Le traité constitutionnel est bien un aboutissement parce qu'il remédie, sans doute encore imparfaitement, à deux faiblesses de l'Union européenne : l'insuffisance du contrôle démocratique et l'absence d'une véritable organisation politique.
Les critiques portant sur le caractère technocratique des décisions bruxelloises étaient loin d'être infondées.
Nombre d'entre elles semblaient émaner d'organismes opaques, lointains, imperméables à toute discussion et surtout incontrôlés. Il en est souvent résulté une véritable diabolisation des institutions et une grande incompréhension - pour ne pas parler de répulsion - de la part des opinions publiques à l'égard de tout ce qui émanait de Bruxelles.
Les dispositions du traité constitutionnel, en permettant le droit de pétition, en élargissant très sensiblement les domaines d'action et de contrôle du Parlement européen ainsi que ses responsabilités financières et en accordant aux parlements nationaux le pouvoir de se prononcer sur un projet de loi européen avant son adoption et de contrôler la « constitutionnalité » des lois européennes, apportent de sérieuses garanties aux citoyens européens, celles que leurs préoccupations, leurs appréhensions et leurs revendications seront entendues.
L'absence d'une véritable organisation politique n'a que peu favorisé l'harmonisation des politiques étrangères ou de défense des états de l'Union.
L'exemple du Proche-Orient ou de l'Irak illustre l'étendue des progrès à accomplir pour que l'Union ait une politique étrangère qui soit vraiment la sienne. Par ailleurs, nombre de nos partenaires estiment encore que la défense européenne ne peut s'exercer que dans le seul cadre de l'OTAN.
L'instauration d'un ministre des affaires étrangères de l'Union, chargé de mettre en oeuvre la politique étrangère et de sécurité commune et de coordonner l'action extérieure, est un premier pas vers une « Europe européenne », pour reprendre l'expression du général de Gaulle « qui existe par elle-même, pour elle-même, et qui ait sa propre politique. »
Dans le domaine de la défense, tant le président de la commission des affaires étrangères que notre ami Hubert Haenel ont expliqué quelles étaient les avancées qui interviendraient.
De tels progrès ne seraient pas possibles sans un minimum d'institutions. Le conseil des affaires étrangères devrait, grâce à la confrontation régulière des responsables de la diplomatie des Etats membres, favoriser l'éclosion d'une politique extérieure cohérente de l'Union dans un très grand nombre de domaines. L'avènement d'une politique européenne de la défense prendra sans doute plus de temps, mais les coopérations renforcées devraient, à terme, rapprocher les points de vue et les actions des Etats membres de manière concrète et significative.
La France, mes chers collègues, a trop souvent déploré, dans le passé, l'insuffisante affirmation de son identité par l'Union européenne, sa trop grande dépendance par rapport à la politique étrangère des Etats-Unis, son influence négligeable ou son absence d'initiatives dans diverses régions du monde face aux grands problèmes politiques ou aux conflits qui l'agitent pour ne pas se réjouir de voir, enfin l'Union se donner les moyens de jouer un rôle conforme à ses idéaux et à son poids dans le concert international.
Le traité constitutionnel est la promesse d'une nouvelle Europe.
Les institutions prévues par le traité n'ont d'autre objet que de servir d'outil et de cadre à des politiques communes dont la finalité est de donner une forte impulsion à l'édification d'une nouvelle Europe.
La nouvelle Europe est d'abord une union fondée sur le respect des libertés publiques et des droits de l'homme. Le continent qui a inventé et théorisé, voilà plus de quinze siècles, la démocratie doit demeurer un modèle et un exemple de respect du droit et des valeurs tel que le définit le préambule du traité et de la charte des droits fondamentaux. Les institutions prévues par le traité sont les garantes de ces valeurs.
Tous les pays candidats à l'adhésion savent que la mise en application de ces principes dans leur pays conditionne leur entrée dans l'Union européenne.
En consacrant la notion de citoyenneté européenne, le traité donne une extension remarquable aux droits et aux prérogatives des habitants de l'Union, car outre la libre circulation ou le libre séjour, il leur assure le droit de vote et l'éligibilité aux élections municipales et européennes, la protection des autorités de tout Etat membre et le recours au médiateur.
La nouvelle Europe représente la perspective d'un espace économique moderne, puissant et dynamique, s'appuyant sur des politiques coordonnées et un gouvernement économique dans la zone euro. Les objectifs qu'elle s'assigne sont la croissance équilibrée de l'économie, la stabilité des prix, la liberté de concurrence et la liberté d'entreprise.
Certains voient dans l'affirmation de ces principes une dérive vers l'ultralibéralisme et le droit pour le plus fort d'écraser le plus faible. C'est oublier que la libre concurrence, comme la liberté d'entreprendre, figure dans tous les traités précédents et que la réglementation de la concurrence est le domaine où la Commission a fait preuve de l'activité la plus grande depuis l'origine du traité de Rome. C'est oublier aussi que le traité évoque une économie sociale de marché « qui tend au plein emploi et au progrès social », ce qui est le contraire du libéralisme débridé. Mais qui peut sérieusement croire que, dans une économie aussi ouverte que celle du monde contemporain, la compétitivité d'une entreprise soit une tare ?
Il est vrai que les délocalisations, le dumping fiscal ou social seraient des obstacles sérieux à l'établissement d'une bonne gouvernance économique de l'Europe, de même que le laxisme dans le domaine de la lutte contre les déficits excessifs. Le renforcement du rôle du Parlement européen, l'émergence d'une opinion publique européenne, les réactions des Etats membres et les coopérations renforcées conduiront sans doute à remédier aux lacunes ou aux insuffisances des politiques actuelles. Ce devrait être l'un des acquis du traité.
La nouvelle Europe sera sociale. Le Premier ministre nous en a donné des exemples extrêmement concrets ; il a cité des articles du traité qui ne font aucun doute à cet égard. Ainsi, onze articles du traité sont consacrés à la protection sociale, aux conditions de rémunération des travailleurs, aux congés payés, à l'institution d'un fonds européen visant à promouvoir l'emploi, la mobilité géographique et professionnelle des salariés au sein de l'Union. Nous sommes loin du paysage dévasté décrit par les critiques du traité, qui voient dans son adoption les prémices d'une Europe où les salariés seraient livrés à l'arbitraire des entreprises, sans recours ni protection !