Le 13 juillet 2000 le Gouvernement de Lionel Jospin promulguait le décret n° 2000-657 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents avaient été victimes des persécutions antisémites de la barbarie nazie.
Cette mesure avait alors été accueillie très favorablement. Etait ainsi reconnu le caractère particulier et systématique des persécutions à l'égard des juifs. Cette mesure permettait de dénoncer l'horreur nazie, tout en réaffirmant la nécessaire mémoire de cette sombre période.
Cette mesure de justice a cependant montré ses limites.
En effet, les pupilles de la nation qui doivent leur situation d'orphelin à des faits datant de la Seconde Guerre mondiale demandent l'extension du décret du 13 juillet 2000.
A votre demande, monsieur le ministre, une commission présidée par M. Philippe Dechartre, ancien résistant et ancien ministre, a été chargée de dégager une solution équitable de cette question.
M. Dechartre a remis son rapport au Gouvernement le 14 février 2004. Ce rapport a en partie déterminé la rédaction du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, relatif à l'extension du processus d'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie.
Or ce nouveau décret, s'il va dans le bon sens, n'en soulève pas moins quelques interrogations.
Il distingue en effet trois catégories parmi les orphelins de guerre, rompant ainsi l'unité de statut prévue par la loi du 31 juillet 1917, qui les régissait tous.
Le nouveau décret indemnise ainsi les orphelins pouvant apporter la preuve irréfutable que l'un de ses parents est mort en déportation, a été fusillé ou massacré pour des actes de résistance ou pour des faits politiques.
Il n'indemnise pas ceux qui ne disposeraient pas de preuves suffisantes ou encore ceux dont le parent serait décédé du fait de sa déportation après avoir été libéré.
De même, le décret n'indemnise pas les orphelins de parent qui, à la libération du territoire, aurait été victime civile d'un bombardement.
Enfin, il n'évoque pas ceux, nombreux, dont le parent serait mort au combat ou bien encore dans des circonstances liées à l'Occupation.
Les pupilles la nation interpellent de façon récurrente leurs élus lors des nombreuses cérémonies du souvenir, afin que les réelles avancées obtenues avec la parution des décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004 ne rompent pas l'égalité entre les orphelins de guerre ou du devoir, victimes du nazisme. Pour eux, le statut même d'orphelin est une preuve suffisante.
Toute gradation de leur douleur en fonction des conditions dans lesquelles leurs parents sont morts est impossible à admettre.
Une question aussi sensible, eu égard notamment aux drames qu'ont vécu ces femmes et ces hommes, réclame la recherche d'une solution équitable, partagée par tous. Cette souffrance ne saurait se distinguer en plusieurs catégories pour des motifs budgétaires.
Pour répondre à l'une de mes questions écrites sur ce sujet, vous précisiez que vous ne souhaitiez « en aucun cas, en tentant de réparer une injustice, [qu']il en soit créé une nouvelle ».
C'est pourtant le sentiment qui prévaut parmi les pupilles de la nation ; vous seul, monsieur le ministre, pouvez y remédier.