Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques dont nous sommes saisis était très attendu.
La dernière réforme substantielle de la politique de l'eau, depuis la loi fondatrice du 16 décembre 1964, remonte à la loi du 3 janvier 1992. Quant au projet de loi adopté par l'Assemblée nationale au mois de janvier 2002, il n'a pas été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée car le Gouvernement a souhaité organiser une large concertation avant de déposer ce nouveau texte sur notre bureau.
La commission des lois s'est saisie pour avis des dispositions intéressant les collectivités territoriales et relevant de son champ de compétence : il s'agit des articles 22 à 27, qui réforment les services de distribution d'eau et d'assainissement, mais aussi de l'article 28, qui étend les missions des services départementaux d'assistance technique aux exploitants de stations d'épuration, les SATESE, et, enfin, des articles 35 et 36, qui modifient la composition des comités de bassin, renforcent leur rôle et étendent les missions des agences de l'eau.
Je ne reviendrai pas sur ces dispositions puisqu'elles ont déjà été présentées. La commission des lois y a souscrit sous réserve de plusieurs modifications qui contribuent à répondre aux importants enjeux de la réforme qui nous est proposée.
Trois enjeux majeurs peuvent être identifiés pour la réforme des services publics de l'eau et de l'assainissement : l'amélioration de la qualité de l'eau, la poursuite de l'effort d'assainissement et le renouvellement des installations.
S'agissant tout d'abord de la qualité de l'eau distribuée, eu égard aux normes strictes fixées par la directive du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et transposée en droit interne par un décret du 20 décembre 2001, la qualité de l'eau distribuée suppose des travaux de mise en conformité des réseaux d'un montant estimés à 11, 3 milliards d'euros d'ici à 2013.
Ensuite, la mise aux normes européennes des réseaux d'assainissement des agglomérations de plus de 2 000 équivalent-habitants doit être achevée. L'effort restant à accomplir a été estimé à 9, 15 milliards d'euros à partir de 2000, après une dépense d'environ 7 milliards d'euros depuis 1992.
Enfin, le renouvellement des équipements et des réseaux déjà créés, notamment ceux de production et de distribution d'eau, constitue également un enjeu majeur. Le patrimoine des services d'eau et d'assainissement est estimé à environ 200 milliards d'euros, et les ouvrages les plus anciens doivent maintenant être remplacés. Le besoin en matière de renouvellement des équipements et des réseaux d'assainissement est évalué entre 0, 8 et 1, 5 milliard d'euros par an.
L'effort financier que devront consentir les communes et les groupements de collectivités territoriales compétents dans la distribution d'eau et l'assainissement est donc considérable. J'ajoute qu'il sera particulièrement difficile à fournir pour les communes rurales.
L'inquiétude des élus locaux est d'autant plus grande que le maintien des aides autrefois versées par le fonds national pour le développement des adductions d'eaux est incertain.
Destiné à subventionner les travaux d'alimentation en eau et d'assainissement dans les communes rurales, ce fonds était alimenté pour moitié par une taxe assise sur les consommations d'eau et pour moitié par un prélèvement sur les ressources du pari mutuel urbain, pour un montant total d'environ 150 millions d'euros par an. Il a été amputé de la moitié de ses ressources - celles qui provenaient du PMU - par la loi de finances pour 2003 avant d'être transféré par la loi de finances rectificative pour 2004.
Certes, les missions du FNDAE ont été reprises, à compter du 1er janvier 2005, par les agences de l'eau, lesquelles ont été autorisées, en contrepartie, à relever les taux des redevances qu'elles perçoivent. Une péréquation au niveau des bassins hydrographiques a ainsi été substituée à une péréquation nationale.
Toutefois, les agences ne disposent pas toutes des mêmes moyens financiers. De surcroît, rien ne garantit qu'elles ne réduiront pas les aides versées aux communes rurales pour faire face à l'élargissement de leurs missions prévu par le présent projet de loi.
Les vingt-neuf amendements adoptés par la commission des lois répondent à un triple objectif.
Premièrement, il convient de renforcer la transparence des services publics de distribution d'eau et d'assainissement, en améliorant l'information des usagers et des élus locaux.
Deuxièmement, il faut faciliter les interventions des collectivités territoriales et donner plus de liberté aux communes, en incitant les communautés de communes à exercer les compétences de leurs communes membres en matière d'assainissement, en permettant aux départements de disposer d'une nouvelle source de financement, et, enfin, en renforçant le rôle des élus au sein des comités de bassin.
Troisièmement, il importe de garantir une solidarité envers les communes rurales, en sécurisant les interventions des SATESE et en garantissant le maintien des aides autrefois versées par le fonds national pour le développement des adductions d'eau.
Ces amendements ont été rédigés en étroite concertation avec nos collègues Bruno Sido et Fabienne Keller, que je tiens à remercier pour leur écoute et leur compréhension.
Le premier objectif tend donc à renforcer la transparence des services publics de distribution d'eau et d'assainissement.
Pour améliorer l'information des usagers, la commission des lois vous proposera, mes chers collègues, d'une part, de prévoir que toute promesse de vente, tout acte authentique de vente de tout ou partie d'un immeuble à usage d'habitation à un acquéreur non professionnel comprend un diagnostic du respect par cet immeuble ou cette partie d'immeuble des prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif ; elle vous invitera, d'autre part, à préciser les conditions d'opposabilité du règlement de service de distribution d'eau ou d'assainissement, afin de renforcer sa sécurité juridique.
Pour améliorer l'information des élus, la commission des lois juge nécessaire d'exiger du délégataire d'un service de distribution d'eau ou d'assainissement ayant accepté de prendre en charge des travaux dans le cadre d'un programme pluriannuel, tout d'abord, de fournir une estimation des dépenses, ensuite, de rendre compte de l'exécution du programme dans le rapport qu'il remet chaque année au délégant, et, enfin, de dresser à la fin du contrat un inventaire du patrimoine de ce dernier.
Le deuxième objectif vise à faciliter les interventions des collectivités territoriales et à donner plus de liberté aux communes. S'agissant de ce dernier point, la commission des lois souhaite interdire la modulation des aides publiques versées aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière de distribution d'eau ou d'assainissement en fonction du mode de gestion de ce service. En effet, une telle modulation institue une forme de tutelle sur les communes et les groupements de collectivités territoriales, prohibée par l'article 72 de la Constitution, et affecte le prix de l'eau payée par les usagers.
S'agissant de la fixation du prix de l'eau, la commission des lois proposera de n'interdire la pratique des tarifs dégressifs que dans les zones de répartition des eaux, où la ressource est rare.
Afin d'inciter les communautés de communes à exercer les compétences de leurs communes membres en matière d'assainissement, la commission des lois suggère, tout d'abord, de leur permettre d'exercer à titre optionnel tout ou partie de cette compétence, et en particulier de ne prendre en charge que l'assainissement autonome. En outre, la commission propose de faire figurer l'intégralité de la compétence relative à l'assainissement dans la liste des compétences optionnelles ouvrant droit à la dotation globale de fonctionnement bonifiée.
A l'instar de la commission des affaires économiques et de la commission des finances, la commission des lois défendra un amendement permettant aux conseils généraux le souhaitant de créer un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement afin de financer leurs interventions en faveur des communes. Ce fond serait alimenté par une contribution assise sur la consommation d'eau.
Pour renforcer le rôle des élus locaux au sein des comités de bassin, la commission propose que les représentants des élus locaux et ceux des usagers et des associations détiennent respectivement 40 % du nombre total des sièges. Il conviendrait également que les représentants de l'Etat ne participent pas à l'élection du président et que ce dernier soit élu parmi les représentants des élus locaux.
Le troisième et dernier objectif consiste à assurer la solidarité envers les communes rurales.
Pour ce faire, la commission préconise, en premier lieu, de permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale qui ne disposent pas, du fait de leur taille et de leurs ressources, des moyens humains et financiers nécessaires à l'exercice de leurs compétences de bénéficier, sans devoir appliquer les dispositions du code des marchés publics, d'une assistance technique des services du département dans les domaines de l'eau et de l'assainissement.
La commission suggère, en deuxième lieu, que la solidarité envers les communes rurales fasse partie des orientations prioritaires des programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau pour les années 2007 à 2012, ces dernières devant y consacrer au moins 150 millions d'euros chaque année, au cours de cette période, c'est-à-dire le niveau maximum des crédits dont a disposé le FNDAE avant sa suppression.
En troisième lieu, pour garantir la cohérence des aides et permettre aux communes d'adresser leurs demandes à un guichet unique, la commission souhaite que l'agence de l'eau signe avec chaque département participant au financement de travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales une convention par laquelle elle lui confie la répartition et le versement des aides en fonction de critères déterminés dans cette même convention.
En dernier lieu, la commission des lois préconise d'instituer une péréquation entre les agences de l'eau en prévoyant que leurs contributions respectives à l'office national de l'eau et des milieux aquatiques soient calculées en fonction du potentiel économique du bassin hydrographique et de l'importance relative de sa population rurale.
Ainsi la solidarité financière envers les communes rurales sera assurée à un triple échelon : à l'échelon départemental, par les départements ; à l'échelon des bassins versants, par les agences de l'eau ; et à l'échelon national, par une modulation du prélèvement opéré sur les recettes des agences au bénéfice de l'ONEMA.
Sous le bénéfice de ces observations et de ces amendements, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre.