarité.
La réussite de ce grand dessein est d'autant plus indispensable que s'opèrent dans le monde de grands regroupements et que se constituent de grands ensembles économiques avec lesquels les peuples de l'Europe ne sauraient se mesurer s'ils agissent isolément mais avec lesquels l'Europe peut se comparer si elle sait unir ses forces.
Le traité constitutionnel est un aboutissement : celui de l'évolution d'une union économique vers la création d'une entité politique.
Chacune des phases qui ont conduit à cette évolution porte la marque d'une influence française et témoigne d'une grande continuité de notre politique alors que l'on se plaît souvent à dénoncer notre inconstance. La Communauté européenne du charbon et de l'acier est une idée française dont le mérite revient à Jean Monnet et à Robert Schuman.
La conception comme la mise en oeuvre du traité de Rome ont tenu pour l'essentiel à la volonté des hommes politiques français, toutes tendances confondues, de faire de l'Europe une communauté qui ne se réduise pas à une simple zone de libre-échange, mais qui soit capable de construire des politiques communes et de tendre à l'harmonisation des législations. L'entente franco-allemande, qui a su donner l'impulsion nécessaire à toutes les avancées européennes, a été le souci de tous les chefs d'Etat français qui se sont succédé sous la Ve République et le moteur de toutes les avancées.
Sans l'engagement déterminé de François Mitterrand, le traité de Maastricht, qui a mis en place l'Union économique et monétaire ainsi que la création de l'euro, n'aurait sans doute pas vu le jour.
C'est de l'implication permanente du président Chirac dans le domaine de la politique européenne que résultent la préservation de l'exception culturelle, le maintien jusqu'à 2013 de la politique agricole commune et la volonté de donner une dimension sociale à la construction européenne.
Tous les observateurs, enfin, s'accordent à reconnaître la part remarquable prise par les membres français, de toutes origines, lors de la convention préparatoire du traité de Rome II, ainsi que le rôle irremplaçable joué par le président Giscard d'Estaing dans l'élaboration de ce traité.