Intervention de Richard Tuheiava

Réunion du 27 janvier 2011 à 9h00
Statut général des fonctionnaires des communes polynésiennes — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Richard TuheiavaRichard Tuheiava, auteur de la proposition de loi :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout d’abord, puisqu’il en est encore temps, permettez-moi de profiter de cet instant pour vous présenter solennellement, en ce début d’année, mes vœux les meilleurs pour 2011, année dédiée aux « outre-mer français », année au cours de laquelle la Haute Assemblée se renouvellera pour moitié, année d’une nouvelle réforme électorale pour la Polynésie française et année qui verra également la mise en application du statut de la fonction publique communale en Polynésie française ; c’est un débat sur ce dernier sujet qui nous réunira une brève partie de la matinée.

Mon collègue député-maire polynésien Bruno Sandras et moi-même, sous la houlette du syndicat pour la promotion des communes de la Polynésie française, représenté dans les tribunes par Pascal Doisne, que je salue, le tout en concertation étroite avec les autorités d’État en Polynésie française et le ministère chargé de l’outre-mer, avions saisi respectivement l’Assemblée nationale et la Haute Assemblée d’une proposition de loi consensuelle, urgente et unanimement reconnue visant à actualiser le cadre législatif du statut de la fonction publique communale en Polynésie.

Consensus, urgence et unanimité : c’est dans ce contexte et cet état d’esprit que le texte que nous avons à examiner aujourd’hui a vocation à se placer.

L’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs, ratifiée par le Parlement en 2007, avait permis de poursuivre le processus de modernisation du régime des communes polynésiennes au travers de l’uniformisation des différents statuts d’agents communaux, qui relevait alors tous du droit privé, en créant la fonction publique communale en Polynésie.

Pensée en 1994 dans le cadre de la loi du 5 février 1994 d’orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, puis créée par l’ordonnance du 4 janvier 2005, qui ne sera ratifiée par le Parlement qu’en février 2007, cette fonction publique concerne à ce jour 4 547 agents communaux.

L’objectif de cette réforme était de doter les communes polynésiennes d’un personnel fonctionnaire stable, bien formé, bénéficiant de garanties statutaires et susceptible d’assumer efficacement les nouvelles compétences qui allaient progressivement être dévolues aux communes.

Ce personnel ferait ainsi l’objet d’une gestion mutualisée et pourrait également s’ouvrir à des perspectives de carrière uniformisées renforcées par une mobilité rendue possible entre communes ou vers la fonction publique de l’administration territoriale polynésienne.

Ainsi, en donnant aux maires polynésiens les moyens juridiques et techniques d’une gestion rationnelle et efficace de leurs ressources humaines, on permettait à ces derniers – et ils y seront amenés – de restructurer l’administration de leurs communes et, par conséquent, d’améliorer la qualité des services publics de proximité.

Jusqu’en 2005, les agents communaux de Polynésie française étaient recrutés directement par les communes et leurs régimes étaient différents : ils relevaient tantôt de la convention collective des agents non fonctionnaires de l’administration – la fameuse convention collective des ANFA – lorsque la commune y avait adhéré, tantôt de statuts communaux individuels de droit privé, tantôt purement et simplement du code du travail polynésien.

Tout l’enjeu de la fonction publique communale consistait donc – et consiste encore – à harmoniser les règles applicables à l’ensemble des personnels communaux.

Depuis 2005, la réforme communale a fait l’objet d’une longue concertation entre l’État, les élus communaux et intercommunaux et les représentants des organisations syndicales.

Elle a abouti aux accords de la fonction publique communale signés le 5 juillet 2006 entre l’État, représenté par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, les maires, représentés par le syndicat pour la promotion des communes de la Polynésie française, et les organisations syndicales locales. Elle a également conduit à la signature d’un protocole d’accord sur les grilles salariales le 29 octobre 2007.

Une seconde concertation locale a été menée en 2008 et en 2009 en lien avec le ministère chargé de l’outre-mer pour finaliser la rédaction des décrets.

Les échanges se sont poursuivis autour de l’élaboration des arrêtés qui doivent être pris par le haut-commissaire de la République en Polynésie française une fois le ou les décrets d’application publiés.

À l’occasion de ces différents travaux sont apparues des difficultés d’application liées non seulement au délai de mise en œuvre, mais également et surtout à la rédaction même de l’ordonnance de 2005, qui nécessitait plusieurs précisions, voire recadrages.

Les élus communaux polynésiens se sont donc réunis en groupe d’étude ad hoc et ont formulé les modifications à apporter à l’ordonnance de 2005 en ayant le souci de répondre à la contrainte de l’équilibre entre, d’une part, les grands principes de la fonction publique et, d’autre part, le nécessaire pragmatisme lié à un environnement local et géographique très différent de celui de la métropole.

En effet, depuis la publication de l’ordonnance de 2005, le droit national de la fonction publique territoriale dont s’inspire le statut de la fonction publique communale a évolué.

Tout d’abord, la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique et celle du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale ont favorisé la formation professionnelle et l’expérience professionnelle des agents.

Ensuite, la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a facilité la mobilité des fonctionnaires à l’intérieur de et entre chacune des trois fonctions publiques.

Enfin, la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique s’est attachée à moderniser le dialogue social.

Il apparaissait nécessaire d’étendre l’essentiel de ces évolutions aux futurs agents communaux de Polynésie française.

La présente proposition de loi, dotée de dix-huit articles après son examen en commission, vise donc à actualiser le statut de la fonction publique communale en tenant compte, d’une part, des évolutions du droit de la fonction publique que je viens de citer et, d’autre part, des spécificités institutionnelles, budgétaires et géographiques des communes polynésiennes.

Dans cette perspective, l’actualisation proposée prévoit des exceptions au droit de la fonction publique territoriale.

Or, depuis la publication de l’ordonnance de 2005, dont la ratification n’est intervenue qu’en février 2007, les textes réglementaires idoines n’ont pas encore été publiés et les cadres d’emplois n’ont donc pas pu être mis en place.

Cette situation a eu des conséquences localement sur la licéité ou la légalité des contrats de travail à durée indéterminée pourvus par l’ensemble des quarante-huit communes polynésiennes depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 4 janvier 2005 alors même que le décret d’application faisait encore défaut.

L’une des principales finalités de la présente proposition de loi est donc justement de permettre de combler le vide juridique ainsi laissé afin de sauvegarder les emplois permanents pourvus par les contrats de travail à durée indéterminée conclus dans le contexte de 2005, et ce jusqu’à la publication future du ou des décrets d’application prévus.

Mme la ministre a pu elle-même constater, lors de son récent déplacement en Polynésie française, que le principe d’une telle actualisation bénéficiait d’un large consensus auprès des élus locaux.

Permettez-moi de saluer du haut de cette tribune l’étroite synergie qui s’est concrétisée entre mon collègue le député-maire polynésien Bruno Sandras et moi-même : bien qu’appartenant à deux familles politiques différentes, nous avons choisi une approche conjointe, consensuelle et responsable afin qu’une réponse législative soit apportée au plus tôt aux besoins de nos tavana, c’est-à-dire nos maires polynésiens, aujourd’hui dans l’expectative.

Je salue également le travail rigoureux, détaillé et efficace réalisé par M. le rapporteur Jean-Pierre Vial dans le cadre de l’examen de ce texte résolument technique et de haute précision au sein de la commission des lois. Cette dernière a bien compris et donc renforcé l’objectif de la proposition de loi et a apporté quelques modifications notables, notamment en rapprochant l’accès aux cadres d’emplois du droit commun de la fonction publique, en limitant les disparités dans le déroulement de la carrière et en ajustant les dispositions transitoires.

Toutefois, même s’il peut paraître de prime abord incohérent pour l’auteur d’une proposition de loi de modifier celle-ci, et bien que le texte de la commission soit déjà tout à fait rigoureux, j’ai déposé quelques amendements de cadrage ou de précision que je défendrai tout à l’heure.

En effet, par un concours de circonstances, l’assemblée de la Polynésie française, saisie en urgence par le Sénat de cette proposition de loi, a rendu son avis le lendemain du jour où la commission se réunissait pour examiner les amendements déposés en son sein, à savoir le 12 janvier dernier.

L’avis était bien entendu favorable. Il contenait toutefois deux réserves expresses et importantes qu’il ne m’appartenait bien entendu pas de méconnaître, s’agissant de l’expression de la représentation démocratique polynésienne.

Je voudrais en effet, par la posture politique dérogatoire – néanmoins symbolique – que j’adopte devant la Haute Assemblée, exprimer mon respect dû à la représentation démocratique de la collectivité d’outre-mer polynésienne et m’en faire – c’est en effet le rôle de chacun de nous, mes chers collègues – humblement le nécessaire porte-voix devant la représentation nationale.

C’est démocratiquement que l’assemblée de la Polynésie française a rendu son avis le 13 janvier dernier, et c’est démocratiquement qu’aujourd’hui la Haute Assemblée pourra se pencher sur le présent texte et trancher in fine, au travers de trois amendements sur les quatre que je vous soumettrai dans quelques instants.

Acte nous en sera donné au terme de ce débat. Il me tarde déjà d’entrer dans le vif du sujet, d’autant que je compte sur une position favorable du Gouvernement de même que sur un vote final unanime de la Haute Assemblée en faveur du texte de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous soumettre. Je vous en remercie par avance, mes chers collègues.

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