Intervention de Paul Blanc

Réunion du 19 octobre 2004 à 21h45
Droits des personnes handicapées — Article 1er

Photo de Paul BlancPaul Blanc, rapporteur :

La commission approuve les précisions apportées par l'Assemblée nationale, notamment s'agissant de la définition du handicap, car elle estime que cette dernière est désormais équilibrée et qu'elle prend en compte l'ensemble des types de handicap, en particulier l'autisme qui pouvait difficilement être classé dans les catégories jusqu'ici énumérées.

La définition proposée est en effet fidèle à la lettre comme à l'esprit de la classification internationale des handicaps de l'OMS, dans la mesure où elle fait clairement apparaître les trois composantes du handicap : la déficience « physique, sensorielle, mentale, cognitive ou psychique » qui en est l'origine et qui peut également prendre la forme d'un polyhandicap ou d'un trouble invalidant de la santé ; l'incapacité ou, selon les termes retenus par le projet de loi, la « limitation d'activité » qui en constitue l'impact individuel ; le désavantage qui en est le visage social défini par le projet de loi comme la « restriction de participation à la vie en société » et qui naît de la confrontation avec l'environnement.

Cette définition est équilibrée, car elle consacre le caractère indissociable de ces trois éléments sans pour autant tomber dans le travers « environnementaliste » de certaines définitions qui voudrait faire croire que la suppression des obstacles environnementaux au sens large - obstacles de l'environnement physique et social - ferait disparaître le handicap. La commission estime qu'une telle approche serait utopiste, voulant faire croire à une personne autiste que, si ces obstacles disparaissaient, elle ne serait plus handicapée.

En réalité, l'insistance de certaines associations de personnes handicapées, notamment de personnes handicapées motrices, sur la dimension environnementale du handicap et sa traduction sémantique à travers la notion de « situation de handicap » tient sans doute au fait que les pouvoirs publics et les associations ne fixent pas le même objectif à la définition du handicap : lorsque les pouvoirs publics demandent à cette définition de permettre l'identification d'une population, d'un public visé par la politique spécifique adressée aux « personnes handicapées », les associations lui fixent comme objectif de garantir que la compensation du handicap sera bien faite en fonction d'une évaluation individualisée des besoins. Vivant le handicap de l'intérieur, l'identification d'un public, indispensable pour les pouvoirs publics qui définissent des politiques à l'égard de telle ou telle population, leur apparaît secondaire.

Au vu des débats passionnés autour de la formule « personne en situation de handicap » qui ont occupé plusieurs heures de débats en première lecture, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, la commission voudrait encore une fois expliquer pourquoi une telle formule lui paraît à la fois inappropriée, trompeuse et dangereuse.

Elle est inappropriée, car, bien que se référant apparemment à la classification internationale des handicaps, elle élude la déficience, premier niveau de la chaîne conceptuelle « déficience-incapacité-désavantage » qui caractérise selon l'OMS le handicap. En éludant la déficience, elle dévoie donc la définition de l'OMS.

Elle est trompeuse, car elle semble mettre en avant un supposé caractère réversible du handicap, comme si les mesures compensatoires pouvaient à terme supprimer le handicap. Pourtant, quoi qu'on fasse, la déficience subsiste et, si la « situation de handicap » disparaît, le handicap, lui, demeure.

Elle est dangereuse, car elle place les personnes handicapées devant un double risque d'exclusion : l'exclusion par la déficience qui, bien que niée, demeure et l'exclusion par la mise à l'écart des structures qui leur étaient spécifiquement destinées. En effet, à force d'oublier la déficience, cette notion de « personne en situation de handicap » peut s'étendre à tout individu dont le désavantage social ne vient pas d'une déficience. Toute personne est alors, un jour ou l'autre, en « situation de handicap », au sens de désavantage. Le risque est que les personnes handicapées ne soient plus clairement identifiées au sein des publics prioritaires de la lutte contre l'exclusion.

Pour toutes ces raisons, la commission affiche sa préférence pour l'expression « personne handicapée » et pour une définition permettant réellement de cibler le public handicapé auquel sont destinées les dispositions du présent projet de loi.

Pour autant, elle comprend les attentes des personnes handicapées et des associations qui les représentent de voir l'environnement et le projet de vie pris en compte pour l'évaluation des besoins de la personne. Mais elle estime que cette préoccupation relève de la définition du droit à compensation et non de la définition, nécessairement préalable, des personnes handicapées qui doivent en bénéficier.

J'ajouterai enfin que les pays scandinaves, qui ont été cités en exemple sur toutes les travées de cet hémicycle, n'ont pas attendu d'avoir une définition telle que celle que vous proposez aujourd'hui pour faire progresser la compensation du handicap. Selon moi, il ne faut pas, sous prétexte de situation de handicap, entrer dans un débat sémantique.

La commission des affaires sociales a adopté une position qui est équilibrée et empreinte de sagesse, comme toutes ses décisions d'ailleurs.

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