Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Réforme portuaire — Article additionnel avant l'article 5, amendement 39

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

C’est peu dire que les articles 5 à 7 du projet de loi posent quelques problèmes !

En effet, alors que la loi est l’expression de l’intérêt général, voici que l’on nous propose de confier à une commission ad hoc, composée de manière exclusive de « personnalités indépendantes » – j’aurais tendance à dire parfaitement autonomes au regard de la défense de l’intérêt public ! –, le soin de fixer les règles du jeu. C’est là une donnée nouvelle et originale, originalité dont nous nous serions bien passés…

N’est-ce pas là, d’ailleurs, un sérieux problème, du point de vue du respect de quelques principes constitutionnels, selon lesquels, notamment, aucune partie du peuple, fût-ce une commission composée de personnalités indépendantes, ne peut s’arroger le droit de « dire » la loi ?

Quand une majorité parlementaire libérale du même calibre que celle qui siège actuellement à l’Assemblée nationale avait décidé de privatiser un certain nombre d’entreprises publiques en 1986, elle avait au moins inscrit dans la loi ce dont il s’agissait.

Ainsi, la commission de privatisation, bien que composée de personnalités indépendantes, ne pouvait déterminer la valeur des actifs publics cédés qu’après en avoir référé au ministre chargé de l’économie et des finances, tandis que ses membres ne pouvaient exercer la moindre responsabilité au sein des organes dirigeants des entreprises concernées, ni en accepter la teneur avant un délai de cinq années à compter de la mise en œuvre des procédures.

Faut-il souligner qu’une telle garantie n’existe pas, en tant que telle, dans le texte que nous examinons aujourd’hui ? Dès lors, ne pouvons-nous craindre que certains membres de la commission d’évaluation ne finissent par trouver intérêt à la mise en œuvre des dispositions du projet de loi, notamment à la cession des outillages ?

Toutefois, il est encore plus préoccupant qu’aucune évaluation réelle de la situation économique des ports autonomes comme des conditions de financement de leurs infrastructures présentes ou de leurs investissements futurs ne soit associée au projet de loi.

On semble vouloir faire considérer comme acquis que les ports autonomes français sont peu compétitifs. Or un éventuel manque de compétitivité tient non pas à la qualité et au savoir-faire des salariés du secteur maritime, mais plutôt à une absence de politique cohérente d’utilisation des capacités maritimes existantes par le gouvernement en place. La Cour des comptes a d’ailleurs témoigné en ce sens.

La France jouit d’une position géographique primordiale sur les principales routes du commerce maritime. Or, l’ensemble de la filière est aujourd’hui en difficulté. Est-ce dû au statut des agents de manutention, ou plutôt à l’absence de vision à long terme de la politique maritime de la France, ainsi qu’à l’insuffisance des investissement réalisés, notamment par les acteurs de la filière du transport ?

Pour ce qui concerne l’amendement n° 39 rectifié, les membres du groupe CRC estiment impérieux que la représentation nationale soit pleinement informée de ce qui se passe effectivement et de l’ensemble des tenants et aboutissants du projet de loi.

Aucun des éléments fournis par l’exposé des motifs du projet de loi ou par le rapport de la commission ne permet de mesurer, sur le plan économique, le bien-fondé de ce qui nous est complaisamment présenté comme la seule solution, c’est-à-dire le démantèlement des ports autonomes et la cession du domaine public qui en résultera.

De surcroît, rien ne prouve que les ports autonomes connaissent des difficultés financières majeures. Bien au contraire, ils enregistrent, année après année, une relative progression de leur activité, certes bien insuffisante parfois au regard de ce qui se passe ailleurs, et une amélioration de leur situation financière.

De notre point de vue, une telle évaluation nécessite une large information de la représentation nationale, pour que nous puissions statuer en toute transparence sur ce dossier essentiel au regard tant du développement durable que de l’aménagement du territoire. Toute autre démarche serait suspecte et susceptible d’aller à l’encontre de l’intérêt même du pays, ne serait-ce – faut-il le souligner ? – que parce que des services publics, tel celui des domaines, peuvent tout à fait produire cette évaluation.

De plus, l’existence et le développement des ports autonomes actuels sont largement liés à l’action des collectivités territoriales, action qui semble comme occultée dans la démarche libérale forcenée des auteurs du projet de loi.

Sous le bénéfice de ces observations, les membres du groupe CRC vous invitent, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

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