Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’article 1er, dont nous considérons que la rédaction ne prend pas la pleine mesure de ce que devrait être une réelle et ambitieuse réforme de la médecine du travail.
J’ajouterai quelques arguments complémentaires à ce qui vient d’être dit.
En effet, comment pouvez-vous avoir pour ambition de réformer la médecine du travail quand vous imposez aux représentants des salariés une réforme qu’ils n’ont pas voulue, de surcroît sans vous interroger sur le travail lui-même ?
S’il existe des médecins du travail, ce n’est pas parce que les salariés sont malades sur leur lieu de travail, mais bien parce que leur travail les rend malades, à moins que le travail ne soit malade lui-même…
De plus, vous entérinez le principe d’une médecine du travail aux ordres des employeurs, à qui il reviendrait de définir les missions des services de santé au travail et de prévoir leur financement. Autant dire que tout cela sera inscrit dans d’étroites limites et que les équipes pluridisciplinaires n’auront d’autre possibilité que de s’y conformer.
Et, pour que les choses soient bien claires, cet article prévoit expressément qu’il s’agit avant tout de mettre en œuvre des priorités au sein de ces missions.
Vous ne vous arrêtez pas là et considérez que l’employeur peut nommer un ou plusieurs salariés de l’entreprise pour intervenir dans un domaine qui, cela va de soi, exige un certain nombre de compétences particulières.
En commission – et j’en remercie madame le rapporteur –, vous avez admis ce point et accepté un de nos amendements qui a pour objet de permettre à ces salariés de bénéficier d’une formation en ce domaine. Nous nous en réjouissons.
Là encore, la question de l’indépendance est primordiale. Si le lien de dépendance entre les différents acteurs des services de santé au travail est indirect, il est, en revanche, évident pour ces salariés, placés en situation de subordination.
On voit mal comment, alors qu’ils ne bénéficient pas de protections particulières, ils pourraient oser proposer des interventions non approuvées par l’employeur.
De la même manière, s’il est heureux que le médecin du travail bénéficie d’une protection particulière vis-à-vis de l’employeur pour lequel il intervient, il n’est pas acceptable que les autres membres de l’équipe pluridisciplinaire ne bénéficient pas de cette protection.
Si l’on souhaite que la constitution de telles équipes soit une véritable chance pour les salariés, qui peuvent alors bénéficier d’une prise en charge globale, il faut prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que leurs interventions ne puissent jamais être guidées par d’autres intérêts que ceux des salariés.
Le schéma d’organisation que vous prévoyez, chers collègues, opère un basculement encore jamais vu, entre une médecine du travail dédiée aux salariés, telle qu’elle fut imaginée en 1946, M. Guy Fischer l’a rappelé, et une médecine du travail de l’entreprise.
Cette dépossession pourrait se définir comme une précarisation et une reprise en main par le patronat de la médecine du travail, ce qui n’est souhaitable ni pour les salariés de notre pays ni pour nos entreprises.
Ce sont toutes ces raisons qui nous amènent à vous proposer la suppression de cet article.