Intervention de Jean François-Poncet

Réunion du 6 avril 2005 à 15h00
Référendum relatif au projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une constitution pour l'europe — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean François-PoncetJean François-Poncet :

A cela, il y a deux raisons. Premièrement, ils ne sont d'accord entre eux sur rien ! Deuxièmement, s'ils avaient un projet et se risquaient à l'exposer, on s'apercevrait instantanément que personne n'en veut, ni en France ni en Europe !

Aussi se contentent-ils, pour l'essentiel, de banaliser les conséquences du non. Rassurez-vous, nous disent-ils, le rejet de la Constitution ne provoquera pas de grande commotion : le traité de Nice reprendra du service et la crise sera salutaire, comme les crises européennes l'ont toujours été. Vient enfin l'argument suprême : grâce à la crise, « la France reprendra la main », selon le titre d'un récent article.

Le moment est venu de dire clairement aux Français où en seraient l'Europe et la France si le non l'emportait le 29 mai prochain. M. le ministre est sans doute en mesure de le faire ; je vais quant à moi m'y essayer, à mes risques et périls...

S'il est vrai que, dans le passé, l'Europe a surmonté les crises qui ont jalonné sa route et si elle a pu, chaque fois, rebondir et même progresser, c'est pour la seule et unique raison que la France et l'Allemagne les ont affrontées ensemble, au coude à coude.

Les différends qui ont si souvent secoué leur couple n'ont jamais durablement entamé leur entente fondamentale sur l'Europe. La France et l'Allemagne ont toujours élaboré conjointement et fait accepter par leurs partenaires les solutions qui ont permis à l'Europe de surmonter les crises et d'en sortir par le haut. Or tel ne serait plus le cas si le non l'emportait en France, alors que le Bundestag s'apprête à approuver le projet de Constitution à la quasi-unanimité de ses membres.

Nous touchons ici à l'essentiel : pour la première fois en cinquante-cinq ans, les chemins de la France et de l'Allemagne se sépareraient en ce qui concerne l'Europe, c'est-à-dire non pas sur un sujet secondaire, mais sur une question fondamentale. En effet, avec la Constitution, il s'agit de poser un toit sur l'édifice que nous avons patiemment construit ensemble pendant un demi-siècle. Imaginez, mes chers collègues, la stupeur des Allemands et ce qui subsisterait, outre-Rhin, de notre crédit !

Je ne cherche pas à dramatiser. Le traité de l'Elysée continuerait de s'appliquer. Le Chancelier allemand et le Président de la République française se concerteraient. M. le ministre des affaires étrangères parlerait avec son homologue et ils feraient de leur mieux pour limiter les dégâts et sauver ce qui pourrait l'être.

Mais on découvrirait très vite, à mon avis, que l'Europe a changé de centre de gravité et que, grâce à la France, l'heure attendue par la Grande-Bretagne depuis un demi-siècle a finalement sonné. Londres ramasserait les morceaux et prendrait les rênes.

Mes chers collègues, permettez moi d'évoquer un souvenir personnel.

En 1957 - qui, parmi vous, était né à cette époque ?

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