Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République du 23 juillet 2008 a élargi les attributions du Parlement.
Nous connaissons l’importance des missions du Parlement, nous avons d’ailleurs eu à débattre de ce sujet au début de l’année, lors de l’examen de la loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, promulguée par la suite le 3 février 2011.
Mais la révision constitutionnelle de 2008 a également consacré le rôle des groupes politiques. Il est ainsi inscrit dans la Constitution que « la loi garantit [...] la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».
Par cette entrée dans le texte même de la Constitution, le travail des groupes politiques du Parlement a été institutionnalisé.
Notre collègue Yvon Collin a déposé une proposition de loi tendant à renforcer les moyens de contrôle et d’information des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Notre Assemblée a déjà adopté en ce sens plusieurs dispositions, le 2 juin 2009, à l’occasion de l’examen d’une proposition de résolution modificative de notre règlement.
Pour les auteurs de la proposition de loi, le règlement des assemblées parlementaires ne pouvait comporter l’ensemble des dispositions nécessaires pour que les groupes politiques soient en mesure d’accomplir leur mission institutionnelle.
L’objectif recherché est donc de remédier à cette lacune, de telle sorte que les groupes politiques disposent de nouveaux moyens dans l’exercice de leurs fonctions : la législation, le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques.
La question à l’origine de cette réflexion était la suivante : comment permettre aux groupes politiques de mieux participer aux débats et aux travaux de notre assemblée et d’y prendre pleinement la place qui leur revient ?
Les réponses apportées dans cette proposition de loi semblent inadaptées et contraires à la Constitution, comme nous l’a brillamment exposé le rapporteur, René Garrec.
Cette proposition de loi, d’une part, pose le principe de la participation des groupes politiques aux missions confiées au Parlement et, d’autre part, dote ces groupes de droits et de moyens tendant à garantir une contribution pleinement informée à ces missions, en prévoyant les conditions dans lesquelles s’exercent ces nouvelles prérogatives, ainsi qu’en listant un certain nombre d’autorités et d’organismes qui peuvent être consultés ou saisis par les présidents des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Notre rapporteur nous propose aujourd’hui d’adopter une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, que le groupe UMP soutiendra, pour les raisons que je vais exposer.
En premier lieu, selon la Constitution, il revient aux règlements des assemblées, et non à la loi, de déterminer les droits des groupes et, plus particulièrement, des groupes d’opposition ou minoritaires.
En deuxième lieu, le Gouvernement dispose de l’administration, selon l’article 20 de la Constitution. En prévoyant pour les groupes un droit d’accès à toute information nécessaire et l’assistance de tout organisme, la proposition de loi porte manifestement atteinte au principe de séparation des pouvoirs, en conférant aux groupes des prérogatives à l’égard du Gouvernement, des administrations et des organismes qui relèvent de son autorité.
En troisième lieu, le texte repose sur une erreur de conception du rôle des groupes en le comparant à celui des commissions, tel que la réforme du règlement du Sénat de 2009 l’a prévu.
Contrairement aux groupes politiques, les commissions parlementaires disposent de prérogatives non pour elles-mêmes, mais en vue de l’information ou de la délibération de l’assemblée dans son entier, afin de lui permettre d’accomplir les missions de législation et de contrôle qu’elle tient de la Constitution.
En outre, les groupes politiques ne sont pas les détenteurs du mandat de leurs membres, c’est-à-dire les « représentants de la Nation », au sens de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Seuls les parlementaires, individuellement et réunis en assemblée, le sont.
Dès lors, les groupes ne sauraient s’arroger les prérogatives de la représentation nationale qui sont attribuées aux commissions d’enquête ou aux commissions permanentes en matière de contrôle.
Ce sont non pas les groupes politiques qui ont pour mission de contrôler l’action du Gouvernement, mais bien les assemblées parlementaires.
De plus, les groupes ne sont pas tenus de rendre compte de leur activité auprès de leur assemblée. Alors que les travaux de contrôle des commissions font l’objet d’une publicité, les travaux des groupes demeurent confidentiels. Dès lors, comment les groupes pourraient-ils participer à la mission de contrôle si leurs travaux ne sont pas, par principe, publics ? La publicité des débats et des travaux est un critère fondamental des travaux parlementaires.
Mes chers collègues, cette proposition de loi allant à l’encontre de notre Constitution, le groupe UMP, vous l’aurez compris, ne peut y souscrire.