Intervention de Jacques Muller

Réunion du 17 octobre 2007 à 15h00
Lutte contre la contrefaçon — Article additionnel avant l'article 20

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

La suppression de l'article 19 du projet de loi initial, qui tendait à limiter le champ de la contrefaçon en mettant en avant la notion d'échelle commerciale, pose un grave problème puisqu'elle transforme l'agriculteur qui ressème ses graines en contrefacteur, en délinquant.

Il nous faut garantir le droit des producteurs à utiliser leurs propres semences, et ce pour deux raisons.

La première raison est d'ordre éthique. Il s'agit d'une pratique ancestrale, plurimillénaire, qui caractérise le métier même de paysan. Pays, paysage, paysan : ce sont là des notions fondamentales, essentielles, et nous sentons bien qu'on ne saurait y toucher sans heurter la conscience de nos concitoyens.

La deuxième raison a déjà été évoquée : nous sommes dans la dynamique du Grenelle de l'environnement, et je m'en réjouis. Le groupe n° 4 a proposé de fixer l'objectif d'amener 50 % de nos exploitations agricoles au niveau de certification HVE, ou haute valorisation environnementale, celui de l'agriculture durable.

Ce label implique le respect de trois impératifs.

Le premier est écologique. Aujourd'hui, il est prouvé que les semences de ferme permettent de réduire significativement la présence des intrants, notamment les pesticides, lesquels font l'objet d'une des principales préoccupations évoquées à l'occasion du Grenelle de l'environnement. Ainsi, quelque 400 tonnes de pesticides sont économisées chaque année grâce aux exploitants qui réutilisent leurs propres graines. Du reste, ce type de pratique est préconisé par l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA.

Le deuxième impératif est socio-territorial. L'agriculture durable privilégie l'autonomie des exploitations agricoles. Or le recours aux semences de ferme limite évidemment les transports par camion ou par rail de semences fournies par les semenciers.

Le troisième impératif est tout simplement d'ordre économique. À l'heure actuelle, ces pratiques touchent environ 3 millions d'hectares en France et près de 300 000 agriculteurs. Les surfaces plantées avec des semences de ferme représentent 46 % pour le blé, 30 % pour le colza, 51 % pour le pois, 65 % pour la fève. Les exploitants concernés enregistrent une baisse de leurs charges de l'ordre de 50 %. À l'échelle de la France, c'est une économie de 60 millions d'euros !

Pour toutes ces raisons, il me paraîtrait incompréhensible que nous ne prenions pas le soin de garantir le droit fondamental pour les producteurs de réutiliser les graines issues des récoltes.

Ne pas le faire serait plus qu'une une erreur : une faute !

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