Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 28 avril 2011 à 15h00
Démarchage téléphonique — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous en avez certainement tous déjà fait l’expérience : en matière de démarchage téléphonique, les pratiques commerciales s’avèrent de plus en plus agressives, importunant le consommateur contre son gré, en lui soumettant une multitude d’offres et d’informations commerciales qu’il n’a pas sollicitées. Cela m’est d’ailleurs arrivé pas plus tard que ce matin !

Les appels sont souvent à répétition, parfois très matinaux, voire très tardifs, y compris le week-end. Ces méthodes importunent trop fréquemment nos concitoyens et nourrissent parfois chez eux un sentiment d’insécurité, personne n’ayant connaissance des potentiels détenteurs de données personnelles.

Un droit spécifique à la protection des données personnelles a été instauré dans notre pays. Dès 1978, le Parlement a souhaité agir. La loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés a institué une autorité indépendante, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, chargée entre autres d’autoriser le traitement des données et de garantir les droits d’accès et de rectification de chacun aux informations le concernant.

Ce droit spécifique à la protection des données personnelles s’est construit progressivement sur le plan tant européen que national.

Outre les droits essentiels que sont le droit d’accès et le droit de rectification, la loi « Informatique et libertés » garantit également un droit de s’opposer, sans justification, à ce que les données personnelles soient utilisées à des fins de prospection, en particulier commerciale.

En effet, la législation et la réglementation actuelles prévoient que le consommateur peut, s’il en fait expressément la demande, s’opposer à ce que ses données personnelles soient utilisées dans des opérations de prospection directe, c’est-à-dire en matière de démarchage téléphonique ou de télémarketing, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur.

Ce droit d’opposition, dit opt out, s’applique notamment à la réception des appels téléphoniques dans le cadre d’opérations de démarchage effectuées par une personne. Son efficacité est cependant liée à la connaissance qu’en ont les intéressés. En outre, les abonnés doivent effectuer une démarche pour protéger leurs données personnelles.

La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui a pour objet d’inverser cette situation. Le consommateur devra donner son consentement exprès préalablement à tout traitement de ses données personnelles à des fins de démarchage téléphonique commercial : il s’agit du principe dit opt in.

En édictant une telle obligation, ce texte a pour ambition de renforcer les droits du consommateur.

Vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, tenir compte de l’encadrement existant et de l’objectif recherché, en retenant un système protecteur à la source. C’est pourquoi vous nous proposez une nouvelle règle pesant sur les opérateurs téléphoniques, désormais soumis à l’obligation du consentement exprès.

Nous souscrivons pleinement à cette démarche, qui constitue une avancée juridique en retenant le principe de l’opt in pour alimenter la source normale du démarchage téléphonique : les listes d’abonnés.

Comme vous nous l’avez rappelé, elles impliquent activement les personnes concernées puisque celles-ci devront consentir à l’utilisation de leurs coordonnées téléphoniques.

Ce système est donc plus protecteur que celui de l’opt out, qui est encore aggravé par l’absence fréquente d’information claire et d’une procédure simple pour faire valoir ses droits.

Le texte fixe ainsi dans le droit français le principe du recueil du consentement exprès de l’abonné à un service téléphonique, fixe ou mobile, pour l’utilisation de ses données personnelles à des fins de démarchage téléphonique commercial, que l’utilisateur soit l’opérateur lui-même ou une autre personne.

Ce nouveau droit devra être intégré dans les mentions figurant obligatoirement sur le contrat d’abonnement téléphonique.

Je m’arrêterai un instant sur la question des démarches téléphoniques à but électoral, dites de phoning, au sujet desquelles la commission des lois a longuement débattu. Ces démarches ne sont pas commerciales. Cette question a été réglée dans le « paquet électoral », récemment adopté par le Sénat, qui interdit le phoning le jour du vote.

Le texte que nous examinons prévoit une sanction pour tout traitement d’informations à caractère personnel concernant une personne physique qui n’aurait pas donné son accord exprès préalable, lorsque le traitement répond à des fins de prospection commerciale.

Notre rapporteur – que je tiens à saluer pour la qualité de son minutieux travail – a souhaité proposer de limiter cette sanction à une amende de 45 000 euros pour le non-respect du consentement préalable de l’abonné. Il semble, en effet, préférable de réduire la sanction initialement proposée.

Par ailleurs, un dispositif exceptionnel est prévu afin de régler la situation particulière des abonnements téléphoniques en cours.

Au pouvoir réglementaire est laissé le soin de déterminer les moyens les plus appropriés afin de recueillir l’accord de l’abonné pour l’utilisation de ses données personnelles à des fins de démarchage, dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi.

À défaut de réponse dans un délai de deux mois, le consentement sera réputé acquis afin de ne pas enrayer le système.

Enfin, le non-respect par les opérateurs de l’obligation fixée par le législateur sera sanctionné de la même peine d’amende que celle qui a été énoncée précédemment.

Comme l’affirme le Conseil national de la consommation, le CNC, l’efficacité de la protection des données et de la vie privée est devenue autant une condition du développement de la liberté individuelle qu’un facteur important de la confiance des consommateurs.

Mes chers collègues, cette proposition de loi constitue une réponse importante à ces deux objectifs. Elle est nécessaire pour renforcer le droit des consommateurs, et donc de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle – monsieur Mézard, vous allez être heureux ! – le groupe UMP votera le texte issu des travaux de la commission.

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