Intervention de Roland du Luart

Réunion du 1er décembre 2008 à 10h00
Loi de finances pour 2009 — Justice

Photo de Roland du LuartRoland du Luart, rapporteur spécial :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2009, de 6, 654 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 2, 6 %.

Dans un contexte budgétaire globalement tendu, cette progression des crédits illustre l’importance attachée à la justice et la priorité accordée à ses moyens, et cela depuis plusieurs années.

Le programme « Justice judiciaire » compte 2, 83 milliards d’euros en crédits de paiement, en hausse de 3, 8 %.

Au sein de ce programme, il convient de souligner les progrès remarquables réalisés en termes de maîtrise des frais de justice. Grâce aux efforts conjugués des magistrats et de la Chancellerie, la dynamique à la hausse de ces frais est désormais contenue. En 2009, une dotation de 409 millions d’euros est prévue pour les couvrir, contre 405 millions d’euros en 2008.

Un autre problème récurrent reste toutefois à résoudre : celui de l’insuffisance de greffiers au sein des juridictions, je l’ai souligné à de nombreuses reprises.

Le ratio actuel de 2, 5 fonctionnaires de greffe par magistrat traduit une réelle faiblesse du soutien logistique susceptible d’être apporté aux magistrats, tant pour le rendu des décisions de justice que pour la gestion des juridictions. Les efforts afin d’accroître les effectifs de magistrats, en conformité avec la loi d’orientation et de programmation pour la justice, la LOPJ, au cours de la période 2003-2007, méritent d’être salués. Mais ils n’ont de sens que s’ils s’accompagnent d’un effort encore plus important en faveur des greffiers.

Le projet de loi de finances pour 2009 permet également de faire le point sur la réforme de la carte judiciaire et sur son coût.

Depuis de nombreuses années, chacun convenait de la nécessité de réformer la carte judiciaire, mais aucune réorganisation n’avait été entreprise depuis 1958. En dépit des évolutions démographiques, économiques et sociales de notre pays, la carte judiciaire n’avait fait l’objet depuis cette date que d’adaptations ponctuelles.

Elle avait ainsi fini par devenir un frein à la modernisation de la justice et une entrave à sa nécessaire lisibilité pour les citoyens.

Toutefois, cette réforme présente un coût initial.

Pour 2009, le budget qui lui sera consacré s’élève à 37 millions d’euros, supportés par le programme « Justice judiciaire ». Encore faut-il ajouter à cette somme 55 millions d’euros mobilisés sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », provenant essentiellement des produits de cessions de bâtiments appartenant à l’État.

Au total et sur cinq ans, le coût de la réforme de la carte judiciaire est désormais chiffré par la Chancellerie à 427 millions d’euros, soit un montant très inférieur à celui qui était annoncé initialement, c'est-à-dire 800 millions d’euros.

Il faut toutefois préciser que ce coût n’intègre pas l’opération de réaménagement du tribunal de grande instance de Paris, qui pourrait s’élever, à elle seule, à près d’un milliard d’euros.

Le programme « Administration pénitentiaire » comporte 2, 467 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une progression de 4 %.

Faut-il le rappeler ? En France, les conditions de détention sont inacceptables. La vétusté de la plupart des prisons y est pour beaucoup, mais surtout l’insuffisance de places est accablante. Le taux de surpopulation carcérale atteignait ainsi 126, 5 % au 1er juillet 2008 et ce taux, qui n’est qu’un taux moyen, peut même aller jusqu’à plus de 200 % dans certains établissements…

On ne peut donc que se réjouir de la création nette de 4 588 places en établissements pénitentiaires en 2009, parmi lesquels figure la maison d’arrêt du Mans, ce que je note avec satisfaction. Cependant, à supposer que le nombre de détenus reste au niveau actuel et que les prévisions en matière de créations nettes de places en détention soient respectées, il s’agit de 11 569 places à créer entre 2009 et 2012, le nombre de places n’égalera pas le nombre de personnes détenues au terme de la programmation…

En 2009, la création d’emplois au sein de l’administration pénitentiaire suivra ces ouvertures de places. Le programme enregistrera un nouvel accroissement de ses effectifs de 894 équivalents temps plein travaillé.

S’agissant des conditions de vie et d’accueil dans les établissements pénitentiaires, je souhaite tout particulièrement insister sur la prise en charge défaillante des cas de psychiatrie en milieu carcéral. Notre système souffre d’une grave insuffisance de moyens en la matière, notamment en ce qui concerne le nombre des psychiatres intervenant en établissement pénitentiaire. Je demande instamment que l’on crée des postes, notamment dans les nouveaux établissements.

La question des transfèrements de détenus pose également problème. Une « remise à plat » de la charge de ces missions, qui incombent actuellement à la police et à la gendarmerie, me paraît indispensable. Je reviendrai d’ailleurs sur cette question lors de la présentation de l’amendement proposé par la commission des finances du Sénat sur les crédits de la mission « Justice ».

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » s’appuie sur une enveloppe de 787, 1 millions d’euros en crédits de paiement, en baisse de 2, 1 %.

Il sera marqué par une évolution stratégique notable en 2009 : son recentrage sur la prise en charge des mineurs délinquants.

Au regard de la performance de ce programme, il faut souligner que les taux d’occupation des établissements enregistrent des progrès significatifs. Ainsi, ce taux est-il passé de 71 % pour les centres éducatifs fermés en 2007 à 75 % en prévision actualisée pour 2008, avec une cible de 80 % en 2011.

Un résultat de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, ne doit pas nous échapper : 66 % des jeunes pris en charge au pénal n’ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l’objet de nouvelles poursuites dans l’année qui a suivi la clôture de la mesure. À lui seul, ce chiffre suffirait à justifier l’importance de l’action de la PJJ.

Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent de 4, 3 % en crédits de paiement, en passant de 334, 3 millions d’euros à 320 millions d’euros.

Au sein de ce programme, l’aide juridictionnelle voit sa dotation passer de 314, 4 millions d’euros en 2008 à 300 millions d’euros en 2009. Cette baisse de 4, 6 % doit toutefois être relativisée, dans la mesure où elle pourrait être compensée par un rétablissement de crédits à hauteur de 13 millions d’euros au titre du recouvrement de l’aide juridictionnelle. Par ailleurs, l’hypothèse sur laquelle s’appuie cette prévision budgétaire se fonde sur un non-accroissement du nombre d’admissions à l’aide en 2009, soit 886 000 bénéficiaires.

Il n’en reste pas moins qu’une réforme de ce dispositif s’impose. La commission des finances a déjà eu l’occasion de formuler des recommandations dans ce domaine. Elle souhaite que 2009 puisse être une année de prise de décisions fortes.

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus » constitue une nouveauté relative au sein de la mission « Justice ».

Sa création s’explique par la mise en œuvre, au sein du ministère de la justice et à compter du 1er janvier 2009, du logiciel Chorus, qui doit gérer à terme l’ensemble de la dépense des recettes non fiscales et de la comptabilité de l’État.

Ce programme comporte 238 millions d’euros de crédits de paiement.

Il faut noter, le concernant, que la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, qui était rattachée jusqu’en 2008 au programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés », est transférée en direction du programme « Défense des droits des citoyens » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Ce transfert de la CNIL sur un programme permettant de mieux individualiser et de mieux « sanctuariser » ses crédits correspond à la satisfaction d’un souhait plusieurs fois émis par la commission des finances du Sénat.

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice », enfin, n’a plus qu’une vocation transitoire. Il disparaîtra le 31 décembre 2009, date à laquelle la totalité des crédits de la mission « Justice » seront gérés dans l’application financière Chorus.

En conclusion, mes chers collègues, l’année 2009 sera, pour la justice, une année de continuité. Continuité, tout d’abord, dans les efforts budgétaires consentis pour rattraper des retards trop longtemps accumulés. Continuité, ensuite, dans la volonté de moderniser l’institution judiciaire, pour la rendre plus proche du justiciable et plus lisible par nos concitoyens. Continuité, enfin, dans le souci d’apporter une réponse au problème posé par la surpopulation carcérale et les conditions de détention, trop souvent indignes de notre République.

Dans ces conditions, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de la mission et de chacun de ses programmes.

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