Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 27 octobre 2005 à 15h00
Délégués départementaux de l'éducation nationale — Adoption des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui afin de corriger un dispositif qui a été adopté lors de l'examen de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, en mars dernier.

Cette disposition concerne les DDEN. Leur dévouement à l'école publique ne fait aucun doute : ils contribuent, par leur action, à l'amélioration de l'environnement scolaire et à la défense de la laïcité et du service public d'éducation.

Rappelons que nous célébrons cette année le centenaire de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat, laquelle a enraciné dans la société française le principe qui nous est cher de laïcité. Et ce sont des citoyens comme ces délégués qui font vivre ce principe au quotidien.

Cette fonction si spécifique et si nécessaire a existé de tout temps. Souvenons-nous que les ancêtres des DDEN, les « magistrats aux moeurs », remontent à la Révolution française !

Depuis la création de ces délégués, leurs domaines d'intervention ont considérablement évolué dans l'école et autour d'elle : outre leur rôle traditionnel de surveillance des locaux scolaires, qu'ils détiennent de longue date, ils ont acquis de nouvelles compétences. Ils interviennent désormais sur toutes les questions relatives à l'environnement scolaire et sur tout ce qui touche à la vie scolaire, notamment les centres de loisirs, les transports, les restaurants et les caisses des écoles.

Le délégué joue par ailleurs un rôle d'incitation à la création et au développement d'oeuvres complémentaires de l'école publique, un rôle de coordination, en veillant à faciliter les relations entre l'école et la municipalité, et un rôle de médiation, puisque sa place stratégique, à la charnière entre l'école, la commune et les parents d'élèves, lui permet de résoudre les éventuelles situations conflictuelles.

Pourtant, ce dévouement à l'éducation nationale n'est pas toujours reconnu à sa juste valeur.

Dans la nuit du 28 mars dernier, lors de l'examen de la loi Fillon, un amendement de M. Détraigne a été adopté. A l'article L. 241-4 du code de l'éducation, il a introduit un alinéa portant interdiction aux DDEN d'exercer leur mission dans un établissement situé dans leur commune de résidence.

En proposant et en faisant adopter cet amendement, les auteurs ont assurément porté atteinte à la mission des DDEN et en ont compromis l'efficacité. Cette disposition méconnaît à la fois le mode de désignation et les conditions d'exercice de la fonction du délégué départemental de l'éducation nationale. En effet, l'article D. 241-24 du code de l'éducation précise clairement que « les délégués départementaux de l'éducation nationale sont désignés par circonscription d'inspection départementale pour visiter les écoles publiques et privées qui y sont installées. » La fonction de délégué nécessite donc la proximité, une dimension indispensable au bon exercice de leur activité. En effet, comment pourraient-ils mener à bien leurs missions de coordination et de médiation s'ils n'ont pas une vision globale de l'environnement scolaire ?

Cet amendement a été justifié au nom de la neutralité devant régir la fonction. Qu'on veuille la faire respecter scrupuleusement, pour des raisons de déontologie, en restreignant l'exercice de la fonction aux élus municipaux : très bien ! Tous ici, et les délégués eux-mêmes, comprennent que l'on ne peut pas être à la fois juge et partie.

En revanche, avant de jeter l'opprobre sur tous les DDEN, n'aurait-on pas pu, au préalable, interroger leurs représentants sur le bien-fondé de cette disposition ? Si le problème s'est effectivement posé localement, c'est à ce niveau qu'il fallait le régler, sans vouloir à tout prix passer par le cadre législatif.

Il est très regrettable que les DDEN subissent cet affront. Ils jouent un rôle citoyen et sont soucieux de l'avenir de l'école républicaine, qu'ils ont toujours connue et portée, beaucoup d'entre eux étant des enseignants à la retraite. Pourquoi devrions-nous porter un regard suspicieux sur ces personnes, alors qu'elles ne souhaitent finalement qu'une chose, à savoir améliorer les conditions de vie de nos enfants ?

Si cette disposition devait être appliquée, elle aurait des conséquences dramatiques. Prémices d'un avenir sombre pour ces bénévoles, un grand nombre de délégués, contraints de renoncer à l'exercice de leur fonction en raison des frais et des contraintes de déplacements, ont projeté de démissionner. D'après une enquête menée auprès des unions départementales en avril dernier, près de la moitié des délégués envisagent d'ores et déjà de démissionner. Cela signifie, à court terme, la disparition de la fonction.

L'amendement en cause a été adopté en pleine nuit, à la hâte. La raison en est simple, procédant de la volonté du Gouvernement de passer en force sur un sujet aussi sensible et important que l'éducation. Le texte n'a pu bénéficier que d'une seule lecture, dans la mesure où l'urgence avait été déclarée.

Cette méthode est d'autant plus contestable que cette déclaration d'urgence n'a eu aucune incidence sur les délais de publication des décrets. Ainsi, aucun de ces décrets prévus par la loi n'a été pris. En revanche, le Gouvernement n'a pas tardé à prendre de nouveaux décrets, non prévus, après que le Conseil constitutionnel eut censuré la loi en raison du rapport annexé au projet de loi et de l'article qui l'approuvait.

A la suite des demandes des DDEN formulées auprès de l'ensemble des groupes politiques, le rapporteur de la loi Fillon, Jean-Claude Carle, a rédigé la proposition de loi qui est examinée aujourd'hui et qui fait l'unanimité au sein de la commission des affaires culturelles. Elle mettra fin au flou juridique qui règne depuis l'adoption de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école et permettra aux DDEN d'assurer leurs missions dans la sérénité.

Une erreur d'appréciation a été commise, et nous nous réjouissons que, finalement, vous soyez conscients, mes chers collègues, des conséquences fâcheuses engendrées par cette disposition. Nous espérons par ailleurs, monsieur le ministre, que ce texte sera très rapidement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Aussi, pour toutes les raisons évoquées plus haut, nous voterons ce texte.

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