Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai dans la même intervention les amendements n° I-231 à I-235 et I-237 à I-242.
Cette série d’amendements que je présente au nom du groupe socialiste a été mal accueillie ce matin au sein de la commission des finances. En effet, le rapporteur général et le président de la commission nous ont fait remarquer que ces dispositions constituaient des injonctions au Gouvernement et que, de ce fait, elles auraient pu ne pas être recevables au fond.
Ces amendements ont tous la caractéristique d’attirer l’attention du Gouvernement et de la majorité sénatoriale sur le mitage de l’impôt sur les sociétés. J’en ferai une présentation globale, car ce n’est pas la peine que je me tape la tête contre les murs si je n’obtiens d’écho sur aucun amendement. Mais j’aimerais au moins que l’on écoute ce que nous avons à dire.
La commission des finances de l’Assemblée nationale avait commandé un rapport au Conseil des prélèvements obligatoires pour faire le point sur la fiscalité des entreprises. Sollicité par le Président de la République, le Conseil a remis ce rapport, destiné à préparer la grande réforme fiscale de juin 2011, et fait les comptes de ces mécanismes dérogatoires.
Permettez-moi de vous faire part, mes chers collègues, de quelques-unes de ses conclusions.
Le nombre des dépenses fiscales a augmenté de 13, 5 % en huit ans, de 2002 à 2010. Au cours de cette période, 107 dépenses fiscales applicables aux entreprises ont été créées – soit près de 12 dépenses fiscales par an ! –, dont 87 depuis la loi de finances de 2006.
Le coût total de ces dépenses fiscales applicables aux entreprises – qui ne se limitent pas à celles que nous visons dans nos amendements … – serait, pour l’année 2010, de 35 milliards d’euros, comme l’a rappelé Mme Beaufils.
La proportion des mesures prises en faveur des entreprises est de 47, 2 %, et leur coût a augmenté de 33 % entre 2005 et 2010. En effet, une fois qu’une niche fiscale a été créée, elle « galope » toute seule : elle est la source d’optimisations, d’effets d’aubaine, sans qu’une réelle évaluation ne soit réalisée.
C’est ce que nous avons traduit dans nos amendements. Je précise que deux d’entre eux sont relatifs au crédit d’impôt recherche, dont nous reparlerons assez longuement lundi après-midi, puisque cette discussion a été réservée sur la demande de M. le ministre du budget.
Je pose la question : allons-nous continuer longtemps comme cela ? Il ne suffit pas de dire qu’il faut harmoniser notre fiscalité avec celle de l’Allemagne ! Si l’on veut aller dans cette direction, l’impôt sur les sociétés ne doit pas encourager certaines pratiques d’un pays à l’autre de l’Union européenne.
À ce propos, monsieur le rapporteur général, nous avons évoqué au cours de la discussion générale la situation d’un pays qui connaît aujourd’hui de grandes difficultés financières et auquel la zone euro s’apprête à apporter son soutien, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros : il s’agit de l’Irlande, qui a été la championne du dumping fiscal. D’autres pays de l’Union européenne connaissent d’ailleurs les mêmes problèmes.
Si l’on continue à jouer à ce petit jeu, l’Europe risque malheureusement de devenir une zone de croissance molle, qui n’interviendra pas suffisamment pour assurer la compétitivité de ses entreprises face à la concurrence mondiale. Nous mourrons heureux, comme les Étrusques, qui ne se sont pas rendu compte que les Romains allaient prendre leur place ; les tombes étrusques de Toscane en témoignent … Est-ce votre souhait ?
Pour éviter cela, il faut, je le répète, être compétitif au niveau européen et, de manière constructive, tous ensemble, faire le ménage chez nous. Or si nous comparons notre système de fiscalité des entreprises avec celui de l’Allemagne, nous sommes loin du compte !
Nous devons agir dans le domaine de l’impôt sur les sociétés, à défaut de mettre en place une fiscalité écologique européenne. Ce n’est pas par hasard si des travaux ont été entrepris. Il est vrai qu’ils ont été « encalminés », mais nous pouvons être proactifs en la matière.
Tel est le sens de cette série d’amendements, dont l’objet est d’inciter le Gouvernement à concrétiser, à un moment ou à un autre, le travail du Conseil des prélèvements obligatoires.