L’article 5 traite du transfert des outillages portuaires à des opérateurs privés de terminaux.
Il s’agit, selon le Gouvernement, de l’une des mesures phares du projet de loi, de l’un des axes de la réforme censée contribuer à la relance de la productivité de nos ports, au prétexte que seule la privatisation permettrait d’améliorer la productivité.
En transférant les outils au privé, et a fortiori les personnels qui les servent, le Gouvernement répond aux attentes du patronat. Ce n’est pas une réforme stratégique, c’est la mise en œuvre d’un vieux concept idéologique visant à démanteler le domaine public maritime, à mettre le mot « fin » à l’histoire syndicale des agents portuaires.
Cet article, à lui seul, traduit l’esprit ultralibéral du projet de loi, puisqu’il valide, en l’absence de toute budgétisation, le principe de céder aux opérateurs privés les installations portuaires existantes, au motif que la maîtrise publique serait improductive.
Toutefois, quelle est la valeur des biens mobiliers, de l’outillage ? Quel est le prix de vente espéré ? Quelles sont les ressources financières attendues ? Quels sont les biens devant être cédés et selon quels critères le seront-ils ? Comment seront indemnisées les collectivités territoriales, dont certaines ont réalisé des investissements en matière d’équipements et d’outillage sur les ports ? Ne vont-elles pas être les grandes perdantes de cette réforme ?
En nous demandant d’adopter l’article 5, autant dire que l’on nous demande d’inscrire dans la loi le principe de céder au secteur privé des équipements financés par l’argent des contribuables, au profit des futurs actionnaires. Cela n’est, pour nous, pas pensable !
En outre, au-delà du principe, que nous refusons, la cession au secteur privé nous amène à nous poser toute une série de questions, notamment en matière de fiabilité technique, le texte n’apportant aucune garantie.
Ainsi, quelle sera, demain, la fiabilité technique de nos ports, une fois que les outillages auront été privatisés et que la concurrence sera la règle au sein du domaine portuaire ? En effet, contrairement à ce que l’on tente de faire croire avec ce projet de réforme, la productivité et la fiabilité des terminaux portuaires ne relèvent pas seulement du facteur humain, tant s’en faut : elles sont avant tout techniques, car les infrastructures doivent être à la hauteur des enjeux.
L’équilibre global qui existe aujourd’hui entre les recettes et les dépenses des ports autonomes est rendu possible par la maîtrise publique, qui fait preuve de vigilance, veille à maintenir l’équilibre entre les différentes activités d’un port, entre les différentes professions au sein du domaine portuaire. Certaines sont lucratives, d’autres moins. Immanquablement, les plus rentables financent en partie celles qui le sont moins. C’est ce qui permet la polyvalence d’un port, la diversité de son offre. In fine, la gouvernance des ports doit intégrer des critères de responsabilité sociale territoriale.
De surcroît, si les opérations commerciales sont transférées au secteur privé, que restera-t-il aux établissements portuaires ? De quels moyens bénéficieront-ils quand ils ne percevront plus les recettes générées par les redevances d’outillage ?
Par ailleurs, les ports autonomes sont exonérés de la taxe professionnelle, mais tel n’est pas le cas des entreprises privées. De fait, la privatisation des outillages va entraîner leur assujettissement à la taxe professionnelle, ce qui, par répercussion, provoquera une augmentation du coût de passage, puisqu’il faudra bien compenser ce prélèvement.
Or, ni la Belgique, ni l’Espagne, ni les Pays-Bas, ni le Royaume-Uni ne sont assujettis à une telle taxe. Autant dire que le transfert de l’outillage n’est aucunement une mesure concurrentielle, contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.