Or le traité constitutionnel organise clairement les pouvoirs, au service d'un modèle social défini. Des institutions plus claires, plus compréhensibles, nécessaires à la démocratie : quand on sait qui fait quoi, on sait qui est responsable !
Désormais, le Conseil européen, le Conseil des ministres - en fait, la seconde chambre de l'Europe -, le Parlement européen, la Commission européenne voient leurs rôles respectifs clairement précisés, définis. Le fonctionnement de ces pouvoirs est formellement décrit par la Constitution. Les parlementaires européens que nous élirons désormais auront à Bruxelles un vrai pouvoir ; ils ne seront pas simplement envoyés en mission de par le monde pour voir comment les choses se passent, ils seront aussi à Bruxelles pour travailler, pour voter les lois.
Clarifier les institutions ne vaut que si l'on connaît l'objet de l'organisation ainsi mise en place. Or, jamais des textes européens ayant une valeur normative n'ont été aussi clairs. L'article 3 de la première partie de la Constitution définit les objectifs de l'Union. C'est la première fois qu'un texte définit aussi nettement le modèle social européen. Vivre dans une économie sociale de marché hautement compétitive pour lutter contre les délocalisations, qui tend au plein emploi et au progrès social, tel est le but de l'Union européenne. C'est ce pourquoi nous nous battons le 29 mai !
La Charte des droits fondamentaux proclamée à Nice, dont le contenu est extrêmement fort et important, acquiert une valeur normative dans la deuxième partie du traité constitutionnel. Sans entrer dans le détail, on y trouve les droits politiques proclamés par la Déclaration de 1789 et par la République lorsqu'elle s'est installée en France ; les droits sociaux du préambule de la Constitution de 1946, mais aussi des droits sociétaux que nous n'avons pas encore inscrits dans nos textes, relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes, aux droits des enfants, au droit de vivre sa vie comme on l'entend. Ces droits de société sont particulièrement actuels et répondent aux besoins de la civilisation européenne d'aujourd'hui.
Enfin, avec des institutions claires, un modèle de civilisation à défendre nettement défini, il faut que l'Europe soit forte. Pour la première fois depuis 1954, percent les éléments d'une Europe-puissance, avec l'expression d'une politique extérieure et de sécurité commune, un ministre des affaires étrangères de l'Union européenne, les prémices d'une politique de défense commune, mais aussi l'affirmation que, lorsqu'un Etat est attaqué, les autres lui portent assistance - ce qui n'est pas si mal - et, naturellement, la solidarité entre tous les Etats européens.
Un modèle de civilisation servi par des institutions et par une Europe-puissance, voilà le premier apport de la Constitution qui nous est proposée.
Cette Constitution - par définition, ai-je envie de dire - apporte un « plus » à la démocratie parce que l'on sait qui fait quoi et comment cela fonctionne. Depuis trop longtemps, nos concitoyens ont pris l'habitude d'incriminer Bruxelles lorsque quelque chose ne va pas ou qu'une règle est incompréhensible. Eh bien, si nous votons cette Constitution, une telle attitude ne sera plus possible parce que la démocratie se trouvera renforcée au niveau européen.
J'ai évoqué le rôle du Parlement européen, qui deviendra un parlement « normal », votant toutes les lois. De plus, la règle de la majorité qualifiée, telle qu'elle est établie au sein du Conseil des ministres, est fondamentale. La démocratie, nous le savons bien, c'est d'abord la loi de la majorité, non pas seulement des institutions étatiques, mais aussi des citoyens. Instaurer une majorité fondée, certes, sur le plus grand nombre possible d'Etats, mais représentant au moins 65 % des citoyens européens, c'est affirmer l'émergence d'un peuple européen qui deviendra l'acteur essentiel du fonctionnement des institutions communes.
Voilà donc une démocratie renforcée à l'échelon européen, mais aussi à l'échelon national. Ce dernier aspect ne devrait pas manquer de nous intéresser tous, en particulier les parlementaires.
Demain, la Constitution ayant été approuvée - je le souhaite et nous nous battrons pour cela -, chaque chambre du Parlement français, comme de tous les autres parlements des Etats de l'Union, aura deux rôles. D'une part, veiller à ce que l'Union européenne exerce exclusivement les compétences qui lui ont été confiées, les autres restant du ressort des parlements nationaux, selon le principe de subsidiarité. D'autre part, se prononcer sur tous les projets de loi européens, quelle que soit leur catégorie juridique. C'est à nous de nous organiser. Nous ne pourrons plus dire que 50 % de la législation est faite à Bruxelles ; nous aurons prise sur la totalité de la législation qui intéresse nos concitoyens.
Cette Constitution est donc un texte bien plus important et qui change bien plus de choses qu'on ne l'a dit. Bien entendu, il décrit et met en place des institutions, mais c'est nous, par nos voix, en tant que citoyens européens, qui les feront vivre.
Le besoin d'Europe est évident. Sans l'Europe, seules les lois du laisser-faire s'exerceront. Le besoin d'Europe, nous le ressentons tous, mais au-delà, lorsqu'un référendum est en oeuvre, il faut susciter le désir. Eh bien, pour conclure, je voudrais dire à tous nos concitoyens que ce désir d'Europe répond à ce que nous sommes !
Nous sommes tous attachés à notre manière de vivre. Nous sommes tous attachés à notre système de protection sociale. Nous sommes tous attachés à une certaine civilisation, à une culture. Aujourd'hui, le cadre national ne suffit plus à protéger tout cela, car il éclate sous les coups de boutoir de la mondialisation. Seul un cadre plus vaste, plus fort - notamment démographiquement -, pourrait nous apporter une solution.
Au moment où l'Amérique s'organise - pas seulement l'Amérique du Nord, mais aussi l'Amérique du Sud - au moment où l'Asie s'éveille, au moment où les continents s'organisent, seule l'Europe peut protéger notre façon de vivre, nous permettre d'être Français.
Je souhaite que cela donne à toutes et à tous un désir d'Europe qui se traduira par un oui le 29 mai prochain.