Or le non à la Constitution européenne l'emporte, sondage après sondage. D'où vient ce paradoxe ? D'où vient cette contradiction ? Pourquoi une majorité de Français dit-elle oui à l'Europe et non à la Constitution ?
Nous savons tous, évidemment, dans nos différents départements, que le non à la Constitution, pour beaucoup, est le non au chômage, aux délocalisations, à la réforme de l'école, à la directive Bolkestein, à l'entrée de la Turquie ; c'est le destin malheureux mais congénital de tous les référendums.
Mais la mauvaise humeur n'explique pas tout, loin de là. La vérité, c'est que, derrière l'adhésion globale à l'unité de l'Europe, se profilent un malaise latent, une source d'hostilité à l'encontre de l'Europe telle qu'elle s'est construite à Bruxelles.
On lui reproche - nous avons tous ces reproches présents à l'esprit - de s'occuper de tout, d'avoir laissé la bride sur le cou à la technocratie, d'avoir accordé la portion congrue à la démocratie. On lui reproche de s'élargir sans fin, d'être divisée et impuissante, sans voix lorsque des événements aussi graves que ceux qui sont survenus en Irak exigeraient l'union de tous.
Le fait est que la Convention a pris en compte tous les reproches qui sont adressés à la Constitution. Ceux qui m'ont précédé à cette tribune - je ne reprendrai pas leurs propos - nous ont indiqué que la Constitution répondait complètement à tous ces reproches, que, si les dispositions de cette Constitution qui nous ont été décrites étaient mises en oeuvre, ces avancées remettraient l'Union européenne sur des rails qu'elle n'aurait probablement jamais dû quitter.
Mais qui le sait ? Les contre-vérités répandues par les partisans du non rencontrent plus d'écho que les explications honnêtes développées par ceux du oui. Notre information est encore insuffisamment simple, convaincante, réellement audible. Heureusement, il n'est pas trop tard pour rattraper le temps perdu.
Mes chers collègues, la montée du non a aussi une autre cause, plus pernicieuse, sur laquelle il est essentiel de s'arrêter. J'y consacrerai l'essentiel de mon propos.
Les adversaires de la Constitution ne font pas campagne contre la construction européenne. Au contraire, à les entendre, ils en seraient les meilleurs serviteurs. Ils ne la combattent pas, ils volent à son secours, au nom d'une autre Europe, la vraie, la leur. Mais cette Europe, ils se gardent bien de la décrire, en dehors de quelques plates généralités, comme celles qui viennent d'être énoncées à cette tribune.