Intervention de Bernard Piras

Réunion du 7 mars 2006 à 16h10
Transparence et sécurité en matière nucléaire — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

L'IRSN ne doit pas tomber sous la coupe de la Haute autorité, au risque de mélanger les rôles de prescripteur et de contrôleur, qui doivent être bien séparés. En outre, les CLI doivent voir leur mission d'information renforcée et leur composition élargie. Quant à l'ANCLI, elle doit être reconnue par ce projet de loi. Tels sont quelques exemples de nos propositions d'amendements.

J'en reviens maintenant au dispositif consacré à la Haute autorité indépendante. Au regard de son importance, nous regrettons vivement d'avoir eu si peu de temps pour l'analyser. Malgré tout, il nous a paru comporter de réels et graves défauts, pour ne pas dire anomalies.

En effet, être indépendant ne veut pas dire ne pas rendre des comptes. Or cette autorité apparaît comme un démembrement de l'administration donnant tous les moyens humains, financiers et techniques à un collège de cinq personnes. Elle dispose de pouvoirs juridiques très importants pour édicter des règlements et effectuer des contrôles. Elle échappe donc à tout contrôle hiérarchique et politique, que ce soit du Parlement ou du Gouvernement. Sur ce point, il est très regrettable que vous n'ayez pas retenu la proposition de Jean-Yves Le Déaut de créer une « commission parlementaire spécifique chargée du contrôle de l'autorité administrative indépendante ». Cet aspect est primordial : la représentation nationale ne peut, une nouvelle fois, être écartée, cette mission de surveillance relevant clairement de sa compétence.

Ainsi, l'autorité indépendante posséderait, selon le texte, un pouvoir de règlement, de contrôle et d'information. La concentration de ces trois pouvoirs dans les mains d'une autorité indépendante est dangereuse et ne peut, en aucune manière, garantir la transparence en faveur de laquelle nous débattons ici. L'idée, comme certains l'ont souligné, n'est pas de créer « une dictature technocratique indépendante de l'État, mais dépendante du pouvoir nucléaire ».

Le champ de compétence de cette Haute autorité doit donc être repensé. Il semble d'ailleurs, madame la ministre, que cet avis soit partagé par les rapporteurs de la commission des affaires économiques.

La Haute autorité étant pourvue de tels pouvoirs, sa composition devient cruciale. Or, sur ce point également, ce que vous proposez est loin d'être satisfaisant. Tout est réuni pour que les personnes désignées soient issues du pouvoir nucléaire. À la lumière de ces critiques, vous comprendrez, mes chers collègues, que le dispositif consacré à cette Haute autorité, tel qu'il est proposé, est fort éloigné du projet originel.

Dans le cadre de cette discussion générale, je n'entrerai pas plus dans le détail de nos propositions, car nous le ferons lors de l'examen des articles. Globalement, il doit ressortir de ce texte de loi une clarification des rôles et des compétences de chacun des acteurs du nucléaire : à la Haute autorité indépendante, la mission de contrôle et de gendarme ; au Haut comité de transparence, la mission de l'accès à l'information ; à l'IRSN, la mission d'expertise ; enfin, à l'État, la mission d'assumer la responsabilité en dernier ressort.

Or, c'est à un accroissement de la confusion que nous assistons dans la distribution des rôles de ces trois principaux acteurs de notre système de sûreté et de sécurité en matière nucléaire. Tous les acteurs de la filière nucléaire risquent de pâtir de ce manque de clarté, alors qu'ils ont besoin de pouvoir identifier clairement leurs interlocuteurs en fonction des compétences précises qui leur sont attribuées.

Comme vous l'aurez sans doute compris, madame la ministre, l'intervention de notre groupe se veut constructive, avec comme objectif affirmé le renforcement de la transparence et de la sécurité dans le domaine nucléaire. Les amendements que nous présenterons seront logiquement guidés par cette ambition, qui est, en la matière, l'aspiration légitime de nos concitoyens.

Dans son rapport, Jean-Yves Le Déaut le rappelle : « Il n'empêche que les Français n'auront confiance dans le nucléaire que s'ils acquièrent l'intime conviction qu'on leur dit la vérité ». Lors des débats, ne perdons jamais de vue cet aspect psychologique du sujet. Malheureusement, jusqu'à présent, le parcours et le contenu de ce projet de loi sont loin de nous avoir rassurés sur ce point. J'espère vivement que, de nos débats, émergera la clarté.

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