Intervention de Claude Domeizel

Réunion du 28 avril 2011 à 9h00
Journée nationale de la laïcité — Discussion d'une proposition de résolution

Photo de Claude DomeizelClaude Domeizel, auteur de la proposition de résolution :

Cela vaut également bien sûr pour le monde de l’éducation. Au summum de la gravité et du manquement à la laïcité, un lycée de mon département a connu récemment un exemple de prosélytisme anti-avortement de la part d’un enseignant.

Le temps me manque pour aborder le débat opportuniste sur les lieux où peuvent se pratiquer les offices religieux. Je préfère retenir que les citoyens, aux prises avec des problèmes sociaux parfois insurmontables, méritent un plus grand respect de la République ; alors, ils respecteront à leur tour la République.

La loi de 1905 doit-elle être modifiée ? Non.

En effet, véritable monument législatif, elle répond à tous les cas de figure. Je l’affirme d’autant plus volontiers que je suis viscéralement contre.

J’aurais pu vous livrer plusieurs citations sur ce sentiment largement partagé dans nos formations politiques et associations républicaines. Ne souhaitant pas être accusé de partialité, j’ai volontairement choisi de citer les propos tenus par Jean-Louis Debré, alors président de l’Assemblée nationale, à l’occasion du centenaire de la loi de 1905 : « Un siècle après son adoption, la loi de 1905 figure au nombre des grandes lois de la République, de notre République. Elle constitue une clé de voûte de notre modèle de laïcité. […] Elle représente aujourd’hui un point d’équilibre, et vouloir la remettre en cause serait irresponsable. »

Son adaptabilité à tous les temps est contenue dans l’intitulé même de la loi, au travers de l’emploi du pluriel « des églises », pluriel que le concept populaire néglige souvent, à tort, puisque l’on parle – Victor Hugo lui-même le disait – de « séparation de l’église et de l’État ». Nous considérons que cette loi contient des valeurs qui se proclament et ne se discutent pas.

Pour autant, pourquoi instaurer, m’a-t-on demandé, une journée de la laïcité ? Et certains d’ajouter : « encore une nouvelle journée ! »

Mais, mes chers collègues, n’est-ce pas un bel enjeu que de célébrer chaque année l’un des fondements de notre République, le 9 décembre, jour anniversaire de la loi concernant la séparation des églises et de l’État ? Ne peut-on y consacrer un petit jour par an, pour rappeler la laïcité, pour faciliter le « vivre ensemble » ?

Savez-vous que, à l’occasion du centenaire de la loi de 1905, un sondage a montré que plus de 80 % des jeunes enseignants étaient attachés à la laïcité. Ce constat rassurant m’a renforcé dans mes convictions.

Je salue et je remercie les membres de mon groupe qui m’ont suivi dans ma démarche depuis le dépôt de cette proposition de résolution. Par ailleurs, les nombreux soutiens, écrits et oraux, que j’ai reçus sont encourageants et me laissent espérer une large adhésion de nos concitoyens et – pourquoi pas ? – du Sénat.

Il s’agira donc de donner un peu plus d’oxygène à la laïcité pour ranimer la flamme de la liberté de conscience, permettre aux options spirituelles de s’affirmer sans être inquiétées et sans s’imposer. Non, il n’est pas inutile de réapprendre régulièrement aux citoyens de notre pays les règles élémentaires de la liberté de penser et du respect de l’autre. Un jour par an, ce principe de tolérance pourrait être fêté au sein des associations, conjugué dans les établissements scolaires.

Il convient de réaffirmer de façon claire ce principe humaniste, fondateur de notre société moderne. La laïcité est en effet une de nos chances pour l’avenir. Je ne doute pas une seconde de la créativité de nos concitoyens, enseignants, bénévoles d’associations et autres, pour animer cette journée de façon pédagogique, ludique et festive, dans la convivialité. Je fais confiance à l’imagination des animateurs de nos établissements d’enseignement, de nos institutions ou de nos associations, pour inspirer une exploration intelligente du concept de laïcité au travers, chaque année, d’un thème national : par exemple, « laïcité et enseignement », « les associations et la loi de 1905 », « laïcité de l’état civil » – c’est un sujet important –, « croyants et non-croyants ».

Pour finir, je soumets à votre réflexion un extrait d’un discours d’Aristide Briand, s’exprimant juste avant le vote de la loi : « permettez-moi de vous dire que la réalisation de cette réforme [...] aura pour effet désirable d’affranchir ce pays d’une véritable hantise, sous l’influence de laquelle il n’a que trop négligé tant d’autres questions importantes, […] Ces grands problèmes se poseront demain, dès qu’auront disparu des programmes les questions irritantes, qui comme celle-ci, passionnent les esprits jusqu’à la haine et gaspillent en discordes stériles les forces les plus vives et les enthousiasmes les plus généreux de la nation. […] Mais, pour qu’il en fût ainsi, […] il fallait que la loi se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur laissât la faculté de s’exprimer librement. »

J’espère vous avoir convaincus, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la laïcité, qui porte en elle la garantie d’une coexistence pacifique de tous les habitants de notre pays, qui peut – je le souligne – apaiser des peurs injustifiées, vaut bien que nous lui consacrions une journée par an pour la promouvoir et la défendre de toute agression.

Il se trouve, mes chers collègues, qu’un autre groupe politique, de la majorité, a déposé le même jour une proposition identique. C’est dire combien le thème de la présente proposition de résolution suscite le consensus.

Solennellement, le groupe socialiste vous engage, mes chers collègues, à soutenir cette proposition de résolution, par laquelle nous demandons que la République française instaure une journée nationale de la laïcité, garante de la cohésion républicaine, journée non fériée ni chômée, fixée au 9 décembre, et permettant chaque année de faire le point sur les différentes actions menées en la matière par les pouvoirs publics et d’être l’occasion de manifestations au sein du système associatif et éducatif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion