Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 40 de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école qui est aujourd'hui en cause a été introduit par le Sénat dans le souci d'assurer l'exigence de neutralité qui sied à la fonction exercée par les délégués départementaux de l'éducation nationale, encore que nous ne saurions, bien sûr, porter des soupçons infondés sur un corps dont la neutralité conditionne à la fois l'indépendance et la crédibilité.
Justifiée sur le plan des principes, cette disposition, comme cela a été excellemment rappelé, s'est révélée, sur un plan strictement pratique, peu conforme à la réalité concrète de l'exercice de leur mission. C'est ce que craignait d'ailleurs notre collègue Yves Pozzo di Borgo, en présentant l'amendement n° 176 rectifié ter, puisqu'il redoutait qu'il « ne pose des problèmes dans les zones urbaines ». Le ministre de l'éducation nationale lui-même observait alors que cet amendement, pour lequel il s'en remettait à la sagesse du Sénat, poserait un problème d'application pour la ville de Paris, notamment.
En effet, il y a, à Paris, comme à Lyon et à Marseille, une délégation par arrondissement, chacune étant sous la responsabilité d'un président de délégation d'arrondissement. Le bon fonctionnement de ces délégations qui a prévalu jusqu'à présent n'est possible que si leurs présidents sont connus dans les mairies et y trouvent une bonne écoute - cette observation vaut d'ailleurs pour toutes les autres villes. Ce n'est qu'au prix de longues années d'efforts qu'ils y parviennent.
L'article D. 241-34 du code de l'éducation dispose que le DDEN « veille à faciliter les relations entre l'école et la municipalité ». Ce rôle d'interface entre l'école, les usagers, la municipalité et les autorités académiques exige une connaissance globale de l'environnement des écoles dont le délégué a la charge.
D'une façon générale, l'article 40 de loi précitée pose deux types de difficultés.
Tout d'abord, que ce soit en zone urbaine ou rurale, il implique un éloignement qui ne correspond pas à la très forte dimension de proximité qui est attachée à la fonction même du DDEN. Comme je viens de le souligner, son action est très utile, justement du fait de sa bonne connaissance de la situation locale et des besoins de la population scolaire.
Dissocier le lieu d'exercice de la fonction du lieu de résidence revient à vider de son sens le rôle de médiation et de personne-ressource qui est unanimement reconnu au DDEN.
Ensuite, en imposant aux délégués d'intervenir en dehors de leur commune de résidence, on leur fait subir des contraintes de déplacement qu'ils n'avaient pas à supporter auparavant ; c'est un point essentiel pour eux. Les trajets nécessaires risquent d'occasionner des frais, alors que ces délégués sont des bénévoles, comme M. le ministre et M. le rapporteur l'ont rappelé. Il serait donc infiniment regrettable que des candidats se détournent de ce mandat, alors qu'ils remplissent leur fonction avec dévouement et disponibilité, chacun le sait, et qu'ils sont très appréciés par l'ensemble de la communauté scolaire, parmi laquelle ils jouissent d'une réputation non usurpée, pour leur disponibilité, leur compétence, leur respect de chacun, leur impartialité et l'engagement total dans l'exercice de leur tâche.
En outre, alors que le rôle des DDEN est reconnu de tous et que les directeurs d'école sont demandeurs, le recrutement des délégués est déjà particulièrement difficile à Paris : on compte 320 délégués pour visiter 657 écoles publiques et 111 écoles privées !
Je salue les efforts de M. le rapporteur pour rechercher une solution équitable. Ses rencontres avec les représentants des DDEN et ses contacts avec l'administration ont abouti à la rédaction de cette proposition de loi, dont nous ne pouvons que louer l'esprit et la forme.
Je note également que le souci de neutralité, tout à fait légitime, qui avait guidé la rédaction du texte en cause, est préservé pour les délégués exerçant un mandat municipal. Il est, en effet, souhaitable que le délégué ne soit pas partie prenante aux affaires de la commune dont il inspecte lui-même les écoles.
Ainsi, nous parvenons à une solution aussi bien équilibrée que pratique.
Toutefois, monsieur le ministre, il vous faut désormais réfréner votre administration.
J'appelle notamment votre attention sur une circulaire émanant de l'académie de Paris à propos du renouvellement partiel des DDEN pour la période 2006-2009, qui a été récemment envoyée aux présidents de délégations départementales de l'éducation nationale. Celle-ci précise que les délégués « ne peuvent exercer leur mission que dans des établissements autres que ceux de leur arrondissement de résidence », reprenant pour partie la formulation de l'article L. 241-44 du code de l'éducation.
Vous le savez, monsieur le ministre, les représentants des délégués se sont émus de ces courriers, qui ont peut-être été envoyés un peu hâtivement - même si je me félicite de ce que les services d'une administration réagissent aussi rapidement ! -, en l'absence de décret d'application. Le vote qui interviendra tout à l'heure sur cette proposition de loi - je ne doute pas de l'issue de nos débats - sera, je l'espère, de nature à rassurer pleinement les délégués. Vous voudrez bien alors, monsieur le ministre, relayer l'information, afin que le prochain renouvellement puisse être pleinement assuré.
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise permet d'introduire dans le droit applicable aux délégués départementaux de l'éducation nationale une disposition équilibrée. Elle permet également, je tiens à le dire, de souligner l'estime que nous portons à ces délégués.