Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour que tous les Européens se prononcent sur le texte du traité, les Verts avaient souhaité une consultation transnationale, à l'initiative des institutions communautaires.
Il s'agissait de donner d'emblée une visibilité à l'ampleur de l'enjeu, à la dimension territoriale du débat, et d'éviter la juxtaposition de messages nationaux, très dépendants de chaque opinion publique envers son gouvernement du moment.
Cela n'a pas été possible, et nous voici face au mécontentement majoritaire des Français devant le sort qui leur est fait.
Mécontentement aggravé, car le message des régionales n'a pas été entendu par le Gouvernement.
Mécontentement enraciné et mal dirigé, car, depuis des décennies, certains font passer pour les choix « des technocrates de Bruxelles » leurs mauvais coups élaborés par les multinationales, ou relayés par les politiques ultra-libéraux.
Mécontentement durable, car vous avez oublié cyniquement le large front républicain de 2001, embrayant sur un train de réformes funestes.
Pour autant, c'est contre ce gouvernement, contre ses choix destructeurs pour la solidarité et la nature que nous luttons ; ce n'est sûrement pas contre le cadre européen où s'expriment des exigences plus protectrices.
Les Verts sont pour un oui européen solidaire. Certes, ce traité ne définit pas l'Europe de nos rêves, mais il ouvre un espace élargi, pacifié au plan diplomatique pour la construire, un espace à ensemencer et à cultiver pour mener vers un mieux-disant social et environnemental dans la démocratie et la transparence.
Nous venons de loin : la construction européenne n'a-t-elle pas commencé par l'union monétaire et économique, par une Commission cooptée par les chefs d'Etat, peu soucieuse de l'avis du Parlement, par des travaux du Conseil à huis clos ? N'a-t-elle pas été rythmée par des traités écrits et validés sans la participation des représentants des peuples ?
Mais ce n'est pas au moment où tout cela peut changer qu'il faut freiner ! A l'élaboration sont maintenant associés des parlementaires. Il y aura codécision du Conseil et du Parlement. Celui-ci gagne vingt-sept nouveaux domaines de compétence, dont l'agriculture.
Les droits s'affirment, et la Charte, tout en favorisant les mieux-disant nationaux, rend contraignantes les exigences minimales.
Il y va de l'égalité hommes-femmes, de la limitation du dumping social, du droit des minorités, de la démocratie participative, du développement durable, du droit du travail, du droit des personnes expulsées.
En matière de culture, nos modes de soutien à la création sont préservés : « pas d'harmonisation législative et culturelle », dit le traité. Et s'il y avait un risque « d'atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union », un vote à l'unanimité serait requis.
Ce que nous défendons ici avec force - l'aide à la création, à la diffusion et à l'emploi artistique - est davantage menacé par des choix nationaux que par des obligations qui s'imposeraient à la France.
Reste le marché et son cortège de gains de productivité à coup de renoncements sociaux et environnementaux : la route est encore longue pour que la solidarité et le respect des milieux naturels garantissent à chacun la santé, l'épanouissement et le droit de gagner dignement sa vie. Mais du chemin a été parcouru et ceux qui brandissent les seules « règles de la concurrence » omettent de dire qu'elles régissaient déjà hier les échanges, et que le travail des militants et des élus a permis d'ajouter « dans la mesure où l'application de ces dispositions ne fait pas échec à l'accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie ».
On peut vouloir rester au texte précédent, mais je ne suis pas certaine que les missions et les salariés d'EDF, de La Poste ou de France Télécom en sortent gagnants !