Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me contenterai de reprendre quelques points de ce débat, dont la qualité mérite d'être soulignée : répondant à l'ensemble des interrogations, il devrait balayer les argumentations fallacieuses développées par les tenants du non. A ceux qui voudraient transformer ce référendum et le réduire à un vote partisan - pour le Gouvernement, pour le Président de la République - je tiens à rappeler qu'il recouvre, au contraire, un enjeu majeur.
Pourquoi ce débat, qui vient, c'est vrai, à un moment où la campagne du non est sans doute plus lancée que celle du oui, ne serait-il pas le déclic dont notre pays a besoin pour prononcer un oui d'espérance, un oui de confiance en l'avenir de la France, en l'avenir de l'Europe ?
Après les propos remarquables qu'a tenus M. Jean François-Poncet, qu'il me suffise de dire que, si le non l'emportait, nous n'aurions aucune chance de retrouver l'accord de vingt-cinq pays sur un nouveau texte. C'est d'ailleurs aux qualités des membres de la Convention - M. Hubert Haenel, le président Valéry Giscard d'Estaing, sans oublier l'acteur éminent que vous avez été vous-même, monsieur le ministre - que nous devons d'avoir fait émerger un accord sur un texte.
Y avoir réussi, c'est tellement extraordinaire que nous devrions aujourd'hui nous laisser emporter par cet élan pour faire partager notre ardeur et notre enthousiasme en expliquant ce qui se passerait en cas de victoire du non ! Il n'y a aucune chance qu'un autre traité, meilleur, puisse être conclu demain ! Cessons de le laisser croire, et essayons, en revanche, de mettre en valeur l'élément d'espérance que porte cette Constitution.
Mes chers collègues, quels que soient nos sentiments, chacun mesure bien ici, après la mort du Pape, l'universalité de la place de l'homme. Or, la place de l'homme est au coeur de la Constitution.
A ceux qui voudraient utiliser des références chrétiennes pour combattre ce texte, vous me permettrez de rappeler ce communiqué des églises chrétiennes dont on a peu parlé et qui, dans le respect des uns et des autres, souligne que la communauté de valeurs au service de l'homme est bien au coeur même de cette Constitution.
De ce communiqué établi dans le respect de nos consciences, signé du président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France, du président de la Fédération protestante de France, du président de la Conférence des évêques de France, la conclusion qui se dégage, c'est la place de l'homme dans cette Constitution. Elle en fait un élément d'espérance pour tous.
Et je voudrais saisir cette occasion pour balayer les attaques de ceux qui, au motif que la Constitution emploie, non le mot de « chrétien», mais celui de « religion », développent des campagnes injustifiées.
De même, il nous appartient de répondre aux arguments de ceux selon lesquels cette Constitution, ouverte au seul jeu de la concurrence, oublierait les droits fondamentaux des individus.
Mes chers amis, comment assurer un développement économique qui garantisse l'épanouissement des uns et des autres autrement qu'en votant oui à cette Constitution ? Arrêtons de faire supporter par l'Europe les conséquences de situations parfois difficiles, alors qu'elle est le seul remède à ces maux !
Au monde de l'agriculture, je rappellerai ce que l'Europe lui a apporté. Qu'il n'oublie pas que l'action du Président de la République, lors de l'accord de Luxembourg, a permis de pérenniser jusqu'en 2013 un soutien financier qui atteint 8 milliards, voire 9 milliards d'euros. Pour nos agriculteurs, c'est la garantie que si la Constitution est votée, la politique agricole commune évoluera, certes, mais dans le respect de la conception qui a toujours été la nôtre, celle de l'exploitation agricole familiale.
Bien sûr, nos agriculteurs devront adopter des techniques de production plus respectueuses de l'environnement ; bien sûr, ils devront se conformer à un certain nombre d'exigences ; mais leur avenir sera assuré, alors qu'il serait condamné si la France, en choisissant de se tenir de l'écart, n'était plus en mesure de défendre leur cause.
Que les agriculteurs de France prennent deux minutes pour réfléchir qu'à se laisser aller, parce qu'ils ont des problèmes et qu'ils éprouvent des difficultés, ils risquent d'avoir demain des réveils terribles !
Pour apaiser certaines craintes, je dirai le fond de ma pensée : le mérite du débat sur le référendum, c'est d'avoir tout à coup permis dans notre pays une meilleure prise de conscience que la réalité européenne, c'est cette Europe à vingt-cinq, qui avait été oubliée et qui existe. Faute de se donner des règles de vie qui correspondent à cette nouvelle réalité, elle tombera en panne. L'angoisse que provoque chez certains cette prise de conscience, il nous appartient de la calmer.
De même, il nous revient de répondre aux interrogations de ceux qui ont peut-être besoin de mieux se faire expliquer ce que cette Constitution va leur apporter, notamment le fait que le pouvoir sera bien, désormais, un pouvoir politique ; et c'est en ce sens qu'on peut bel et bien parler de Constitution.
Ne nous laissons pas enfermer dans le débat consistant à savoir si, en l'absence d'Etat, il y a ou non une Constitution. Ce texte apporte une réponse vraie à la situation particulière d'une construction qui, après avoir associé les Etats, associe aujourd'hui davantage les citoyens.
Employons-nous donc à bien démontrer que le pouvoir sera, non pas le pouvoir des technocrates, mais un pouvoir politique nouveau. En effet, à travers un président élu pour un mandat renouvelable de deux ans et demi, le Conseil aura une voix politique et le ministre des affaires étrangères, qui parlera au nom de l'Europe, aura une chance que sa voix soit écoutée dans le monde.
Apportons la démonstration que le Parlement européen, élu par les citoyens, voit ses pouvoirs incontestablement renforcés. Et expliquons à ces électeurs que nous, parlementaires nationaux, allons désormais gagner une dimension d'action supplémentaire, celle de gardiens de la subsidiarité.
A ce titre, nous pourrons, de concert avec d'autres parlements, bloquer un certain nombre de textes et rappeler l'exigence de voir chacun remplir davantage son rôle, si possible au plus près du terrain. Et ce pouvoir, nous l'exercerons d'autant mieux que les compétences, exclusives, partagées, ou de soutien, sont définies dans le texte.
Nous avons aussi à rappeler que cette volonté embryonnaire de rapprocher les citoyens des responsables européens à laquelle a répondu la création du Comité des régions d'Europe sera renforcée. Cette instance aura, en effet, la capacité de saisir la Cour pour assurer le respect de la subsidiarité.
Il est capital pour nous de démontrer que, loin de créer des opportunités supplémentaires pour l'exercice d'un pouvoir technocratique, ce texte est, au contraire, l'occasion de faire émerger une réalité politique. Nous ne tomberons pas dans le piège !
De la fameuse « directive pour les services », je dirai, d'abord, qu'elle n'existe pas. Il y a eu un projet de directive, dont, je le rappelle ensuite, la délégation du Sénat pour l'Union européenne s'était saisie. Elle a fait un rapport. Et on sait très bien que, demain, la Constitution renforcera la capacité politique de blocage de tels projets.
Enfin, comme cela a été dit, face à la mondialisation, nous avons besoin aujourd'hui de cette organisation. Veut-on que l'Europe ait un poids ? Dans ces conditions, comment peut-on envisager que la France soit isolée ?
Je souhaite, pour ma part, que l'Europe vienne assurer la réalité de cette organisation multipolaire du monde, dans laquelle une place particulière serait faite à l'espace euroméditerranéen.