Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 19 octobre 2004 à 16h10
Droits des personnes handicapées — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Mais, finalement, tout dépendra de sa concrétisation, laquelle restera très largement dépendante du bon vouloir du ministère de l'éducation nationale et des efforts que ce dernier accomplira chaque année pour donner aux établissements scolaires les moyens d'accueillir les enfants en situation de handicap : aménagement des locaux, affectation d'un nombre suffisant de postes d'auxiliaires de vie scolaire, etc. Le sort réservé au plan Handiscol laisse sceptique.

Nous avons tous entendu parler du cas de ces parents du Sud de la France, dont l'enfant autiste suit une scolarité à mi-temps dans une école ordinaire, qui se sont déjà battus et qui doivent à nouveau se battre pour que le poste de l'auxiliaire de vie scolaire qui aide leur enfant ne soit pas supprimé.

Beaucoup d'efforts restent à faire et je ne mets pas en doute votre volonté à cet égard, madame la secrétaire d'Etat.

Le cinquième point a trait à l'emploi.

L'accès à l'emploi est sans conteste la pierre angulaire d'une intégration réussie. Or, aujourd'hui, entre les rejets de candidatures avant tout entretien, les propositions d'emplois déqualifiés ou précaires et l'inaccessibilité des lieux de travail, il relève bien souvent de l'impossible.

Remédier à cette situation, c'est d'abord commencer par améliorer la qualification des travailleurs en situation de handicap par la mise en place de politiques spécifiques et concertées de formation professionnelle, une question oubliée en l'état actuel du projet de loi.

Remédier à cette situation, c'est aussi se montrer plus exigeant en transposant toute la directive européenne relative à l'aménagement du lieu de travail. C'est également faire preuve de plus de fermeté à l'égard des entreprises qui n'accomplissent aucun effort pour embaucher des personnes en situation de handicap.

Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'Etat, sur ce sujet, nous avons redéposé l'amendement que nous avions présenté en première lecture tendant à porter la contribution à l'AGEFIPH à 1 500 fois le SMIC au bout de trois ans si l'entreprise n'a fait aucun effort pour embaucher des travailleurs en situation de handicap. Nous espérons vous convaincre.

Le sixième point concerne le cadre bâti.

L'accès à tout pour tous : plus qu'un principe, c'est une exigence absolue, celle de la « conception universelle » des bâtiments, de la voirie, des moyens de transports.

Il faut notamment en finir avec les dérogations accordées aux constructeurs d'équipements neufs ; le surcoût initial permettant d'assurer la circulation des personnes en situation de handicap est peu de chose par rapport à l'enjeu de pouvoir vivre ensemble.

Pourquoi avoir rallongé le délai de mise en conformité de l'accessibilité des services de transport collectif et pourquoi avoir supprimé les commissions communales d'accessibilité ?

Le septième point a trait au dispositif institutionnel

Ce volet reste le plus obscur du projet de loi. En première lecture, je vous avais déjà fait part de ma réticence à l'égard de l'expression « maison départementale des personnes handicapées ». Certains proposent de l'intituler : « maison départementale pour la vie autonome ». J'aimerais avoir votre sentiment à cet égard.

Quant aux amendements du Gouvernement relatifs à la CNSA, ils nous laissent sceptiques. Ont-ils réellement leur place dans ce projet de loi ?

Mon collègue Bernard Cazeau reviendra plus précisément sur ces deux points.

Le huitième et dernier point est relatif au financement.

La déception est grande, également, en la matière. Je suis persuadé que nous aurons l'occasion de revenir sur les chiffres annoncés, mais je rappelle que la suppression d'un jour férié - et je réitère notre opposition à cette mesure - est censée rapporter, en année pleine, entre 1, 7 milliard et 2 milliards d'euros. Sur cette somme totale, 850 millions d'euros devraient être attribués aux personnes en situation de handicap, dont 550 millions d'euros pour le financement de la seule prestation de compensation.

Vous avez précisé, en commission, qu'il s'agirait d'une enveloppe fermée. Par nature, une telle enveloppe ne peut couvrir la totalité de la compensation universelle du handicap. Je serais satisfait si vous pouviez m'apporter une réponse à cet égard.

Il est d'ailleurs à noter que cette suppression d'un jour férié devrait rapporter à l'Etat entre 200 millions et 300 millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires - une TVA dont on ne parle jamais - générées par l'activité économique et commerciale induite. L'Etat se garde bien d'en faire profiter les personnes dépendantes, puisque ces 200 millions à 300 millions d'euros iront compenser le déficit de l'Etat.

Indéniablement, sous la générosité apparente des propos, les financements nécessaires à l'application de ces bonnes intentions ne sont pas prévus.

Le budget prévu reste très largement insuffisant et les conseils généraux, qui gèrent actuellement une large part du dispositif, peuvent craindre, à juste titre, dans ce secteur, un transfert de compétence de l'Etat sans compensation financière. Ils commencent à en avoir l'habitude, me direz-vous !

Madame la secrétaire d'Etat, monsieur le président, mes chers collègues, nous aborderons toutes ces questions, et bien d'autres encore, au cours de l'examen des articles. Une fois de plus, les sénateurs socialistes s'efforceront d'être constructifs. Nous espérons que le Gouvernement saura faire preuve d'écoute et d'ouverture, plus d'ouverture, je l'espère - vous n'y êtes pour rien, madame la secrétaire d'Etat - que la semaine dernière, lors de l'examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

En première lecture, Mme Boisseau s'était engagée à nous communiquer, avant la deuxième lecture, la teneur des nombreux décrets qui découleront de ce projet de loi, ce qui nous serait fort utile. Seriez-vous disposée, madame la secrétaire d'Etat, à honorer l'engagement de votre prédécesseur ?

En conclusion, nous serons exigeants, bien sûr, car la situation actuelle et les objectifs affichés nous y obligent, mais nous serons également constructifs et ouverts au dialogue.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion