Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 29 juin 2006 à 9h30
Finances publiques et finances sociales — Débat d'orientation sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rendez-vous de ce jour est une première, car en décidant d'organiser un débat d'orientation conjoint sur l'ensemble des finances publiques, celles de l'État, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités territoriales, nous nous efforçons de mettre en perspective la situation de nos finances publiques. Ainsi, nous marquons de notre empreinte, à un moment crucial, les prochaines discussions de l'automne.

Nous souscrivons pleinement à votre engagement national de désendettement et à vos orientations, messieurs les ministres. C'est une nécessité ! La Cour des comptes elle-même n'a-t-elle pas rappelé que 2005 prolonge les tendances antérieures ?

S'agissant du fond de nos débats, en vous renvoyant pour l'essentiel à l'excellent rapport de Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, je centrerai mon intervention sur la nécessaire recherche de la compétitivité. Sans compétitivité, la croissance ne sera pas durable. Sans compétitivité, les ressources de notre système de prélèvements obligatoires seront décevantes. Sans compétitivité, le chômage restera à des niveaux socialement insupportables. Sans compétitivité, notre pacte social ne manquerait pas de se déliter.

Certes, la compétitivité ne se décrète pas, mais nous disposons, me semble-t-il, de deux puissants leviers pour la favoriser.

Le premier, c'est la nécessaire et indispensable réforme de l'État, pour laquelle nous pouvons compter sur un outil puissant et largement consensuel : la LOLF. Nous venons d'en percevoir le potentiel, la puissance latente, pour peu que la volonté politique s'en empare.

Le second levier consiste à sortir du chemin de la croissance atone et, pour cela, à alléger les charges pesant sur la production qui est aisément délocalisable - dans un marché global, les emplois ne manquent pas de suivre - en les reportant sur les produits ; j'y reviendrai dans un instant.

J'évoquerai d'abord l'indispensable réforme de l'État.

Il faut mettre fin à cette accoutumance à la dépense publique, qui constitue l'une des tristes caractéristiques du modèle social français actuel et qui ne nous a pas pour autant permis de renouer avec la compétitivité.

Nous devrions ainsi connaître en 2006, s'agissant de l'État seul, un déficit budgétaire quotidien de près de 125 millions d'euros, car l'État s'autorise, nous le savons bien, ce qu'aucun ménage ni aucune collectivité locale ne pourrait faire : il dépense 20 % de plus que ce qu'il perçoit !

Le corollaire en est l'explosion du montant de la dette publique, qui atteint un niveau historiquement élevé et de moins en moins supportable, ainsi que la commission Pébereau l'a souligné, sans, du reste, faire l'objet d'aucune contestation.

Si l'on ajoute à cette charge les engagements hors bilan résultant du poids des retraites des fonctionnaires - estimé à plus de 800 milliards d'euros par la Cour des comptes, à 430 milliards par la commission Pébereau -, c'est un stock de dette latente correspondant à plus de deux années de produit intérieur brut que nous devons supporter. Je n'ose même pas mesurer le poids effectif des dettes du secteur public. Au total, ce sont donc près de 2 000 milliards d'euros qui doivent être inscrits au passif du bilan de l'État.

Dans le prolongement des travaux de la commission Pébereau, vous disposez, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une seconde occasion pour faire de la pédagogie. Je sais que vous mesurez l'importance que prendra le bilan d'ouverture : en application de la LOLF, le Gouvernement doit établir au 1er janvier 2006 ce bilan qui recensera les actifs et les passifs de l'État.

Croyez bien que la commission des finances veillera à ce que tous les actifs soient correctement évalués et à ce qu'aucun passif ne soit sous-estimé, et ce afin de nous permettre de disposer d'un état des lieux clair, d'une solide base de référence.

Messieurs les ministres, toute omission de dette directe ou indirecte - je pense aux pensions du mois de décembre, payées en janvier de l'année suivante, soit un peu plus de 3 milliards d'euros ; je pense aux régimes spéciaux de retraite, ou bien encore à des entreprises publiques dont chacun sait que la liquidation se soldera par la reprise d'une dette par l'État -, toute sous-évaluation de provisions, toute sous-estimation des obligations à assumer remontera à la surface dans les prochaines années, effacera les bons résultats attendus, neutralisera les signes positifs, polluera tous les messages encourageants.

À cet égard, j'aimerais que vous nous indiquiez dans quels délais vous envisagez de nous présenter ce bilan du patrimoine de l'État au 1er janvier 2006.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion