La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures vingt, sous la présidence de M. Roland du Luart.
La séance est reprise.
J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Robert Schwint, qui fut sénateur du Doubs de 1971 à 1988.
Monsieur le président, mon rappel au règlement est en lien étroit avec la proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail que nous allons examiner dans quelques instants puisqu’il concerne la question très importante de la reconnaissance de la pénibilité. Cette dernière est sans doute l’un des principaux facteurs de dégradation de la santé des salariés : elle entraîne notamment une réduction de l’espérance de vie des salariés qui y sont confrontés.
Monsieur le ministre, nous craignons que derrière les discours officiels, j’allais dire « de façade », vous ne refusiez en fait de vous attaquer aux causes structurelles qui génèrent de la pénibilité. Si nous sommes inquiets, c’est que, comme d’autres, nous avons pris connaissance des projets de décrets que vous avez transmis aux organisations syndicales et qui prévoient des conditions très limitatives.
Dans le même temps, le Gouvernement remet en cause l’accord du 27 octobre 2010 relatif aux travailleurs du secteur portuaire qui prévoit un départ anticipé à la retraite en raison de la pénibilité de ces métiers. Cette pénibilité a été reconnue par les experts médicaux sollicités sur le sujet, lesquels estiment qu’elle entraîne une réduction de huit ans de l’espérance de vie des salariés concernés.
Curieusement, cet accord n’est toujours pas applicable en raison du refus du Gouvernement, plus précisément de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, de le signer, procédure indispensable pour que celui-ci puisse entrer en vigueur.
Monsieur le ministre, avec cette proposition de loi, et les amendements qui ont été introduits lors du débat sur la réforme des retraites, on s’aperçoit que le Gouvernement et ses alliés légifèrent aujourd'hui sur la base d’un désaccord fondamental. Or, bizarrement, lorsqu’il y a un accord, vous ne prenez pas les mesures nécessaires pour que le fruit de la négociation des partenaires sociaux soit applicable. Avouez-le, c’est un comble !
Vous qui avez la responsabilité d’œuvrer pour la préservation de la santé des salariés et le respect du dialogue entre les partenaires sociaux, monsieur le ministre, vous devez intervenir auprès de votre collègue pour que soit mis fin à cette situation absurde et, j’ose le dire, anti-démocratique : en effet, alors que des accords ont été négociés et validés par les partenaires sociaux, le Gouvernement temporise parce que ces accords ne correspondent pas à sa doctrine politique.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Jacqueline Alquier et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent également.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe de l’Union centriste, de la proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail, présentée par M. Nicolas About, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Anne-Marie Payet, M. Adrien Giraud et les membres du groupe de l’Union centriste (proposition de loi n° 106, texte de la commission n° 233, rapport n° 232).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’organisation de la médecine du travail en France repose sur quelques grands principes issus de la loi du 11 octobre 1946 : caractère obligatoire et financement par les employeurs ; orientation exclusivement préventive ; indépendance technique et respect de la déontologie médicale ; spécialisation des médecins du travail.
Par la suite, de nouveaux textes sont venus enrichir la loi de 1946 sans en remettre en cause les principes. Pourtant, les structures de notre économie ont profondément changé : le secteur tertiaire est devenu dominant ; les mutations technologiques ont transformé les postes et les conditions de travail ; la conscience des risques environnementaux est devenue aiguë.
De fait, certaines de ces évolutions ont été prises en compte grâce à la directive européenne du 12 juin 1989 sur la santé et la sécurité au travail, qui a introduit une approche de prévention primaire nouvelle par rapport au droit français. Par exemple, l’évaluation a priori des risques et la diversification des compétences sont devenues des éléments essentiels de la prévention dans l’entreprise.
La loi de 2002 de modernisation sociale puis plusieurs textes réglementaires ont permis de transposer cette directive, mais n’ont pas profondément transformé notre système.
Or, malgré ces améliorations, une réforme d’ampleur apparaît aujourd’hui nécessaire et urgente, notamment pour tenir pleinement compte de l’évolution de l’économie et de la transformation des formes d’emploi. Il s’agit aussi de faire en sorte que les services de santé au travail deviennent les acteurs principaux d’un dispositif de traçabilité des risques professionnels non pour constater passivement les atteintes à la santé, mais pour stimuler la prévention et les actions correctrices.
En outre, la médecine du travail connaît une grave crise démographique. On dénombre aujourd’hui environ 6 800 médecins du travail, mais plus de 55 % d’entre eux ont plus de cinquante-cinq ans. Malgré cette crise, il convient de rappeler que la France compte la moitié des médecins du travail d’Europe, ce qui signifie que nos partenaires ont retenu des organisations différentes de la nôtre, notamment en élargissant la surveillance de la santé au travail à d’autres spécialistes.
À la demande du ministre du travail, les partenaires sociaux ont conduit des négociations de janvier à septembre 2009. À cette date, un protocole d’accord a été établi, mais n’a pu recueillir l’assentiment des organisations syndicales. Le Gouvernement a donc décidé d’engager lui-même cette réforme, sur la base du résultat des négociations menées par les partenaires sociaux, et a finalement choisi de présenter un amendement au projet de loi portant réforme des retraites, les parlementaires complétant ensuite le dispositif proposé.
La réforme a suscité d’importants débats tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat ; ici même, nous y avons consacré près de deux journées complètes. Elle a fait l’objet d’un accord au sein de la commission mixte paritaire avant que le Conseil constitutionnel annule ces dispositions pour des raisons formelles.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui reprend largement les mesures alors adoptées par l’Assemblée nationale et par le Sénat, auxquelles notre commission a apporté quelques modifications tendant à conforter encore le rôle du médecin du travail.
Tout d’abord, le texte énonce pour la première fois les missions confiées aux services de santé au travail : elles sont centrées sur la prévention primaire et mentionnent explicitement la traçabilité des expositions et la veille sanitaire. Jusqu’à présent, le code du travail ne confiait de missions qu’aux seuls médecins du travail.
Notre commission y a ajouté la mission de conseiller les employeurs et les salariés pour prévenir la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail.
Par ailleurs, la proposition de loi conforte la pluridisciplinarité. Ainsi, selon le texte adopté par notre commission, les missions des services de santé au travail interentreprises seront assurées par les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire comprenant des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers, auxquels viennent éventuellement s’ajouter des assistants et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail.
Je crois que nous pouvons encore clarifier l’exercice de ces missions en nous entourant de deux principes essentiels : le rôle central du médecin et la reconnaissance des compétences des spécialistes en prévention des risques professionnels.
La proposition de loi renforce également le rôle du médecin du travail en organisant une procédure d’échange avec l’employeur lorsque le médecin constate la présence d’un risque collectif, et non plus seulement individuel, dans l’entreprise.
J’en viens maintenant à la gouvernance des services de santé au travail interentreprises, sujet qui a suscité le plus de débats lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites. Le texte propose une évolution importante par rapport aux règles actuelles.
Aujourd’hui, la partie réglementaire du code du travail prévoit que les représentants des salariés composent le tiers du conseil d’administration des services interentreprises.
Désormais, le conseil d’administration sera composé à parts égales de représentants des employeurs et des salariés. Le président du conseil sera élu parmi les représentants des employeurs et aura une voix prépondérante en cas de partage. Le vice-président du conseil sera élu parmi les représentants des salariés.
Pourquoi avoir fait ce choix ?
Tout d’abord, il s’agit du compromis voté par l’Assemblée nationale et le Sénat les 26 et 27 octobre dernier sur les conclusions de la commission mixte paritaire.
Surtout, je voudrais rappeler l’équilibre de la loi de 1946 et de l’organisation de la médecine du travail en France : le code du travail fixe l’obligation pour l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cette obligation de résultat, confirmée à de multiples reprises par la Cour de cassation, passe, entre autres choses, par celle d’organiser un service de santé au travail ou d’y adhérer.
La médecine du travail constitue donc, pour l’employeur, un moyen de respecter son obligation et elle est, en conséquence, intimement liée à sa responsabilité individuelle. En ce sens, le service de santé au travail est un prestataire de services dont l’action s’insère dans un cadre légal, cadre que la proposition de loi améliore d’ailleurs largement.
Il est par conséquent tout à fait logique que l’employeur y exerce une action déterminante, qui ne peut pour autant se dérouler sans contrôle ni surveillance.
Qui plus est, l’employeur finance l’intégralité des charges liées à la médecine du travail et il ne semble donc pas totalement incongru que celui qui paie décide.
Mme Annie David s’exclame.
D’autres dispositions du texte tendent à prévoir la possibilité de dérogations en matière d’organisation et de suivi de la santé au travail, soit par accord collectif de branche, soit par voie réglementaire. Ces dérogations concernent des professions très mal couvertes par le système de santé actuel. Là encore, nos procédures doivent être adaptées aux nouvelles formes d’emploi, dans le but de renforcer la qualité et l’efficacité de la surveillance de l’état de santé de ces travailleurs.
Enfin, la commission a enrichi le texte, notamment pour renforcer les garanties d’indépendance du médecin du travail, en l’assimilant à un salarié protégé en cas de rupture conventionnelle, de rupture anticipée ou d’arrivée à son terme du contrat de travail à durée déterminée et de transfert d’un service de santé à un autre. Dans tous ces cas, la décision sera soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail.
D’autres amendements ont donné une base législative à la commission médico-technique des services de santé au travail interentreprises, chargée de formuler des propositions relatives aux priorités du service, et à la commission de contrôle, composée aux deux tiers de représentants des salariés.
La proposition de loi a été soumise à l’avis des organisations syndicales dans le cadre du protocole élaboré sur l’initiative du président du Sénat, Gérard Larcher. Elles ont fait état de leurs positions qui sont reproduites dans mon rapport écrit et les désaccords portent pour l’essentiel sur la gouvernance, plusieurs syndicats souhaitant la mise en place d’une présidence alternée entre représentants des employeurs et représentants des salariés. Nous aurons à l’évidence un débat sur cette question.
Néanmoins, la proposition de loi contient plusieurs dispositions qui marquent des progrès incontestables pour la médecine du travail, qu’il s’agisse de la définition des missions des services de santé au travail, de la prise en compte renforcée des observations du médecin du travail ou du caractère désormais paritaire des conseils d’administration. C’est d’ailleurs ce que reconnaissent conjointement la CGT et la CFDT dans une lettre ouverte publiée avant-hier.
En conclusion, mes chers collègues, permettez-moi d’insister sur l’urgence qu’il y a désormais à adopter ce texte. Il sera en effet suivi d’importantes dispositions réglementaires attendues par les professionnels concernés. Compte tenu de la grave crise démographique que connaît la médecine du travail, les services de santé au travail et les employeurs sont aujourd’hui confrontés à ce qu’ils appellent la « formalité impossible », c’est-à-dire qu’ils ne sont pas en mesure de respecter les obligations que leur imposent les textes.
La proposition de loi qui nous est soumise ne résoudra pas toutes les difficultés, mais elle constitue un élément nécessaire de la modernisation du système de santé au travail et du renforcement de la prévention des risques dans les entreprises.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de la médecine du travail, c’est une priorité dans le cadre de la politique de revalorisation du travail engagée par notre majorité depuis 2007.
Le Président de la République l’a rappelé lors de ses vœux au Conseil économique, social et environnemental : nous ne pouvons pas définir notre rapport au travail uniquement en termes de quantité, en négligeant la qualité de la vie au travail.
J’en ai bien conscience, si nous voulons continuer à revaloriser le travail, il nous faut travailler mieux et améliorer la qualité de la vie au travail. L’un ne va pas sans l’autre, surtout en période de sortie de crise.
Si les entrepreneurs ont subi les effets de la crise, les salariés, quant à eux, ont eu le sentiment d’être en première ligne et d’en supporter aussi le fardeau.
La santé au travail est évidemment l’un des aspects essentiels de la qualité de la vie au travail, même s’il n’est pas le seul.
Je le dis, la médecine du travail est indispensable, même si, pour rester indispensable, pour conserver son rôle clé, elle doit évoluer et être modernisée.
Je le sais, nous sommes l’un des pays qui compte le plus de médecins du travail. Nul besoin de citer des chiffres ; j’insisterai seulement sur un point : pour améliorer les conditions de travail, l’enjeu, aujourd’hui, c’est d’avoir de vrais services de prévention de proximité.
C’est un chantier engagé depuis longtemps et qui, vous le savez, m’a tenu et me tient à cœur, comme ministre du travail bien sûr, mais aussi, aujourd’hui, comme ministre de la santé, parce que nous avons besoin d’une médecine qui ait confiance en l’avenir plutôt que d’une médecine qui doute d’elle-même.
J’ai proposé, en 2008, aux partenaires sociaux d’ouvrir une négociation sur ce thème. Il y a eu sept séances de négociations. Elles n’ont pas abouti à un accord, mais elles ont permis d’avancer sur des points essentiels, par exemple sur la définition des missions de ces services.
Il y a eu ensuite une longue concertation avec les partenaires sociaux, et c’est essentiel parce que je pense qu’il n’y a pas de politique de modernisation de notre système de santé au travail sans que chacun y adhère. Et en même temps, la concertation doit être suivie de décisions.
Je veux saluer le travail de grande qualité accompli par les partenaires sociaux. Il y a eu vingt-quatre réunions de concertation, puis mes prédécesseurs, Xavier Darcos et Éric Woerth, ont présenté les grandes orientations de cette réforme au Conseil d’orientation sur les conditions de travail.
Ces orientations ont aussi été longuement débattues au Parlement dans le cadre de la loi sur les retraites, et je rappelle que la censure du Conseil constitutionnel ne portait pas sur le fond de cette réforme.
La modernisation de la médecine du travail est une priorité, je le répète, et je suis heureux que cette proposition de loi nous permette de faire enfin aboutir cette réforme.
Je veux saluer le travail d’Anne-Marie Payet, que je connais depuis longtemps et dont je connais l’engagement sur ces questions de santé au travail. Elle a enrichi le texte en apportant des garanties nouvelles pour la protection des médecins du travail.
Ce n’est pas une simple réforme technique, c’est bien un enjeu de société : nous vivons plus longtemps, nous allons devoir travailler plus longtemps, nous devons donc aussi travailler mieux. Chacun voit bien que la meilleure réponse à la pénibilité, c’est la prévention.
La question de la compensation est, elle aussi, légitime, mais elle ne peut être la seule à être prise en compte, comme cela a longtemps été le cas ; la question de la prévention doit l’être aussi.
Je voudrais rappeler brièvement les évolutions que permet ce texte.
Premier point : il clarifie la mission des 284 services de santé au travail interentreprises. Ces derniers contribueront davantage aux démarches de prévention des risques professionnels dans les entreprises, en s’appuyant notamment sur des équipes pluridisciplinaires.
C’est un réel progrès, j’en suis persuadé, parce que quand on regroupe dans une même équipe des ergonomes, des ingénieurs, des toxicologues, des infirmières et des psychologues, il est plus facile de prévenir la pénibilité, et tout particulièrement les grandes catégories de risques que sont les troubles musculo-squelettiques, les produits chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, dits « produits CMR », les risques psychosociaux.
Par exemple, chacun voit bien que, pour prévenir les troubles musculo-squelettiques, les TMS, il faut que le médecin du travail puisse s’appuyer sur la compétence de spécialistes en ergonomie.
Deuxième point : plus de deux millions de salariés qui sont aujourd’hui peu ou mal couverts seront désormais mieux suivis par les services de santé au travail : ce sont ceux des entreprises sous-traitantes, les salariés intérimaires, les saisonniers, les salariés du particulier employeur, les stagiaires.
Là encore, je voudrais prendre un exemple concret : sur un grand site industriel, la surveillance médicale des salariés de petites entreprises sous-traitantes sera bien mieux assurée par le médecin du travail, qui est en permanence sur le site et qui connaît bien les risques de cette entreprise, plutôt que par quelqu’un d’extérieur. C’est évidemment bien plus efficace et bien plus pertinent pour assurer la prévention des risques.
Troisième point : le texte permet de mettre en place une gouvernance par objectifs des services de santé au travail. Cela veut dire que ces services pourront privilégier certains objectifs parce qu’ils sont particulièrement présents sur le territoire où ils exercent : par exemple, dans certains secteurs comme la volaille en Bretagne, les TMS sont bien plus élevés que la moyenne nationale ; sur certains grands sites tertiaires, ce sont les risques psychosociaux, et dans certaines branches, les risques chimiques.
Je l’ai dit, il faut bien cibler les risques en fonction des caractéristiques des territoires et, pour cela, des conventions d’objectifs seront signées entre les services, l’État et la branche accidents du travail-maladies professionnelles des organismes de sécurité sociale, sur la base d’objectifs quantitatifs et qualitatifs. Les agréments de services donnés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ou DIRECCTE, viseront à s’assurer que les moyens mis en œuvre sont bel et bien en adéquation avec ces objectifs.
Quatrième point : les instances de direction des services de santé interentreprises seront plus en phase avec les acteurs économiques et sociaux. Cela suppose de renforcer la présence des partenaires sociaux dans les conseils d’administration à travers le paritarisme. Aujourd’hui, il y a deux tiers de représentants patronaux pour un tiers de représentants salariés ; demain, ce sera cinquante-cinquante.
S’agissant de la présidence, le texte qui a été voté à l’issue de la commission mixte paritaire est parvenu à un équilibre…
… qu’il semble nécessaire de respecter.
Cinquième point, et non des moindres : il est évident que l’indépendance des médecins du travail doit demeurer incontestable. J’y suis pour ma part particulièrement attentif.
Mme Annie David s’exclame.
Pas une seule disposition du texte dont nous débattons aujourd’hui ne remet en cause l’indépendance du médecin. Celle-ci n’est pas soumise au bon vouloir des employeurs et j’invite ceux qui prétendent le contraire à relire le texte dans le détail.
Je voudrais rappeler aussi que l’indépendance des médecins du travail est garantie par le code de déontologie médicale et le code de la santé publique, ainsi que par de nombreuses dispositions du code du travail.
Dans le code du travail, plusieurs articles régissent le statut du médecin du travail et en font l’équivalent d’un salarié protégé. Son licenciement est soumis à une autorisation administrative de l’inspecteur du travail
Mme Annie David s’exclame.
L’ensemble de ces dispositions restent inchangées et, je le redis, il n’est pas question pour nous d’y toucher. Au contraire, et pour éviter toute ambiguïté, le Gouvernement a déposé un amendement spécifique visant à réaffirmer le principe de l’indépendance des médecins du travail.
En même temps, je peux vous assurer d’une chose : même si je crois ces évolutions nécessaires, je ne serai jamais pour le maintien d’un statu quo qui empêcherait les médecins du travail de poursuivre leur mission au service des salariés.
Si nous ne faisons rien, nul ici ne sera en mesure d’apporter des garanties sur la santé des salariés dans les années qui viennent. Je serai toujours pour une médecine du travail indépendante, qui sache aussi évoluer, parce que le vrai débat, pour les millions de salariés concernés, c’est de prendre des mesures efficaces pour améliorer la prévention et agir sur la pénibilité en amont, avant qu’il ne soit trop tard.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, j’en suis convaincu, c’est grâce à cette réforme que nous pourrons réellement améliorer les conditions de travail et la qualité de la vie au travail. Il faut compter avec l’engagement des entrepreneurs, avec la participation des partenaires sociaux à ce combat pour améliorer la qualité de vie au travail, et ce dans le respect de l’indépendance nécessaire et légitime des médecins du travail.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de novembre dernier, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, a publié les résultats de son étude Les pathologies liées au travail vues par les travailleurs. Il en ressort que près d’un quart des actifs se disent gênés dans leur vie quotidienne par un problème chronique de santé « causé ou aggravé » par leur travail.
Ce ressenti douloureux affecte en premier lieu l’appareil ostéoarticulaire et la sphère psychique, sous forme de stress ou d’anxiété.
Même si ces chiffres doivent être analysés avec prudence puisqu’il s’agit d’une enquête déclarative, ils confirment tout de même une tendance incontestable et inquiétante : de nombreux salariés français souffrent dans leur chair et dans leur tête de leurs conditions de travail. Ayant eu l’honneur de présider la mission d’information sur le mal-être au travail, ici au Sénat, je peux vous dire, monsieur le ministre, que presque tous les intervenants l’ont confirmé.
Le problème n’est pas nouveau. Cela fait même longtemps que les gestes répétitifs, les contraintes posturales, les contraintes de temps de plus en plus sévères, l’intensification du travail, etc. sont connus pour générer les deux principaux fléaux de la santé au travail : les troubles musculo-squelettiques et les atteintes psychiques. Vous le savez aussi bien que nous, monsieur le ministre, depuis des années, les plans de prévention se succèdent mais les résultats se font attendre.
Dans ce contexte de risques professionnels en forte hausse, la réforme de la médecine du travail, qui assure le suivi de 16 millions de salariés du secteur privé, est une priorité qui a été trop longtemps repoussée. Régulièrement critiquée, tantôt pour son manque de moyens, tantôt pour sa dépendance vis-à-vis des employeurs, la médecine du travail doit évoluer. Mais depuis que le chantier a été ouvert voilà plus de trois ans, les réunions se sont succédé sans qu’aucun accord puisse être signé entre patronat et syndicats.
Vous le savez, le texte que nous examinons aujourd’hui est controversé. Il reprend l’ensemble des articles qui avaient été greffés, par voie d’amendements, au texte portant réforme des retraites, avant que, en novembre dernier, le Conseil constitutionnel n’invalide, comme nous l’avions prévu, ce volet, au motif qu’il était sans lien avec le projet de loi initial. Comme l’ensemble des professionnels concernés, les médecins du travail n’avaient pas apprécié que le Gouvernement dépose ces amendements à l’Assemblée nationale, à la hussarde, sans concertation ni discussion approfondie. Quand j’entends dire aujourd’hui qu’un débat s’est tenu au Parlement, je réponds qu’il en a été ainsi au Sénat – nous y reviendrons –, mais que la discussion a passablement été occultée à l’Assemblée nationale, pour des raisons de contrainte de temps.
C’est donc au Sénat, mes chers collègues, que les auditions et le débat ont eu lieu, permettant, comme je l’avais dit à ce moment-là, quelques modifications positives du texte venu de l’Assemblée nationale, mais sans que cela change pour autant l’économie générale d’une réforme, qui, à notre sens, dépossède en partie les médecins du travail de leurs prérogatives et de leurs fonctions, et qui transforme la médecine du travail en un service de santé publique au rabais dirigé par les employeurs, lesquels n’ont d’autre but que de s’exonérer de leurs responsabilités.
À cet égard, je note avec regret que le texte déposé par nos collègues de l’Union centriste est celui qui a été adopté par la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des retraites au mois d’octobre dernier. Il n’est pas identique, je le regrette profondément, au texte issu de la commission des affaires sociales et voté par notre assemblée en première lecture. Il eût pourtant été préférable de reprendre le texte résultant des travaux de notre assemblée, …
… qui nous semblait beaucoup plus équilibré, et qui, après de longs débats, était l’aboutissement d’un très large consensus sur un certain nombre de points, …
… notamment le paritarisme, lequel est un aspect important, mes chers collègues. Rappelez-vous, nous avions prévu l’alternance entre les employeurs et les salariés pour la présidence des services de santé au travail, comme c’est le cas pour les prud’hommes. C’était un point clé des dispositions qu’avait retenues le Sénat quasiment à l’unanimité.
Nous avions également adopté l’alternance concernant le trésorier : quand le président est employeur, le trésorier est salarié et réciproquement. Vous nous proposez aujourd’hui, mes chers collègues, un paritarisme de façade. Bien sûr, il y a un rééquilibrage cinquante-cinquante, mais dans les faits… Le président-employeur étant de surcroît doté d’une voix prépondérante, il sera toujours président et toujours doté de cette voix prépondérante. C’est un paritarisme en trompe-l’œil que nous ne pouvons accepter. Nous y reviendrons en présentant un amendement, mais il fallait le signifier d’entrée, car il est symptomatique de la volonté manifestée clairement que l’employeur reste le seul décideur, j’oserai dire le seul maître à bord. En outre, le fait de prévoir, dans ces conditions, l’élection du trésorier parmi les salariés me semble plus un piège qu’une assurance concernant le paritarisme.
Pour le reste, l’essentiel des critiques que mes collègues du groupe socialiste et moi-même avions formulées lors du débat du mois d’octobre sur les retraites demeurent fondées. Je pense notamment à la prééminence des organisations patronales dans l’organisation et la gestion des services de santé au travail, qui porte atteinte structurellement à l’indépendance des médecins en dépit de toutes les protections que nous avons essayé de leur apporter. Je pense également à l’absence de solution à la pénurie de médecins du travail, que la pluridisciplinarité, certes indispensable, ne pallie pas mais vise partiellement à contourner. Logiquement, nous avons donc redéposé un certain nombre d’amendements que nous aurons l’occasion de détailler lors de l’examen des articles.
Aujourd’hui, mes chers collègues, la France est la lanterne rouge en Europe dans la plupart des indices de santé au travail. Il faudrait donc une réforme qui s’attaque aux vrais empêchements à la prévention et qui permette de renforcer les effectifs et les moyens de la médecine du travail.
Je vous rappelle que, au 1er janvier 2009, 6 874 médecins du travail étaient en exercice, chiffre en baisse par rapport aux années 2002 à 2005, alors que les effectifs des salariés continuent d’augmenter. La situation démographique de cette catégorie de médecins est très préoccupante, avec 55 % de médecins âgés de plus de cinquante-cinq ans. Pour répondre à cette crise démographique, vous proposez seulement de permettre le recrutement à titre temporaire d’internes ; et encore, un long débat au Sénat avait été nécessaire pour cela. On peut donc se demander si vous n’êtes pas en train d’organiser sciemment la future pénurie de médecins du travail.
Je regrette également que cette réforme laisse de côté certains sujets importants comme celui de la visite médicale et de l’aptitude.
Nous sommes d’accord : les enjeux de la santé au travail imposent d’affirmer la prévention comme mission prioritaire du médecin du travail, ce qui passe impérativement par un renforcement de son action dans l’environnement même du travail, c’est-à-dire sa dimension collective.
Pour autant, il ne faut pas oublier l’approche individuelle. C’est dans le cabinet médical que les salariés peuvent s’exprimer librement, et que les médecins se forgent la meilleure connaissance sur les situations de travail en échangeant avec ceux qui les vivent. L’entretien clinique est donc primordial pour faire le lien entre atteinte à la santé et travail.
En fait, l’approche individuelle et la dimension collective sont complémentaires et s’alimentent l’une l’autre. J’avais eu l’occasion de le rappeler – ceux qui étaient présents s’en souviennent –, et d’affirmer qu’il ne fallait pas donner la primauté à l’une ou l’autre ; or, dans ce texte, on oublie complètement cette approche individuelle.
Pour ce faire, il me paraît essentiel de redonner du sens à la visite médicale, voire d’en changer le nom, comme cela est d’ailleurs suggéré dans le rapport Dellacherie du Conseil économique, social et environnemental : il y est évoqué une « consultation médico-professionnelle » ; une consultation qui tournerait le dos à l’aptitude. Selon moi, l’aptitude n’est pas le volet par lequel on prend le mieux en compte les problèmes de médecine du travail. L’aptitude, c’est la capacité, en dépit de difficultés de santé, à continuer de produire, à travailler. Il faudrait donc tourner le dos à l’aptitude qui est aujourd’hui le pivot des visites d’embauche, au profit d’une logique de maintien de l’emploi. En effet, le critère de l’aptitude ne me semble pas tout à fait adapté à la situation, c’est-à-dire à la prévention des risques qu’encourent les salariés. Pourquoi le texte n’aborde-t-il pas cet aspect de la réforme ?
En conclusion, mes chers collègues, il faut effectivement réformer la médecine du travail, et nous sommes prêts à en discuter – nous l’avions dit lors de l’examen du texte sur les retraites –, mais ce débat doit s’inscrire dans un cadre précis : il s’agit avant toute chose de prendre en compte la santé des salariés, et surtout d’anticiper sur les problèmes qui peuvent se poser.
Pour avoir été rapporteur-adjoint de la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante, et ma région étant directement concernée par ce problème, je peux affirmer que la prévention est absolument indispensable. Si nous n’avons pas pu empêcher le drame de l’amiante, faire en sorte qu’il soit maîtrisé, c’est parce que, à ce moment-là, – sachez-le bien, mes chers collègues – la médecine du travail, dans bien des cas, n’a pas eu la liberté de s’exprimer ; et quand elle s’est exprimée, elle n’a pas été écoutée ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte présenté par le groupe de l’Union centriste a pour objet, selon son exposé des motifs, de valoriser le travail accompli par le Parlement au moment de la réforme des retraites, en permettant une entrée en vigueur rapide des dispositions concernant la médecine du travail.
Or cette proposition de loi – copie conforme des articles censurés, à l’époque, par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme – ne fait que reprendre les dispositions introduites au détour d’amendements déposés dans la précipitation. Le Gouvernement s’était alors retranché derrière l’argument fallacieux selon lequel le projet de loi abordait la question de la pénibilité au travail, pour passer en force, au mépris de toute concertation et en mettant les parlementaires au pied du mur.
Nous avons été nombreux à penser que la décision du Conseil constitutionnel serait l’occasion, pour le Gouvernement, d’engager un vaste débat avec les organisations syndicales pour aboutir, enfin, à une réforme de grande ampleur, indispensable et urgente. À tort !
Nous sommes donc aujourd’hui bien loin du texte annoncé par nos collègues comme l’aboutissement du long débat conduit au sein des deux assemblées dans le cadre du projet de loi sur les retraites et qui engagerait enfin la réforme ambitieuse de la médecine du travail, tant attendue par les professionnels, parce que nécessaire.
Les dispositions qui nous sont proposées bouleversent l’organisation de la médecine du travail sans pour autant apporter les bonnes réponses.
Elles remettent en cause, tout d’abord, l’indépendance des médecins du travail, condition indispensable pour garantir que ces services de santé au travail participent efficacement et en toute transparence à la prévention des risques professionnels.
Certes, la commission des affaires sociales a adopté un amendement tendant à préciser que les missions des services de santé au travail sont assurées par les médecins qui coordonnent l’équipe pluridisciplinaire. Mais n’oublions pas que ce sont les employeurs qui organisent les services de santé au travail et la médecine du travail. De ce fait, cette dernière est souvent perçue comme la médecine de l’employeur.
S’agissant ensuite de la gestion des services de santé, je déplore que la proposition de loi ait repris le texte de la commission mixte paritaire, alors que la rédaction adoptée très largement par notre assemblée avait institué une véritable parité au sein du conseil d’administration, gage d’une plus grande indépendance des médecins.
Le président et le trésorier doivent être élus alternativement parmi les représentants des employeurs et parmi les représentants des salariés. Aussi, plusieurs de mes collègues du groupe RDSE et moi-même avons déposé un amendement en ce sens.
La remise en cause de l’indépendance de la médecine du travail risque, en outre, d’affecter une profession déjà peu attractive qui souffre d’une image de marque dégradée. Il aurait été opportun que le texte aborde concrètement ce problème et celui de la pénurie grandissante de médecins du travail. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Je regrette qu’aucune solution ne soit apportée à ces questions, pourtant soulevées par Mme le rapporteur dans son excellent rapport. C’est d’autant plus regrettable et préjudiciable que, sur les 6 500 médecins en activité, 75 % sont âgés de plus de cinquante ans.
Nous étions en droit d’attendre une grande réforme pour faire face à ces enjeux et améliorer les conditions de travail ou encore la prévention des risques professionnels, au moment où, précisément, les maladies et les risques psychosociaux au travail ne cessent d’augmenter – cela a largement été démontré par les experts, et je ne reviendrai pas sur les chiffres. La mission d’information sur le mal-être au travail l’a d’ailleurs vigoureusement dénoncé dans son rapport de juillet dernier.
Depuis la loi du 11 octobre 1946, notre société a changé et avec elle le monde du travail : les formes d’emploi se sont diversifiées et les risques professionnels ont évolué. Les troubles musculo-squelettiques, qui ont connu une progression importante au cours des dix dernières années, constituent aujourd’hui la première cause de maladies professionnelles reconnues en France et touchent tous les secteurs. La souffrance psychologique au travail s’est également considérablement répandue ces dernières années, pour devenir progressivement un sujet majeur de la vie au travail.
Cela a été largement rappelé au cours des débats sur les retraites : il est indispensable de mettre en œuvre une politique de prévention qui s’appuie sur la prise en charge globale de la santé des salariés.
La question primordiale est la suivante : le texte dont nous débattons aujourd’hui est-il la grande réforme tant attendue ? Apporte-t-il des réponses pérennes aux besoins des médecins du travail et des salariés. J’y vois plutôt à terme une tentative de démantèlement de la médecine du travail.
M. le ministre fait un signe de dénégation.
Pour toutes ces raisons et en cohérence avec les positions défendues lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, la majorité des membres du groupe RDSE n’approuvera pas cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les articles 63 à 75 relatifs à la médecine du travail, dans la mesure où – cela a été rappelé – ils constituaient des « cavaliers législatifs » puisqu’ils avaient été insérés dans le projet de loi portant réforme des retraites, nous sommes réunis ce jour pour débattre d’une proposition de loi en tout point identique ! Cela appelle de notre part plusieurs remarques.
En premier lieu, nous déplorons que ce texte ne soit qu’un simple copier-coller des articles invalidés par le Conseil constitutionnel, malgré quelques modifications apportées à la marge par la commission. Sur le fond, nous regrettons le peu de cas qui est fait de la médecine du travail aujourd’hui par le Gouvernement, monsieur le ministre – et les beaux discours ne cachent pas la réalité.
Oui, la réforme, dont chacune et chacun ici comprend bien la nécessité, réclame un projet de loi spécifique avec tout le travail que cela implique : reprise des négociations avec les partenaires sociaux sous l’égide du Gouvernement et travail du Parlement, plutôt qu’un débat tronqué dans le cadre d’une niche parlementaire.
Nous le regrettons d’autant plus qu’étant une proposition de loi ce texte, s’il est adopté, aura échappé au Conseil d’État !
Ainsi, alors que près de deux ans de négociations et la publication de nombreux rapports sur ce thème n’ont pas permis aux partenaires sociaux de trouver un accord, les quatre heures initialement prévues témoignent de l’insuffisance accordée par le Gouvernement à ce débat, pourtant véritable enjeu de société !
En effet, si le protocole national interprofessionnel auquel avaient abouti les partenaires sociaux le 11 septembre 2009 n’a pas été signé par l’ensemble des syndicats salariés, c’est qu’il existe des divergences profondes : périodicité des visites médicales, statut de l’inaptitude, financement et gouvernance des services de santé au travail mais aussi pénurie de médecins formés à cette spécialité. Rien dans ce texte ne résout ces points de divergences !
Aussi, sauf à accepter que les dés soient jetés d’avance et que le passage en force qu’avait orchestré le Gouvernement pour faire passer sa réforme soit simplement décalé dans le temps, ces quatre heures prévues étaient largement insuffisantes !
De ce point de vue, si la présidence du Sénat a répondu à nos inquiétudes en permettant au débat de se prolonger, il n’en demeure pas moins que le texte qui nous est présenté n’a pas obtenu l’accord des syndicats de salariés. Or, il y a quelques années, le Gouvernement s’est engagé – avec vous d’ailleurs, monsieur le ministre ! – à obtenir de la part des partenaires sociaux un accord national interprofessionnel dès lors qu’il s’agit de modifier le droit du travail ! Il se trouve que c’est bien le cas dans ce texte et les modifications sont d’ailleurs substantielles puisqu’elles concernent la santé des travailleurs !
Lorsqu’on voit les décrets que le Gouvernement veut prendre sur la pénibilité telle qu’issue de la réforme des retraites, objet de notre rappel au règlement tout à l’heure, on mesure bien la différence d’appréciation que nous avons sur ce sujet pourtant ô combien important ! Par notre rappel au règlement, nous avons témoigné notre colère à cet égard.
Après la forme, j’en viens au fond du texte. Lors du débat sur les retraites, le Sénat avait apporté quelques garanties en matière de gouvernance à travers notamment la présidence tournante, tous les trois ans, des services de santé au travail, ou encore, sur proposition de mon groupe, la composition à parts égales du conseil d’administration.
Aussi, nos collègues, en reprenant le texte issu de la commission mixte paritaire, renient les sages corrections que nous avions apportées lors de nos débats qui, je vous le rappelle, ont été nourris des travaux de notre mission d’information sur le mal-être au travail, dont les conclusions adoptées à l’unanimité – sont présents dans l’hémicycle plusieurs membres de cette mission, ils doivent bien s’en rappeler ! – prévoyaient en particulier une gestion paritaire de la médecine du travail et une indépendance renforcée des médecins !
Avec le dispositif proposé, qui maintient la voix prépondérante au président, élu parmi les représentants des entreprises, nous retombons dans les préconisations du MEDEF, celles-là mêmes que l’ensemble des organisations syndicales de salariés ont de nouveau refusées puisque, consultées par notre commission, elles soulignent une nouvelle fois, dans leurs différents courriers, le caractère inacceptable de la prédominance patronale dans la gouvernance qui est proposée ainsi que les insuffisances de ce texte au regard des enjeux en matière de santé au travail.
L’augmentation des risques psychosociaux, l’actualité des suicides, les modifications des rythmes et des conditions de travail, le développement des emplois précaires, la poursuite du scandale de l’amiante, les prévisions inquiétantes relatives à l’utilisation des éthers de glycol, l’exposition aux CMR et dernièrement – même si cela ne concerne par le domaine du travail – le scandale du Mediator doivent nous inciter à garantir l’indépendance des scientifiques, des experts et des médecins vis-à-vis de toute considération autre que sanitaire.
Aussi, si l’on peut se féliciter de l’introduction des équipes pluridisciplinaires au sein des services de santé au travail, on peut regretter cette mainmise du patronat sur la gestion de ces services et ce refus catégorique du Gouvernement d’introduire une véritable gestion paritaire dans ce domaine. Pour quelle raison le MEDEF ne souhaite-il pas cette parité ? Elle fonctionne pourtant bien dans d’autres domaines, notamment les conseils de prud’hommes !
Le patronat aurait-il des secrets à garder ? Ne veut-il pas assumer la responsabilité qui est la sienne en matière de garantie des conditions de travail ? Pourquoi ce refus de la transparence ? Les finances de ces services auraient-elles à craindre celle-ci?
Peut-être allons-nous, de par la sagesse de notre commission, revenir dans un instant sur cette gestion… En tout cas, je l’espère puisqu’elle a fait un pas dans ce sens.
Les équipes pluridisciplinaires, qui constituent sans doute le point le moins négatif introduit par cette proposition, peuvent même devenir le point positif si l’on garantit aux personnels de ces équipes le même statut que celui des médecins du travail. En effet, ces personnels seront au cœur de l’affrontement de classes et il faut donc éviter qu’ils ne soient tributaires des exigences de leur employeur. J’y reviendrai au cours de nos débats.
Un autre point est litigieux : le transfert aux directeurs des services de santé de la définition des missions de prévention de ces services, jusqu’alors dévolues aux professionnels de la santé. Le médecin du travail – dont vous voulez affirmer encore un peu plus l’indépendance – sera pourtant de ce fait mis sous la tutelle du directeur, qui lui-même, je vous le rappelle, est sous la coupe du patronat, puisque le conseil d’administration de ce service est présidé de manière permanente par un représentant du collège employeur, et qu’il a une voix prépondérante !
Le cœur de métier des médecins du travail, à savoir la définition de leur mission en matière de prévention, sera donc dévoyé puisque le rôle de ces médecins est réduit à une simple fonction d’exécution ! De fait, l’indépendance des professionnels de santé, pourtant garantie par le code du travail, devient inopérante ! Et ce n’est pas le fait que ces professionnels soient des travailleurs protégés qui assurera cette indépendance !
Force est de constater que ce texte non seulement reflète un déni de démocratie sociale évident, mais est également en totale contradiction avec le code international d’éthique pour les professionnels de santé au travail, lequel stipule qu’un des principes de base de l’exercice correct de la santé au travail est une totale indépendance professionnelle des médecins.
Par ailleurs, en proposant une prise en charge de certaines catégories socioprofessionnelles précaires par des médecins non spécialisés en médecine du travail, ce texte est contraire au principe républicain d’égalité de traitement. Sur ce point, les chiffres sont parlants : 69 % des personnes précaires sont considérées en « souffrance psychique » et 80 % des intérimaires sont soumis à au moins un risque professionnel. Or ce sont ceux-là mêmes que vous voulez exclure de la santé au travail !
Au final, ce texte tourne le dos à l’exigence d’une véritable réforme de la médecine du travail, qui prendrait réellement en compte la santé des travailleurs en répondant à l’ensemble des difficultés auxquelles elle est confrontée aujourd’hui.
Il en est ainsi du problème relatif à la démographie médicale, car la médecine du travail n’est pas épargnée : selon un article paru dans Le Progrès le 11 décembre 2009, « en France, on devrait connaître 2 500 départs dans les 5 ans qui viennent pour 250 remplacements seulement. Ça veut dire qu’un poste sur dix sera pourvu ». Dès à présent, les professionnels ne peuvent plus remplir toutes leurs missions, chaque médecin suivant en moyenne 3 000 salariés.
Si le manque de volonté politique se manifeste par la sous-évaluation chronique du numerus clausus de la spécialité, elle se traduit également par des mesures qui, plutôt que de pallier cette pénurie, accompagnent le déclin de cette discipline. Le passage d’une périodicité de visite systématique à deux ans ou, comme le prévoit ce texte, le recours aux médecins non spécialisés en sont l’illustration.
De même, le débat sur la fiche d’aptitude doit être ouvert. En effet, elle intervient dans le champ du contrat de travail qui subordonne directement le salarié à l’employeur et aux conditions de travail qui lui seront imposées et a trop souvent comme conséquence en cas d’inaptitude la perte d’emploi pour le salarié concerné.
Enfin, je terminerai sur la nécessaire implication de l’État, la santé au travail étant une condition déterminante et une déclinaison majeure de la santé publique.
On ne peut accepter qu’elle soit gérée majoritairement par les employeurs sous prétexte qu’ils financent la prévention des risques qu’ils génèrent. En l’occurrence, madame Payet, je ne suis pas d’accord avec vous : l’adage selon lequel « qui paie décide » n’est pas de mise en matière de santé des travailleurs !
La responsabilité de l’État doit être d’assurer son ancrage dans un système de santé publique dans le domaine du travail, entièrement rénové, à travers, par exemple, l’institution d’une agence nationale de la santé au travail, financée entièrement par les cotisations employeurs, comme nous le proposons, ou encore à travers l’intégration des services de santé au travail dans le giron de la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en abordant l’ensemble de ces problématiques et de ces pistes avec les partenaires sociaux puis au Parlement que nous pourrons tendre vers une véritable réforme de la médecine du travail attendue par de nombreux salariés. En l’état, nous ne voterons bien évidemment pas ce texte. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme qui nous est proposée aujourd’hui est le fruit de plus de trois années de travail, le Gouvernement ayant souhaité améliorer le rôle préventif de la médecine du travail dans les entreprises. En effet, le tissu économique a connu d’importantes mutations et de nouveaux risques sont apparus, avec notamment des pathologies graves se révélant tardivement, de nouvelles maladies professionnelles telles que les troubles musculo-squelettiques ou l’apparition de souffrances liées au stress.
Le contrôle de la santé au travail, déjà amélioré en 2002 par la loi de modernisation sociale, doit aujourd’hui s’inscrire clairement dans une action collective de prévention.
Il y a eu en 2008 des négociations entre partenaires sociaux mais elles n’ont pu aboutir à la signature d’un accord. Cet échec a poussé le Gouvernement à agir, en s’appuyant néanmoins sur les travaux qui venaient d’avoir lieu.
Nous avons adopté les mesures proposées par le Gouvernement dans un climat houleux, celui de la discussion sur la réforme des retraites. Si les dispositions ont été annulées par le Conseil constitutionnel pour une raison de procédure, cela ne remet pas en cause la clarté de notre vote.
Tout a déjà été dit. Je souhaite cependant, puisque l’opposition reprend les mêmes arguments, souligner plusieurs points qui me semblent essentiels.
La critique la plus forte formulée contre le texte est qu’il affecterait l’indépendance du médecin du travail. L’opposition dénonce « un renforcement de la gestion patronale ». Est principalement visé l’article 3 qui fixe la composition du conseil d’administration des services interentreprises.
Je rappelle qu’il s’agit d’une avancée puisque le conseil sera désormais composé à parts égales de représentants des salariés et des employeurs, alors que précédemment, les membres représentant les salariés en composaient le tiers.
Certes, le président du conseil sera élu parmi les représentants des employeurs et aura une voix prépondérante en cas de partage.
Nous avions souhaité assouplir ce point sur proposition du rapporteur Dominique Leclerc, en prévoyant une présidence tournante.
Les membres de la commission mixte paritaire ont toutefois choisi de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. M. Dominique Leclerc déclarait alors : « La réforme de la médecine du travail inscrite dans ce projet de loi est d’une ampleur considérable, et l’introduction immédiate d’une présidence tournante aurait sûrement constitué un énorme bouleversement du fonctionnement des services de santé au travail ». Il concluait qu’il ne s’agissait que d’une première étape, et que cette question pourrait être revue lorsqu’un bilan de la réforme serait établi. Je partage ce sentiment.
Il serait anormal, voire injurieux pour les membres de la CMP, de revenir sur ce point. J’ajoute que notre commission des affaires sociales, lors de l’examen de la présente proposition de loi, a renforcé les garanties d’indépendance reconnues aux médecins du travail. Plusieurs amendements de notre collègue et rapporteur Anne-Marie Payet, que je félicite pour la qualité de son travail, ont en effet prévu d’assimiler les médecins du travail à des salariés protégés. Ce statut s’appliquera dans les cas de rupture conventionnelle, de rupture anticipée ou d’arrivée à son terme du contrat à durée déterminée, ou encore de transfert d’un service de santé à un autre. Dans ces différents cas, la décision sera soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, après avis du médecin du travail.
Enfin, n’oublions pas que l’indépendance de la médecine du travail est déjà assurée par le code du travail et le code de la santé publique. La proposition de loi ne remet nullement en question notre droit.
Je voudrais revenir sur les différents apports du texte.
D’une part, il prévoit la constitution d’équipes pluridisciplinaires. L’objectif est de pouvoir trouver, dans chaque service de santé au travail, un médecin pour animer l’équipe pluridisciplinaire composée non seulement d’ergonomes et de psychothérapeutes, qui pourront évaluer le stress au travail, mais aussi de spécialistes de la cancérologie et de la toxicologie.
D’autre part, ce texte énonce les missions et améliore la gouvernance des services de santé au travail. Il crée notamment de nouvelles obligations pour les employeurs et propose des solutions pour des professions peu couvertes par le système de santé actuel.
Je ne citerai pas tous les apports du texte, que Mme le rapporteur a déjà rappelés. Je retiendrai que les mesures prévues par la proposition de loi constituent une avancée, et qu’elles s’appuient sur une réelle concertation avec les parties concernées. Le fonctionnement de la médecine du travail s’en trouvera certainement amélioré.
Je regrette toutefois que la question du manque d’effectifs ne soit que rapidement abordée par la proposition de loi.
La médecine du travail souffre aujourd’hui d’un manque d’effectifs qui risque de s’aggraver dans les prochaines années du fait des départs à la retraite.
Le rapport de Mme Payet relève que plus de 21 % des médecins du travail ont soixante ans et plus, et 55 % cinquante-cinq ans et plus. Il se trouve donc que 4 000 médecins auront atteint ou dépassé l’âge légal de départ à la retraite d’ici à cinq ans, et plus de 5 600 à l’horizon de dix ans, soit près de 80 % de la population totale des médecins du travail !
Certains ont reproché au Gouvernement de ne pas ouvrir davantage de postes. Mais là n’est pas le problème : lors du dernier concours, 120 postes étaient ouverts, et seulement 90 candidats s’y sont présentés !
M. Jean-Pierre Godefroy s’exclame.
Mme Christiane Kammermann. Pour résoudre ce problème de pénurie, il faudrait en effet revaloriser le statut des médecins du travail et le rendre plus attractif.
M. Jean-Pierre Godefroy s’exclame de nouveau.
Nous devons absolument attirer les étudiants vers cette discipline. Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez cette préoccupation, mais pourriez-vous nous dire quelles actions vous envisagez à ce sujet ?
Nous vous faisons toute confiance, monsieur le ministre, pour poursuivre la réforme engagée. Il reste encore beaucoup à faire pour développer une véritable culture de la prévention et améliorer notre connaissance des risques. Le présent texte représente une étape importante. Notre groupe soutiendra donc, de nouveau, cette démarche.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de l’organisation de la médecine du travail correspond à un besoin, et elle est urgente.
À la frontière du droit du travail et de la politique de santé, la question est charnière. Son pivot, le médecin du travail, joue un rôle de garant, d’observateur et de prescripteur.
Or, comme l’explique très bien l’excellent rapport de notre collègue Anne-Marie Payet, la médecine du travail fait l’objet d’une véritable remise en cause depuis la fin des années quatre-vingt-dix.
Comme l’ont abondamment souligné les orateurs précédents, elle est avant tout confrontée à un problème de démographie médicale. Mais pas seulement.
Le drame de l’amiante a mis en lumière les carences de tout un système, incapable d’empêcher une catastrophe sanitaire majeure. Vous le savez, mes chers collègues, en tant que président de la mission commune d’information de notre assemblée sur l’amiante, je suis particulièrement sensible à cette question. Notre rapport de 2005 avait stigmatisé le silence de la médecine et de l’inspection du travail. Il remettait clairement en question le statut du médecin du travail.
Plus précisément, il posait la question de son indépendance vis-à-vis de son employeur.
Notre enquête avait également révélé que les médecins du travail sont souvent isolés et pâtissent de ne pas avoir d’interlocuteur public.
Un constat de crise, donc, qui exigeait de réformer au plus vite.
Pourtant, la réforme attendue n’a que trop tardé à venir. Et lorsqu’elle est enfin arrivée, elle a été invalidée par le Conseil constitutionnel. C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste l’a immédiatement reprise au vol pour en faire une proposition de loi. Évidemment, réformer la médecine du travail en même temps que les retraites n’avait de sens que parce que nous abordions la pénibilité au travail.
Mais ce n’était pas le bon véhicule ; nous l’avions d’ailleurs souligné dans cet hémicycle et le Conseil constitutionnel, en le sanctionnant, a pleinement joué son rôle. Toutefois, répétons-le, c’est en tant que cavaliers que les articles portant sur la médecine du travail ont été censurés par le Conseil, et non sur le fond. Justement, que dire du fond ?
Sur le plan des principes, la présente proposition de loi constitue véritablement une reconnaissance et une consécration de la médecine du travail, dans la mesure où elle renforce son assise juridique, en lui donnant un véritable cadre légal. Jusqu’à présent, elle était principalement régie par des dispositions réglementaires. Avec le présent texte, la médecine du travail s’élève dans la hiérarchie des normes, ce qui constitue une reconnaissance autant qu’une pérennisation.
Mais, par-delà les principes, la proposition de loi tente de contrer les deux grands maux dont souffre la médecine du travail, à savoir le manque de médecins et l’insuffisance de leur indépendance.
Primo, il apporte une solution, sans doute encore partielle, mais tout de même bien concrète, au problème de la démographie médicale.
En effet, en ne désignant plus le seul médecin comme responsable du service, mais en reconnaissant l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire, il permettra, mécaniquement, de dégager du temps médical. Autrement dit, l’équipe pluridisciplinaire aidera le médecin du travail à se recentrer sur son rôle de prévention et sa mission thérapeutique. C’est bien le maximum qu’une réforme législative de la médecine du travail puisse faire, parce que le problème de la démographie médicale dépasse largement ce seul sujet. La proposition de loi devrait améliorer la situation, en attendant que la politique plus globale de lutte contre la progression des déserts médicaux, mise en œuvre au moins depuis la loi HPST, porte ses fruits aussi dans ce domaine, ce qui ne saurait se faire du jour au lendemain.
Secundo, le texte réaffirme et garantit l’indépendance de la médecine du travail. Des garanties qui ont encore été renforcées par notre commission des affaires sociales, sous l’impulsion de notre collègue rapporteur Anne-Marie Payet, avec la création d’une commission de contrôle sur l’organisation et la gestion du service de santé au travail.
Reste un dernier point, plus politique, mais néanmoins important : celui de la gouvernance.
En l’état actuel de sa rédaction, le texte constitue déjà un progrès en termes de représentativité et de paritarisme.
Pour ce qui est de la représentativité, la CMP sur le projet de loi portant réforme des retraites
Mme Annie David s’exclame.
, sous l’impulsion du groupe de l’Union centriste, avait acté le principe selon lequel les représentants des employeurs au sein des services de santé au travail interentreprises devaient être issus des entreprises adhérentes, et non désignés par les centrales patronales.
Mme Annie David s’exclame de nouveau.
Progrès aussi côté paritarisme : alors que les représentants des salariés ne représentent jusqu’à présent qu’un tiers des membres du conseil d’administration du service de santé au travail interentreprises, le texte institue le paritarisme intégral.
Il prévoit toutefois que le président du conseil d’administration, qui a voix prépondérante, sera toujours choisi dans le collège patronal.
À titre personnel, et avec quelques collègues centristes, je persiste à penser que nous devons aller plus loin, en suivant la voie ouverte par le Sénat lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.
Pour que le paritarisme fonctionne pleinement, il faut équilibrer et responsabiliser les partenaires sociaux. §Je crois en effet à la cogestion !
Je défendrai donc, avec de nombreux autres collègues, un amendement tendant à instaurer une présidence alternée du conseil d’administration des services de santé au travail interentreprises, ou SSTI. Ce faisant, il ne s’agit, ni plus ni moins, que de revenir au texte adopté très largement par le Sénat lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, lequel s’appuyait sur les recommandations de la mission d’information sur le mal-être au travail.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. « Celui qui paie décide », avez-vous dit, chère Anne-Marie Payet. Rappelons toutefois que c’est l’entreprise qui paie ce service, et non l’employeur. Ne nous trompons pas !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Indépendamment de cette réserve, qui me tient à cœur, les membres de mon groupe et moi-même considérons que le présent texte constitue, pour toutes les raisons que je viens d’énoncer, une avancée importante.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ce soit par lois, par cavaliers ou par ordonnances, la majorité, depuis 2007, détricote le code du travail et réduit la protection des salariés.
Ainsi, dans l’une des dernières réformes que vous ayez menées, monsieur Bertrand, l’on a vu apparaître, au sein d’une disposition sur « les conditions d’utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses », un alinéa 2 précisant que cette disposition échappe au principe de responsabilité de l’employeur.
On a vu aussi le temps minimal dévolu à la prévention sur les lieux de travail laissé à l’appréciation, selon les disponibilités, la visite médicale devenir bisannuelle, et non plus annuelle et, enfin, le temps minimal par salarié dont disposait le médecin du travail disparaître.
Lors de la transposition de l’annexe 1 de la directive européenne sur les substances cancérogènes et mutagènes, vous avez aussi décidé d’exclure de son application les fonderies de fer et d’acier, les filières du caoutchouc et les métiers de la peinture ! Rien que cela !
Le 22 janvier 2008, Mme Valérie Létard, alors secrétaire d’État chargée de la solidarité, demandait le rejet de la proposition de loi de Michelle Demessine au motif qu’il lui paraissait souhaitable de consulter préalablement les partenaires sociaux, qu’il convenait de mener des réformes en profondeur, en prenant le temps du dialogue et de la concertation et que, en conséquence, il ne lui paraissait pas opportun que l’État vienne perturber les évolutions en cours par des initiatives unilatérales et non concertées. Il semblerait que, aujourd’hui, ces précautions ne valent plus !
Après une tentative de cavalier dans la loi sur les retraites, dénoncée par les Verts, la gauche et le Conseil constitutionnel, voici qu’une béquille nous arrive du groupe de l’Union centriste, sous la forme d’un texte échappant aux concertations.
Ni le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, ni le Conseil d’État, ni les partenaires sociaux n’auront eu leur mot à dire.
Le MEDEF se frotte les mains…
… les employeurs présideront et auront une voix prépondérante dans les instances de santé au travail.
Quant aux alertes que les écologistes avaient portées avec d’autres – prise en compte du rapport de 2007 des professeurs Conso et Frimat ; problème du départ à la retraite de 1 700 médecins du travail prévu vers 2012 pour seulement 300 à 400 jeunes en formation ; besoin d’un statut du lanceur d’alerte dans l’entreprise ; meilleure prise en compte de l’expertise d’usage des salariés ; besoin absolu de la garantie d’indépendance de la médecine du travail ; nécessité de muscler l’AFSSET -, ces alertes n’ont pas été entendues.
Vous avez dissous l’AFSSET dans l’AFSSA, mais l’on pense aussi à l’AFSSAPS, désormais très célèbre pour sa complaisance.
Et vous êtes prêts à approuver un texte qui va à l’opposé, conforte le pouvoir de l’employeur dans des instances désormais abusivement dites « paritaires ».
Pourtant la santé au travail mérite bien mieux et le tableau aggravé des contaminations est là pour nous le rappeler, car lorsqu’une substance est dite « interdite », comme les éthers de glycol les plus dangereux, elle reste autorisée dans l’entreprise pour des transformations.
L’attitude des employeurs niant pendant des décennies les effets de l’amiante, puis refusant aujourd'hui encore de délivrer des certificats d’exposition, montre que les mauvaises pratiques existent et que seule la loi et la rigueur de ses exigences sont garantes de la santé.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, 16 millions de salariés ont besoin de se sentir protégés. Pensez à ceux qui travaillent dans des pressings respirant du perchloréthylène toute la journée ou à ceux qui manipulent des nanomatériaux !
Les inégalités d’espérance de vie selon les métiers existent toujours et – cela a été dit – les risques psychosociaux augmentent. On ne tire pas assez les conséquences des études épidémiologiques et ergonomiques.
La souffrance au travail traverse, dans certains secteurs, tous les niveaux de la hiérarchie, chacun répercutant sur le niveau inférieur un harcèlement symptôme de sa propre angoisse, au point que les derniers de la chaîne se suicident.
Pour la prévention des risques, les écologistes ne confondent pas la cogestion à laquelle vous invitez la médecine du travail, qui ne doit pas être enfermée dans des contingences technologiques ou économiques, avec la vraie indépendance, celle de l’observation, de l’écoute, des faits et des propositions mesurables édictés en conclusion, sans que l’employeur l’influence.
Hélas ! les syndicats dénoncent l’abandon du système au profit des employeurs ; les médecins du travail craignent de ne plus pouvoir exercer leur métier en toute transparence et en toute indépendance.
La crise des vocations reflète l’inconfort de ce poste, entre marteau et enclume, entre souffrances des uns et indifférence des autres.
Traiter les pénuries, augmenter les effectifs médicaux en amont, mettre en place un autre financement dédié à la seule santé au travail : voilà les axes d’une véritable réforme protectrice de la santé des travailleurs, car c’est au travail de s’adapter à l’homme, et non l’inverse.
Madame la rapporteur, vous nous avez dit : « Qui paie décide ! » Je ne sais pas si vous mesurez l’impact de votre slogan en matière sanitaire.
Par exemple, ce sont les fabricants qui paient les expertises des substances chimiques de REACH, le règlement sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques. Ils payent ; vont-ils choisir le niveau de toxicité ?
Autre exemple, c’est désormais l’industrie nucléaire qui financera l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Or cet institut donne des verdicts sur les incidents nucléaires et préconise les mesures à prendre. Parce que l’industrie nucléaire paie, elle pourra dire que tel incident n’est pas grave ?
Non, madame la rapporteur : qui paie ne décide pas !
Mme Marie-Christine Blandin. Dans l’état actuel de ce texte, évidemment, les écologistes voteront contre !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
« Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage… » Or, monsieur le ministre, que de précipitation pour nous présenter de nouveau l’ensemble des propositions patronales sur la médecine du travail, dans un texte qui, cette fois, leur est entièrement réservé…
Vous n’avez même pas pris le temps de revoir l’organisation de ces dispositions pour les rendre au moins lisibles et compréhensibles. Il est rare de voir des mesures aussi enchevêtrées entre différents articles tant du texte lui-même que du code du travail !
Rappelons brièvement le contexte.
Adoptée dans la précipitation sous la forme d’amendements du Gouvernement au projet de loi portant réforme des retraites, la réforme de la médecine du travail a été censurée par le Conseil constitutionnel.
Comme nous n’avions cessé de le dire lors des débats, la présentation de cette réforme constituait, en effet, purement et simplement un cavalier législatif.
La réforme que le Gouvernement proposait ainsi et continue à proposer aujourd’hui préfigure la fin de la médecine du travail en la transformant en un service de santé publique au rabais dirigé par les employeurs qui souhaitent seulement s’exonérer de leurs responsabilités en matière de santé au travail.
Elle prive les médecins du travail de leurs prérogatives et menace leur indépendance : l’organisation de la médecine du travail et les missions de prévention sont non plus confiées directement aux médecins du travail mais aux services de santé au travail et à leurs directeurs désignés par les employeurs et investis d’importantes prérogatives, notamment dans la définition des priorités d’action.
Si les débats au Sénat, lors de l’examen de ces dispositions dans le cadre de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, avaient permis des avancées sur lesquelles la commission mixte paritaire est en partie revenue, l’esprit de la réforme que vous voulez demeurait cependant.
Lors des auditions que nous avons menées ici même dans le cadre de la mission d’information sur le mal-être au travail, les médecins du travail ont souligné que les salariés expriment de plus en plus souvent leur souffrance dans leurs cabinets et que, dans ce contexte, il convenait de mieux assurer l’indépendance des médecins du travail vis-à-vis des employeurs.
La mission a d’ailleurs conclu à la nécessité de revaloriser la profession de médecin du travail et de réaffirmer l’indépendance des services de santé au travail, ce qui pourrait être obtenu par leur rattachement à une structure paritaire.
C’est cela qu’il convient toujours de défendre aujourd’hui !
Alors pourquoi tant d’obstination à vouloir, encore une fois dans l’urgence et en force, faire voter avec cette proposition de loi des mesures contre lesquelles toute la profession s’insurge et que les organisations syndicales ont déjà rejetées ?
Car c’est bien le texte adopté en commission mixte paritaire dans le cadre de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites qui est repris intégralement dans la proposition de loi que nous discutons. Nous savons que vous n’avez pas l’habitude de résister aux injonctions du MEDEF, qui dicte ce texte…
Pourtant, depuis longtemps, différents rapports ont révélé les dysfonctionnements du secteur de la médecine du travail. Nous ne contestons donc pas la nécessité d’une réforme de fond, mais celle-ci ne doit pas organiser la disparition d’un des piliers de notre droit du travail.
Depuis 1946, et l’instauration des services de santé au travail, la situation a bien sûr évolué ; voilà pourquoi c’est avec un grand intérêt et beaucoup d’espoir que nous avons suivi les négociations – certes difficiles – entamées il y a deux ans entre les partenaires sociaux en vue d’une refonte que nous espérions aller dans le sens d’une prévention accrue, avec la prise en compte des besoins identifiés par les acteurs de terrain.
La première critique fondamentale que nous adressons à cette proposition de loi, c’est qu’elle place la médecine du travail dans un lien de dépendance vis-à-vis des employeurs - autant dire la possibilité pour ces derniers, avec votre complicité, de s’exonérer de leurs responsabilités -, lien confirmé d’ailleurs par les propos malheureux de Mme le rapporteur, qui, dans son intervention liminaire, a déclaré que celui qui paie décide.
Comment cautionner un tel conflit d’intérêts, une telle confusion ? Comment accepter de renoncer à une médecine du travail protectrice, indépendante et centrée sur les risques professionnels, pour laisser aux seuls employeurs les moyens de contrôle de la santé au travail des salariés et l’ouverture vers ce que l’on perçoit bien comme une forme de « privatisation » des services de santé au travail ?
Sous prétexte de modernisation et d’évolution vers la pluridisciplinarité – ce qui en soi pourrait ne pas être une mauvaise chose, si les personnels sont réellement qualifiés –, vous limitez l’indépendance des services de santé au travail, puisque c’est sous l’autorité de l’employeur que sera placée l’équipe pluridisciplinaire et que, dans la nouvelle gouvernance – une gouvernance paritaire, mais avec une présidence revenant obligatoirement à un employeur -, c’est l’employeur qui aura voix prépondérante !
La pluridisciplinarité des équipes prônée par les promoteurs de cette réforme sert non à garantir une meilleure prévention, mais à confier des missions du médecin du travail à d’autres intervenants, moins protégés et dont l’indépendance n’est pas garantie.
Ce sont les employeurs qui définiront les priorités d’intervention des services de santé au travail. À travers les contrats d’objectifs et de moyens et leur adaptabilité aux réalités locales, tout semble permis pour éviter que les médecins du travail n’abordent les questions qui fâchent !
Tous les acteurs et les spécialistes du secteur s’accordent sur le fait qu’une bonne réforme de la médecine du travail doit reposer sur le principe de la séparation entre, d’une part, les professionnels de santé au travail, dans leur mission et leur activité, et, d’autre part, ceux qui génèrent les risques, pour que ces professionnels de santé exercent réellement leur métier en toute indépendance.
Expliquez-nous comment, face à des directeurs de service nommés par le patronat, l’indépendance des professionnels de la santé placés sous leur autorité pourra être garantie ?
La seconde critique fondamentale que nous formulons contre cette proposition de loi concerne l’absence de solution à la pénurie de médecins du travail que la pluridisciplinarité vise d’ailleurs sans doute à masquer.
C’est une gestion de la pénurie que vous nous proposez avec, en outre, la possibilité de recourir à la médecine de ville mais aussi à des internes en fin d’études ainsi qu’à des officines privées pour des missions de contrôle.
Ce qu’il aurait fallu, c’est une réforme qui s’attaque aux vrais obstacles à la prévention et qui permette de renforcer les effectifs et les moyens de la médecine du travail.
Alors que cinq cents médecins du travail partent ou vont partir cette année à la retraite, cent postes seulement sont ouverts à l’internat… Mais vous n’avez aucunement l’intention de relever le numerus clausus !
Les syndicats alertent depuis des années sur la situation catastrophique de la démographie médicale en médecine du travail ? Vous laissez faire et condamnez la profession à disparaître pour mieux soumettre cette activité au patronat...
Il est urgent que les employeurs prennent clairement conscience de leur responsabilité dans l’augmentation des maladies professionnelles, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Malheureusement, votre proposition de loi ne va pas dans ce sens. Mais nous présenterons des amendements tous destinés à responsabiliser les employeurs et à favoriser la reconnaissance de l’indépendance des médecins et des services de santé au travail.
Vous devriez avoir le courage de réformer la médecine du travail en en prenant le temps, en impliquant les professionnels et en mettant les entreprises face à leurs responsabilités.
Ce qu’il faut, c’est rendre la médecine du travail plus à même d’aider les salariés face, notamment, aux nouvelles formes de maladies professionnelles en renforçant l’indépendance des médecins et des équipes et faire en sorte que cette discipline soit aussi plus attractive pour de jeunes médecins.
Au final, une telle réforme servirait aussi les entreprises, qui économiseraient beaucoup sur le coût des arrêts de travail, accidents du travail et maladies professionnelles. Car cela aussi, la mission d’information sur le mal-être au travail l’a montré : avec un meilleur management, la santé au travail s’améliore !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
Je répondrai maintenant aux différents intervenants, car il est important d’engager le débat dès la discussion générale, mais cela ne dispensera pas le Gouvernement de répondre lors de la discussion des articles à toutes celles et tous ceux qui souhaiteraient l’interroger plus avant.
Madame le rapporteur, je vous remercie tout d’abord de la qualité du travail que vous avez réalisé au sein de la commission et des enrichissements que vous avez apportés à ce texte.
Je suis notamment sensible à votre souci de souligner le rôle que doivent jouer les services de santé au travail pour prévenir la consommation d’alcool et de drogues sur les lieux de travail. C’est un combat constant que vous menez : je me rappelle notamment ce débat sur le logo, le pictogramme, les étiquettes que vous aviez lancé à l’époque où Philippe Douste-Blazy était ministre de la santé, pour aboutir à des dispositions que j’ai mises en œuvre lorsque j’étais moi-même ministre de la santé, entre 2005 et 2007.
Je vous rejoins également sur votre initiative visant à compléter le régime de protection dont bénéficient les médecins du travail pour garantir leur indépendance. Je pense notamment à la rupture conventionnelle et à la rupture anticipée de contrat à durée déterminée ou même au cas de transfert ; nous aurons l’occasion d’y revenir.
Monsieur Godefroy, vous avez relevé que, depuis des années, les plans se succédaient en matière de santé et de sécurité au travail, mais que les résultats se faisaient attendre.
Permettez-moi de ne pas être sur la même ligne que vous : sur une longue période, le nombre d’accidents du travail mortels ou graves n’a cessé de diminuer, ce qui est une bonne nouvelle ! §Mais bien sûr que oui, monsieur Godefroy ! Ce n’est pas moi qui invente les chiffres ! Et je ne vous les donne pas pour me faire plaisir ! Il s’agit tout simplement de la réalité, et chacun ne peut que se réjouir de cette diminution.
Mais, vous avez raison, la prévention exige une vigilance permanente, notamment pour endiguer la progression des maladies professionnelles ; je pense tout particulièrement aux TMS, les troubles musculo-squelettiques. Tel est d’ailleurs l’enjeu du second plan Santé au travail pour la période 2010-2014, dont les objectifs en la matière sont ambitieux.
Ce plan vise à diminuer encore de 25 % le nombre d’accidents du travail pour la période 2010-2014 et à stopper la progression des maladies professionnelles, notamment des TMS - 40 000 nouveaux cas à la fin de l’année 2009.
Par ailleurs, en dépit du respect que je vous porte, vous le savez, monsieur le sénateur, il y a un autre point sur lequel je ne suis pas d’accord.
Vous avez dit que la France serait la dernière du peloton en matière de santé au travail. Je suis désolé, mais je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos, car ce n’est pas la réalité ! Et, si vous en êtes convaincu, à moi de vous prouver le contraire ! Franchement, ce n’est pas parce que l’on dit et que l’on répète quelque chose que c’est vrai ! La répétition ne vaut pas validation !
Je ne dis pas que tout est parfait, et j’ai d’ailleurs bien conscience que l’action publique vise en permanence à remédier à ce qui fait défaut, à ce qui pose problème. Mais, tout de même, cette réforme traduit la volonté de faire mieux. Cessons donc de dire que nous sommes les derniers !
Selon les statistiques d’Eurogip, nous avons le meilleur taux de reconnaissance des maladies professionnelles.
Attendez ! Si vous me laissez terminer ma démonstration, vous verrez que ce n’est pas autre chose !
Quant aux obligations de résultat qui sont celles des employeurs français en matière de santé et de sécurité au travail, elles vont très loin par rapport à celles qui pèsent sur les employeurs de la plupart des autres pays européens.
Enfin, nous sommes l’un des rares pays à s’être dotés d’une véritable organisation de la médecine du travail.
Nous parlons bien de la même chose, mais il faut considérer l’ensemble, en l’occurrence l’ensemble des données qui me sont fournies par Eurogip.
Avec de telles idées, qui ne correspondent ni à la réalité du monde du travail et de la santé au travail en France ni au regard que porte l’Europe sur notre pays, comment voulez-vous créer la confiance ? Je le répète, je ne dis pas que tout est parfait. D’ailleurs, si tel était le cas, nous n’aurions pas à porter ensemble ce texte.
Madame Laborde, vous avez soulevé la question de l’attractivité du métier de médecin du travail et vous avez eu raison de le faire. Cette question a d’ailleurs été largement abordée dans le rapport Dellacherie-Frimat-Leclercq de mai 2010. Comme le soulignent les auteurs de ce rapport, une part essentielle de la réponse réside dans la généralisation de la pluridisciplinarité. Les chiffres montrent, il est vrai, que ce n’est pas cette discipline qui est aujourd'hui choisie en premier.
Les derniers chiffres dont nous disposons datent de 2007 ; la médecine du travail arrive loin, très loin derrière toutes les autres disciplines de médecine, et ce tout sexe confondu, mais je reviendrai sur cette question.
À mon sens, la pluridisciplinarité devrait rendre l’exercice de cette profession plus attractif. C’est un point important pour attirer les étudiants lors de l’examen national classant. Je précise d’ailleurs que le nombre de postes a tout de même doublé en cinq ans : on est passé d’environ 60 postes chaque année sur la période 2004 à 2008 à 120 en 2010, et ce jusqu’en 2014.
Madame David, si vous me le permettez, je vous apporterai une petite précision, qui n’est pas purement sémantique.
La loi Larcher que vous avez citée – dans cette enceinte, cela a une résonance toute particulière !
Sourires
Pourtant, vous savez faire la différence entre accord et concertation. Nous sommes bel et bien sur une logique d’obligation de moyens, et non pas d’obligation de résultat.
M. Xavier Bertrand, ministre. Pas du tout, c’est ce que prévoient les textes !
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Je ne vous parle pas du MEDEF, je vous parle de la loi Larcher !
Au demeurant, vous savez également que l’autorité du président du Sénat, dans ses fonctions précédentes, n’a jamais fait l’objet de la moindre discussion au sein des partenaires sociaux, dans leur ensemble, et ce, j’ajouterai, quelle que soit leur couleur politique !
Concernant la médecine du travail, il y a eu sept séances de négociation et, malgré l’absence d’accord, le texte reprend nombre de points qui avaient recueilli un consensus parmi les partenaires sociaux, qu’il s’agisse des missions des services de santé au travail, de la pluridisciplinarité ou encore du souhait de mieux protéger des salariés qui ne sont pas suivis par les services de santé au travail ou qui le sont mal.
Je veux également dire à Mmes David et Blandin, ainsi qu’à M. Jean-Pierre Godefroy, qu’il n’y a pas eu de passage en force. Le Gouvernement a appliqué loyalement la loi Larcher en renvoyant précisément à la négociation interprofessionnelle. Nous étions les premiers à souhaiter que cette négociation aboutisse, mais, à défaut, après de multiples rapports et diverses concertations, nous avons pris nos responsabilités.
Passage en force ? Mais Éric Woerth a débattu une nuit de ce sujet durant de la réforme des retraites à l'Assemblée nationale !
Nous parlons de passage en force parce que le Gouvernement a procédé par amendements !
Vous donniez plutôt le sentiment que cette question n’avait été qu’effleurée ou, à tout le moins, qu’elle n’avait été abordée que de manière subreptice !
Je puis vous communiquer les chiffres concernant les débats, et vous pourrez certainement apprécier tant leur durée que leur qualité.
D’ailleurs, la discussion se poursuit aujourd’hui encore ! Alors, parler de passage en force…
En outre, les décrets d’application feront l’objet d’une concertation, et même d’une discussion au sein du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.
Vous parlez aussi d’une mainmise du MEDEF. Je pense qu’il faut avant tout accroître la responsabilité des employeurs en matière de santé des salariés. Sous couvert de renforcer la place des syndicats, veillez à ne pas réduire la responsabilité des employeurs !
Madame Kammermann, je tiens à vous remercier de votre soutien.
Vous avez raison de souligner l’apport des équipes pluridisciplinaires, qui doivent permettre d’améliorer le suivi de la santé au travail des salariés.
À l’instar de Mme Laborde, vous avez relevé que la médecine du travail souffre d’un manque d’attractivité, les choix des étudiants en médecine ne se portant pas en premier, loin s’en faut, sur la médecine du travail. Nous devons réfléchir à cette question et nous demander de quelle manière nous pouvons aujourd'hui renforcer cette attractivité.
Il n’y a pas de recette simple – cela se saurait !–, pas plus qu’il n’y a de solution unique qui émanerait de l’État ! Il faut que tous les acteurs se concertent, et les médecins du travail doivent nous dire de quelle manière ils peuvent, eux aussi, mettre davantage en valeur leur action. Cette profession n’est pas assez connue des étudiants ; nous devons tout faire pour qu’il en soit autrement.
Monsieur Vanlerenberghe, je partage un certain nombre des éléments que vous avez évoqués à propos de l’amiante. Contrairement à ce qui a été dit, les travaux parlementaires sur l’amiante montrent que la question de l’indépendance formelle des médecins du travail est importante. Voilà pourquoi j’ai souhaité réécrire l’article 1er et renforcer encore cette indépendance.
Selon moi, dans le contexte évoqué, l’efficacité de la médecine du travail implique une indépendance effective, l’expertise en matière de santé publique et, une fois encore, la pluridisciplinarité.
La question de l’amiante montre aussi l’importance de la connaissance ; en découle la création de l’AFSSET, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, qui est devenue l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, dont Philippe Bas vient d’être nommé président.
Il revient à cette agence d’éclairer, en toute indépendance, les pouvoirs publics sur les nanotechnologies, les fibres céramiques réfractaires ou les risques chimiques, afin d’éviter une nouvelle catastrophe.
Madame Blandin, je voudrais revenir sur l’un des points que vous avez évoqués, à savoir le « détricotage » du code du travail.
Détricotage ?
J’avais, moi, le sentiment qu’il s’agissait d’abord d’étendre le champ de la négociation collective. La loi Larcher, la réforme de la représentativité : êtes-vous contre ? Il s’agit aussi de renforcer ce que Gérard Larcher a appelé l’« ordre public social », notion à laquelle croit beaucoup le directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle, présent ce soir.
Un plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail, sans précédent dans son ampleur, et qui, me semble-t-il, a été salué par tous ; un plan Santé au travail qui, fruit d’une puissante concertation, a recueilli l’adhésion des partenaires sociaux ; la création de l’ANSES ; un plan anti-stress avec un volet prévention des risques psychosociaux. Et vous parlez de détricotage ? Je vois, moi, au contraire, un renforcement.
En réalité, il s’agit d’une politique nouvelle, assumée, cohérente, à laquelle je crois. Elle ne fait d’ailleurs l’objet que de peu de critiques et laisse même parfois perplexes, je tiens à le dire, un certain nombre d’organisations syndicales !
Madame Alquier, nous sommes très attachés, je le répète et je le répéterai encore, à l’indépendance. D’ailleurs, nous la renforçons et rien, dans le texte ne la remet en cause. Quel article, quel alinéa la remettrait en cause ? Dites-moi lequel, et nous en discuterons.
Vous souhaitez relever le numerus clausus. Faisons déjà en sorte qu’il soit aujourd'hui atteint.
Tels sont les points que je souhaitais évoquer et sur lesquels la discussion s’engagera lors de l’examen des articles. J’ai cru comprendre que les débats seront passionnés. En tout cas, j’en suis persuadé, ils seront passionnants !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions.
Je suis saisi, par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, d'une motion n° 53.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail (n° 233, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui fait suite à la décision du Conseil constitutionnel de censurer les dispositions concernant la médecine du travail introduites subrepticement, par voie d’amendements, dans la loi portant réforme des retraites.
En effet ! J’ai suffisamment participé aux débats sur le projet de loi portant réforme des retraites pour savoir de quoi je parle !
Mon cher collègue, je n’ai jamais prétendu qu’il n’y avait que moi dans l’hémicycle !
M. le président. Ne succombez pas à la tentation de répondre aux interruptions, mon cher collègue !
Sourires
Je le concède, il s’agit d’une censure sur la forme et non sur le fond, …
… le Conseil constitutionnel ayant considéré que ces dispositions n’avaient rien à faire dans une loi sur les retraites, des arguments que nous avions développés ici même, mais que ni le Gouvernement ni sa majorité n’avaient voulu entendre, ce qui est bien regrettable.
À la suite de cette décision, le Gouvernement s’était empressé d’annoncer par voie de presse qu’il déposerait dans les plus brefs délais un projet de loi intégrant ces dispositions. Avec l’initiative du groupe centriste, il n’aura pas eu à le faire. En effet, il n’aura fallu attendre que quelques jours pour qu’une proposition de loi en ce sens soit déposée.
Cet empressement nous interpelle, d’autant que, sous l’impulsion de notre président, Gérard Larcher, il a été suggéré que toutes les propositions de loi concernant le monde du travail soient soumises, pour avis, aux partenaires sociaux.
Il s’agissait, selon le président Larcher, de consulter les partenaires sociaux sur les propositions de loi à caractère social, …
… à l’image de ce qui existe depuis l’adoption de la loi de 2007 de modernisation du dialogue social, qui oblige le Gouvernement à consulter ces partenaires sociaux avant tout projet de réforme portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle.
Vous ne manquerez pas de m’objecter que ce sujet a déjà été longuement débattu. En effet, une négociation interprofessionnelle visant à réformer la médecine du travail a bien été engagée sur l’initiative du Gouvernement le 15 janvier 2009, qui faisait suite à la tenue de trois commissions tripartites sur les conditions de travail.
Mais vous n’êtes pas sans savoir que cette procédure s’est soldée par un échec, qui s’est traduit, en novembre 2009, par le refus de toutes les organisations syndicales d’approuver le texte proposé par les représentants du patronat.
Or c’est précisément ce texte, c’est-à-dire celui qui était voulu par les employeurs, et eux seuls, que le Gouvernement et les députés UMP ont tenté d’imposer dans la réforme relative aux retraites, et ce sont ces dispositions qui ont été considérées comme des cavaliers par le Conseil constitutionnel et qui ont été censurées. Au final, ce sont ces mêmes dispositions qui nous sont aujourd’hui soumises.
Je n’irai pas jusqu’à dire que nous examinons les seules propositions du patronat, mais à quelques exceptions près, avouez que nous n’en sommes pas loin !
C’est d’ailleurs ce constat qui a conduit les organisations syndicales à rejeter la proposition qui leur était faite d’ouvrir de nouvelles négociations. En effet, pour qu’il y ait négociation, encore faut-il que la base législative soumise à débat ne soit pas spécialement « clivante ». Malheureusement, tel n’est pas le cas. On comprend donc que les organisations syndicales, soucieuses d’une véritable négociation, aient refusé de débattre.
Je note, par ailleurs, que les organisations représentant les employeurs ont également renoncé à une réouverture des négociations, trop contentes que cette proposition de loi reprenne leurs propositions.
Je citerai notamment la réponse qu’a adressée, au nom de la CGPME, M. Jean-François Roubaud à la présidente de la commission des affaires sociales, notre collègue Muguette Dini : « Après examen attentif de cette proposition de loi, nous avons pu constater qu’elle reprenait quasi intégralement les dispositions des articles 63 à 77 du projet de loi portant réforme des retraites tels qu’ils avaient été adoptés par les assemblées parlementaires. » Il ajoute : « Nous avions porté un jugement positif sur ces articles. Nous ne considérons donc pas comme nécessaire la mise en œuvre d’une nouvelle négociation sur la médecine du travail ».
Tout est dit !
Curieuse conception du dialogue social que celle qui conduit à considérer qu’un texte qui reprendrait les propositions que l’on aurait formulées et qui n’auraient reçu le soutien ou l’approbation d’aucune organisation syndicale ne devrait pas faire l’objet d’une négociation, du seul fait que l’organisation patronale que l’on représente est satisfaite du contenu !
Alors, me direz-vous, une phase de consultation se concluant par un échec devrait suffire pour que le législateur intervienne. Nous prenons acte d’une telle position et espérons que vous vous en souviendrez quand, à l’avenir, nous déposerons des amendements destinés à rendre obligatoire la conclusion d’accords entre les partenaires sociaux.
Vous ne pourrez plus, monsieur le ministre, nous opposer votre traditionnelle confiance dans les partenaires sociaux pour trouver des points de consensus, puisque vous prenez aujourd’hui appui sur l’échec de la négociation pour intervenir.
En réalité, vous n’intervenez pas, vous vous contentez de soutenir la démarche d’un groupe parlementaire, celui de la majorité. On peut d’ailleurs s’interroger sur une telle situation. Je n’entends naturellement pas contester le droit d’initiative des parlementaires ; je me contente de souligner que le processus qui nous conduit à examiner, en ce moment, cette proposition de loi, vous permet, monsieur le ministre, de contourner une phase obligatoire de concertation avec les partenaires sociaux et d’éviter l’avis du Conseil d’État sur ce texte.
Toutefois, notre opposition à cette proposition de loi ne se limite pas à des questions de forme ; nous y sommes également opposés sur le fond.
Nous ne contestons pas la nécessité d’une véritable réforme de la médecine du travail. Les mutations technologiques et sociales, les nouveaux modes d’organisation, l’explosion des souffrances, le mal-être lié au travail – La Poste déplore, paraît-il, 70 suicides parmi ses salariés – qui découle de méthodes de management engendrant, chez les salariés, peur et sensation de ne pouvoir faire correctement leur travail, ne sont pas, actuellement, suffisamment pris en compte.
Les troubles musculo-squelettiques, les TMS, figurent, d’après les bulletins épidémiologiques hebdomadaires publiés par l’Institut de veille sanitaire, parmi les questions les plus préoccupantes liées à la santé au travail. Ils occupent la première place au sein des maladies professionnelles et, plus grave encore, demeurent la première cause de morbidité liée au travail, puisqu’ils sont à l’origine de la perte d’environ 7 millions de journées de travail chaque année.
Si, partout en Europe, on observe un mouvement identique, la France semble cependant en tête des pays européens quant au nombre de maladies professionnelles déclarées et reconnues, selon le rapport d’enquête Les maladies professionnelles en Europe – Statistiques 1990-2006 et actualité juridique, publié par Eurogip.
Certes, selon le rapport publié par la branche accidents du travail-maladies professionnelles de l’assurance maladie, le nombre d’accidents du travail enregistre une légère baisse. Ne perdons pas de vue cependant que ces chiffres sont dus essentiellement aux licenciements liés à la crise, plus particulièrement dans des secteurs comme le BTP ou la métallurgie, où l’on a observé une réduction de 20 % des effectifs salariés.
Le même rapport est en revanche plus alarmiste concernant les maladies professionnelles. En effet, malgré l’augmentation du chômage, elles ont fait un bond de 9 % en un an.
Face à ce constat inquiétant, les salariés de notre pays sont en droit de se demander de quelle manière la réforme que vous proposez pourra apporter une quelconque amélioration. Pour notre part, nous pensons qu’elle restera inopérante.
En effet, elle laisse de côté un facteur essentiel, je dirai même incontournable, celui de la démographie.
Comme le souligne notre rapporteur, notre pays compte aujourd’hui 6 800 médecins du travail, dont plus de 55 % ont plus de cinquante-cinq ans. Ainsi, 4 000 médecins auront atteint ou dépassé l’âge légal de départ à la retraite d’ici à cinq ans et plus de 5 600, soit près de 80 % de la population totale des médecins du travail, d’ici à dix ans. Autant dire qu’il y a urgence à agir.
Pourtant, malgré l’impérieuse nécessité de renforcer le nombre de médecins du travail, confortée par le rapport Conso-Frimat de 2007, rien n’est fait pour rendre cette discipline plus attractive.
La seule proposition formulée pour faire face à la pénurie qui s’annonce se limite à confier une partie des activités de santé au travail à des médecins généralistes qui, de fait, ne disposent pas de la formation et des compétences particulières propres aux opérations de prévention et d’action de santé au travail. Ainsi, souvenons-nous que, dans les cas de cancers liés à l’exposition à l’amiante, rares ont été les médecins généralistes à faire le lien entre l’état de santé des patients et leurs activités professionnelles.
Ce n’est pas en niant la spécificité de l’exercice de la médecine du travail qu’on revalorisera celle-ci ou que l’on prendra la pleine mesure des besoins des salariés dans ce domaine.
En outre, le mode de gouvernance choisi par le MEDEF et retenu dans cette proposition de loi donne tout pouvoir aux employeurs. Une telle situation résulte, mes chers collègues, de votre décision de retenir comme mode de gestion un faux paritarisme.
Si le conseil d’administration des services de santé au travail interentreprises est composé à parité de représentants des salariés et de représentants des employeurs, c’est bien à ces derniers que reviennent la présidence et la voix prépondérante. Pour reprendre une formule utilisée par la FNATH et l’ANDEVA dans un communiqué de presse, et que je trouve fort à propos, cela revient à « confier les clés du poulailler au renard ».
Sourires
J’ai d’ailleurs entendu en commission des affaires sociales des arguments des plus inquiétants.
À en croire certains collègues de la majorité sénatoriale, il serait naturel que les employeurs disposent d’une voix prépondérante, président les services de santé au travail et fixent les objectifs de ces derniers, au motif qu’ils les financeraient ! Ce point de vue a d’ailleurs été exprimé au cours du débat. Toutefois, c’est bien vite oublier que, s’ils financent ces services, c’est que leur responsabilité est bien souvent en cause dans la dégradation de l’état de santé de leurs salariés. De la direction des services de santé à leur limitation, notamment par le biais du recentrage de la médecine du travail sur des priorités, il n’y a qu’un pas, si l’on en croit l’adage « qui paye décide. »
Mes chers collègues, à ce stade, nous n’avons qu’une seule question à nous poser : que serait-il advenu des contaminations liées à l’amiante si les employeurs avaient disposé des pouvoirs que vous entendez leur confier aujourd’hui ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.
Aujourd’hui, alors que les troubles psychosociaux en milieu professionnel explosent – c’est la maladie du xxie siècle –, principalement en raison d’un mode d’organisation et de management du travail entièrement tourné vers le profit et à l’origine de terribles ravages – la mission d’information sur le mal-être au travail l’a prouvé – croyez-vous sincèrement que les employeurs, qui sont en la matière trop souvent dans le déni, feront de la lutte contre la souffrance au travail une priorité ? Croyez-vous qu’ils feront de cette problématique de santé publique une priorité de la médecine du travail, alors même que cela suppose une remise en cause sans précédent de leurs modèles de gestion des compétences humaines ?
Je crains que tel ne soit pas le cas ! Pour notre part, croyez-moi, mes chers collègues, nous allons nous pencher sur le problème du suicide au travail, car il nous faut affronter cette réalité.
Ces réflexions nous conduisent – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé cette motion –, à nous interroger sur la conception que vous vous faites de la médecine du travail.
À l’occasion de la réforme des retraites, nous avons compris que, pour vous, le droit à la reconnaissance de la pénibilité se bornait à un simple constat de la situation d’invalidité du salarié. J’en veux pour preuve le projet de décret communiqué aux partenaires sociaux, qui prévoit que, pour les seuils d’incapacité compris entre 10 % et 20 %, aucun départ anticipé à la retraite ne pourrait être envisagé si le salarié ne fait pas la démonstration – particulièrement difficile ! – d’une exposition de 17 ans à des facteurs de risque.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.
Dans un tel contexte, je comprends que vous n’ayez plus besoin d’une médecine du travail prédictive et préventive, celle-ci n’étant plus dès lors considérée par le patronat que comme un coût supplémentaire venant grever un travail prétendument trop cher.
Une alarme retentit dans l’hémicycle.
Veuillez conclure, monsieur Fischer. Cette sonnerie indique simplement que votre temps de parole est écoulé.
M. Guy Fischer. Après les afficheurs de chronomètres, un signal sonore ? C’est une première ! Je ne savais même pas qu’un tel dispositif était installé dans l’hémicycle.
Rires
Mais je termine, monsieur le président.
En 1946, l’instauration de la médecine du travail était adoptée à l’unanimité. En 2011, la proposition de loi que nous sommes appelés à examiner n’est approuvée que par ceux qui se voient confier tous les pouvoirs, c'est-à-dire le patronat. Elle divise jusqu’à la majorité, nous l’avons vu en commission des affaires sociales.
La santé des salariés de notre pays mérite que s’ouvre un vrai débat public, débouchant sur une loi à la fois de consensus et de progrès. Nous en sommes loin !
Le groupe CRC-SPG estime que l’adoption de cette question préalable constituerait une nouvelle chance de moderniser la médecine du travail. C’est la raison pour laquelle, chers collègues, nous vous invitons à l’adopter.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions de la proposition de loi reprennent, il est vrai, celles qui ont été censurées par le Conseil constitutionnel, mais pour des raisons de forme, des dispositions que le Sénat avait déjà approuvées le 26 octobre dernier.
Chacun en est bien conscient, la réforme de la médecine du travail est nécessaire et urgente. On « nuirait » donc à la santé de salariés, pour reprendre les termes des auteurs de la motion, si la médecine du travail n’était pas très vite réformée, pour fixer ses missions dans la loi, encadrer la pluridisciplinarité en accordant une place prépondérante au médecin du travail, ou encore prévoir que le conseil d’administration sera composé à parts égales de représentants des salariés et des employeurs.
Enfin, monsieur Fischer, je vous rappelle que la proposition de loi a bien été soumise aux partenaires sociaux. Le seul point de désaccord, quand il y en a un, concerne la gouvernance, c'est-à-dire l’article 3.
La CGT et la CFDT ont d’ailleurs écrit à Mme la présidente de la commission des affaires sociales. Permettez-moi de citer un passage de cette lettre : « Heureusement, la réaffirmation du principe de pluridisciplinarité, l’inscription des missions des services de santé au travail dans la loi, l’émergence d’un pôle régional de responsabilité, vont dans le bon sens. »
Pour ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cette question préalable.
Monsieur le président, ayant expliqué ma position à l’issue de la discussion générale, je pense que M. Fischer ne sera pas surpris que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cette motion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après réflexion, nous voterons la question préalable déposée par nos collègues du groupe CRC-SPG. Pour autant, nous pensons, dans le droit fil de la position que nous avions adoptée au moment de l’examen de la partie consacrée à la médecine du travail du projet de loi portant réforme des retraites, que ce sujet mérite d’être débattu, sans doute en nous référant à un texte autre que celui qui nous est ici proposé.
Je le répète, madame le rapporteur, nous aurions adopté une attitude différente si l’on nous avait proposé le texte issu du vote du Sénat.
Je regrette que vous n’ayez pas retenu ce texte. Ayant participé à la commission mixte paritaire, je peux vous dire que c’est essentiellement sous la pression de nos collègues de l’Assemblée nationale que le texte a été modifié.
Il eût été préférable que le Sénat s’en tienne à ce qui avait fait l’objet de très longs débats. Si l’examen des treize articles a duré une nuit à l’Assemblée nationale, au Sénat, il s’est déroulé sur plusieurs jours. Nous étions parvenus à intégrer – bien souvent avec l’accord d’Éric Woerth, alors ministre du travail – un certain nombre de modifications positives.
Je regrette donc vraiment que le texte qui nous est proposé ne soit pas celui du Sénat. Cela m’incitera à voter la motion de nos collègues.
J’en viens à la gouvernance et à vos propos sur les organisations syndicales. Pour les avoir auditionnées de nouveau depuis quelques jours, j’ai pu le constater, leurs appréciations sont divergentes et la gouvernance n’est pas le seul sujet à poser problème.
Les médecins du travail expriment, sur la gouvernance, une appréciation parfois un peu divergente de celle des organisations syndicales mais, surtout, ils restent très inquiets pour leur indépendance. Il nous revient de les rassurer.
Quant à l’adage auquel vous avez eu recours, madame le rapporteur, le « qui paie commande », sachez qu’il me révulse.
Dans la médecine du travail, si les employeurs paient, c’est parce qu’ils sont contraints par la loi à verser une contribution pour assurer la santé et la sécurité de leurs salariés. Cela ne leur donne aucun droit de propriété ! C’est une contribution à la santé de 16 millions de salariés et non un droit de propriété sur la santé des travailleurs !
C’est une cotisation que les employeurs mettent à la disposition de la société tout entière. Il s’agit d’une contribution d’ordre public qui n’est en rien la marque d’une appropriation privée de la médecine du travail.
J’ajouterai deux précisions sur le « qui paie commande ».
Je connais bien le problème de l’amiante et j’ai travaillé dans une entreprise de construction navale où la médecine du travail était intégrée. Le principe « qui paie commande » y était appliqué. Or la construction navale concentre précisément les entreprises où les victimes de l’amiante sont les plus nombreuses…
Au surplus, appliqué en matière de santé publique, le principe est extrêmement dangereux ! Je l’affirme en tant que rapporteur adjoint de la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante, dont le président, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, approuvera mes propos.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe le confirme.
En tant que président de la mission d’information sur le mal-être au travail, j’ajouterai que, appliquer ledit principe aux troubles psychosociaux chez France Télécom, au technopôle de Renault ou à La Poste, et sachant le nombre des suicides qui sont à déplorer aujourd’hui, c’est donner presque un aval aux propos tout à fait désastreux de l’ancien président de La Poste qui, au sujet des suicides, parlait d’un « effet de mode » !
Qui paie ne commande pas en matière de santé ! Qui paie ne commande pas en matière de sécurité des salariés !
Il est dommage qu’un tel propos puisse être retenu comme argument dans un débat qui concerne la médecine du travail.
Je voterai, bien sûr, cette motion.
J’ajouterai néanmoins quelques remarques sur le principe selon lequel qui paie décide.
En matière de santé et d’accidents du travail, très souvent, le patronat refuse de payer. Il freine des quatre fers chaque fois que les salariés invoquent la responsabilité de l’employeur, que ce soit à titre individuel, en cas d’accident ou de maladie, ou à titre collectif, dans le cas de l’amiante, par exemple.
Le patronat a toujours essayé de limiter sa responsabilité et d’aucuns n’hésitent pas à imputer les accidents du travail aux salariés eux-mêmes. On entend ce type de propos, même dans la bouche de certains parlementaires.
On le sait très bien, le patronat ne reconnaît sa responsabilité que contraint. Or, si le patronat ne paie pas, qui paie pour les conséquences de la mauvaise santé, le décès voire les suicides de salariés, puisque, aujourd’hui, telle est la forme que prend leur désespoir ? Ce sont les salariés, nos concitoyens, c’est-à-dire les contribuables !
On ne peut pas considérer que, parce que le patronat paie une contribution pour la santé au travail, il a le droit de décider. C’est totalement incongru !
Mes chers collègues, le terme exact est sans doute « l’entreprise », plutôt que « l’employeur », comme l’a fait observer tout à l’heure M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 53, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du texte élaboré par la commission.
La motion n'est pas adoptée.
En conséquence, nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Les articles L. 4622-2 et L. 4622-4 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-2. – Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. À cette fin, ils :
« 1° Conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
« 2° Conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;
« 3° Assurent la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;
« 4° Participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire. » ;
« Art. L. 4622-4. – Dans les services de santé au travail autres que ceux mentionnés à l’article L. 4622-7, les missions définies à l’article L. 4622-2 sont exercées par les médecins du travail. Ils agissent en toute indépendance et en coordination avec les employeurs, les membres du comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel, les intervenants en prévention des risques professionnels et les personnes ou organismes mentionnés à l’article L. 4644-1. » ;
2° La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie est complétée par trois articles L. 4622-8, L. 4622-9 et L. 4622-10 ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-8. – Les missions des services de santé au travail sont assurées par les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire comprenant des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent être complétées d’assistants des services de santé au travail et de professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail coordonnent l’équipe pluridisciplinaire et prescrivent ses interventions.
« Art. L. 4622-9. – Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes.
« Art. L. 4622-10. – Les priorités des services de santé au travail sont précisées, dans le respect des missions générales prévues à l’article L. 4622-2 et en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service, d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents, d’autre part, après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
« Les conventions prévues à l’article L. 422-6 du code de la sécurité sociale sont annexées à ce contrat.
« La durée, les conditions de mise en œuvre et les modalités de révision du contrat d’objectifs et de moyens sont déterminées par décret. » ;
3° L’article L. 4622-8 devient l’article L. 4622-15 ;
4° L’intitulé du chapitre IV du même titre II est ainsi rédigé : « Actions et moyens des membres des équipes de santé au travail » ;
5° Le même chapitre IV est complété par un article L. 4624-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624-4. – Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail ainsi que les conditions d’application du présent chapitre. » ;
6° Le titre IV du livre VI de la quatrième partie est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Aide à l’employeur pour la gestion de la santéet de la sécurité au travail
« Art. L. 4644-1. – I. – L’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
« À défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités, l’employeur peut faire appel, après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, en son absence, des délégués du personnel, aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative, disposant de compétences dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail.
« L’employeur peut aussi faire appel aux services de prévention des caisses de sécurité sociale avec l’appui de l’Institut national de recherche et de sécurité dans le cadre des programmes de prévention mentionnés à l’article L. 422-5 du code de la sécurité sociale, à l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et son réseau.
« Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes et organismes mentionnés ci-dessus. Ces conditions sont déterminées par un décret en Conseil d’État.
« II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »
I bis
II. – L’habilitation d’intervenant en prévention des risques professionnels délivrée avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi vaut enregistrement, au sens de l’article L. 4644-1 du code du travail, pendant une durée de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi.
III. – À l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime sont réputées caduques.
L’article 1er de la proposition de loi relative à la médecine du travail, s’il ne reprend pas exclusivement le texte élaboré par le MEDEF, s’en inspire largement et constitue donc une manifestation de mépris à l’égard des organisations syndicales et des salariés, à qui vous imposez des mesures qui n’ont pas fait l’objet d’accord entre partenaires sociaux.
Et, si accord il n’y a pas eu, c’est qu’il demeure d’importantes divergences portant sur des sujets aussi sensibles et aussi importants que la périodicité des visites médicales, la procédure d’inaptitude, le financement ou encore la gouvernance des services de santé au travail.
Il ne s’agit pas là d’une mince affaire et nous sommes convaincus que, sur un sujet comme celui-ci, il est de notre responsabilité de tout faire pour trouver des points d’accord entre les partenaires sociaux.
Voilà pour la forme. Or le fond nous mécontente également. En effet, avec l’article 1er, vous affirmez vouloir définir les missions des services de santé au travail et réformer leur organisation afin – je cite le rapport de notre collègue Anne-Marie Payet – de « définir un cadre d’intervention commun à l’ensemble des acteurs, sans modifier les missions historiquement attribuées aux médecins du travail ».
Compte tenu de l’état actuel de la médecine du travail et de sa nécessaire adaptation aux pathologies nouvelles, dont le nombre augmente de façon exponentielle – je vise, chacun l’aura compris, les troubles psychiques liés au travail, dont nous venons de parler –, personne ne saurait évidemment s’opposer à un tel projet.
Il faut, d’ailleurs, reconnaître qu’une réforme de la médecine du travail est incontournable, ne serait-ce qu’en raison d’une part, des problèmes de démographie médicale, déjà longuement évoqués par mes collègues, et, d’autre part, de la situation de la France en matière de santé au travail, car, rappelons-le, notre pays n’est pas le mieux positionné au plan européen.
La réalité est toute différente.
Monsieur le ministre, votre gouvernement fait le choix de placer la médecine du travail non sous l’impulsion du médecin du travail, mais sous la responsabilité des directeurs de services de santé au travail qui sont, chacun le sait, placés en situation de dépendance financière vis-à-vis des employeurs.
L’exercice de la médecine du travail exige une liberté totale. Les médecins du travail, tout comme l’ensemble des membres de l’équipe pluridisciplinaire, doivent pouvoir agir en toute autonomie, librement, sur le fondement des témoignages qu’ils reçoivent lors de leurs consultations, des constats qu’ils formulent ou des enquêtes de santé publique au travail.
Or la rédaction actuelle pose le principe d’un lien de subordination du médecin à l’employeur, via le directeur du service de santé au travail. Le médecin devient en quelque sorte un exécutant, comme s’il appartenait aux employeurs de missionner les médecins du travail ! Or ces derniers n’ont qu’une mission, éviter l’altération de la santé au travail des salariés. Je doute fort que les employeurs, qui ne disposent d’aucune compétence particulière en la matière, soient les mieux placés pour les aider dans cette mission…
Certains de nos collègues croient d’ailleurs que l’employeur à toute légitimité à agir ainsi, puisque la loi, y compris le code pénal, prévoit une obligation de résultat quant à la préservation de la santé du salarié. Ils se trompent ! Cette obligation vise la réduction des risques, c’est-à-dire que l’employeur ne peut pas exposer ses salariés à des situations pouvant altérer leur santé.
Alors, pourquoi une telle tutelle ? Sans doute pour réduire le champ de compétence et d’intervention de la médecine du travail. L’air de rien, les médecins du travail perdent ce que l’on pourrait appeler une clause de compétence générale, afin de se concentrer – comme le prévoit l’alinéa 12 de cet article – sur des « priorités ».
Ces priorités sont définies par l’employeur, c’est-à-dire celui qui missionne le service de santé au travail et le rémunère, mais aussi celui qui expose les salariés à de potentielles atteintes à la santé.
Il y a là un conflit d’intérêt évident que nous ne pouvons accepter.
Les partenaires sociaux développent, d’ailleurs, des propositions alternatives, comme la création d’un corps de médecins du travail financé et rattaché au ministère de la santé ou à la sécurité sociale, à l’image de ce qui existe pour les médecins experts.
Il aurait fallu prendre le temps d’étudier ces propositions avant de légiférer. C’est pourquoi nous voterons contre cet article, dont, par ailleurs, nous proposons la suppression.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 18, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’article 1er, dont nous considérons que la rédaction ne prend pas la pleine mesure de ce que devrait être une réelle et ambitieuse réforme de la médecine du travail.
J’ajouterai quelques arguments complémentaires à ce qui vient d’être dit.
En effet, comment pouvez-vous avoir pour ambition de réformer la médecine du travail quand vous imposez aux représentants des salariés une réforme qu’ils n’ont pas voulue, de surcroît sans vous interroger sur le travail lui-même ?
S’il existe des médecins du travail, ce n’est pas parce que les salariés sont malades sur leur lieu de travail, mais bien parce que leur travail les rend malades, à moins que le travail ne soit malade lui-même…
De plus, vous entérinez le principe d’une médecine du travail aux ordres des employeurs, à qui il reviendrait de définir les missions des services de santé au travail et de prévoir leur financement. Autant dire que tout cela sera inscrit dans d’étroites limites et que les équipes pluridisciplinaires n’auront d’autre possibilité que de s’y conformer.
Et, pour que les choses soient bien claires, cet article prévoit expressément qu’il s’agit avant tout de mettre en œuvre des priorités au sein de ces missions.
Vous ne vous arrêtez pas là et considérez que l’employeur peut nommer un ou plusieurs salariés de l’entreprise pour intervenir dans un domaine qui, cela va de soi, exige un certain nombre de compétences particulières.
En commission – et j’en remercie madame le rapporteur –, vous avez admis ce point et accepté un de nos amendements qui a pour objet de permettre à ces salariés de bénéficier d’une formation en ce domaine. Nous nous en réjouissons.
Là encore, la question de l’indépendance est primordiale. Si le lien de dépendance entre les différents acteurs des services de santé au travail est indirect, il est, en revanche, évident pour ces salariés, placés en situation de subordination.
On voit mal comment, alors qu’ils ne bénéficient pas de protections particulières, ils pourraient oser proposer des interventions non approuvées par l’employeur.
De la même manière, s’il est heureux que le médecin du travail bénéficie d’une protection particulière vis-à-vis de l’employeur pour lequel il intervient, il n’est pas acceptable que les autres membres de l’équipe pluridisciplinaire ne bénéficient pas de cette protection.
Si l’on souhaite que la constitution de telles équipes soit une véritable chance pour les salariés, qui peuvent alors bénéficier d’une prise en charge globale, il faut prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que leurs interventions ne puissent jamais être guidées par d’autres intérêts que ceux des salariés.
Le schéma d’organisation que vous prévoyez, chers collègues, opère un basculement encore jamais vu, entre une médecine du travail dédiée aux salariés, telle qu’elle fut imaginée en 1946, M. Guy Fischer l’a rappelé, et une médecine du travail de l’entreprise.
Cette dépossession pourrait se définir comme une précarisation et une reprise en main par le patronat de la médecine du travail, ce qui n’est souhaitable ni pour les salariés de notre pays ni pour nos entreprises.
Ce sont toutes ces raisons qui nous amènent à vous proposer la suppression de cet article.
M. Roger Romani remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.
Cet amendement vise à supprimer complètement l’article 1er de la proposition de loi, ce qui est clairement contraire à la position adoptée par la commission.
Les auteurs de l’amendement mettent en avant de supposées carences dans la négociation collective.
De ce point de vue, les syndicats sont, certes, le plus souvent opposés à l’article 3 de la proposition de loi, qui concerne la gouvernance, mais pas à l’article 1er.
La CGT et la CFDT ont ainsi publié une lettre commune dans laquelle les deux syndicats approuvent la définition des missions et le principe de la pluridisciplinarité. Ce sont justement les éléments essentiels de l’article 1er.
La commission émet donc un avis défavorable.
Comment peut-on prétendre défendre l’avenir de la médecine du travail et demander la suppression de cet article 1er ? C’est impossible !
L’avis du Gouvernement est défavorable.
Monsieur le ministre, vos arguments sont un peu courts !
Quant à la lettre commune que la CGT et la CFDT ont fait parvenir aux commissions des affaires sociales des deux assemblées et à laquelle Mme le rapporteur s’est référée par deux fois, elle est accessible sur les sites de ces deux organisations syndicales : elle est publique et je l’ai donc lue aussi !
S’il est vrai que les auteurs de la lettre commencent par approuver « en effet pour l’essentiel le principe et le contenu de la définition par la loi des missions des SST assis sur une pluridisciplinarité effective », ils émettent des réserves dans la suite du paragraphe, pour terminer ainsi : « La proposition doit donc être infléchie en conséquence. »
Ces réserves ont notamment trait à l’indépendance de l’équipe pluridisciplinaire et aux moyens dont elle disposera pour jouer véritablement le rôle qui sera le sien aux côtés des travailleurs.
Or, si l’article 1er reste en l’état, c'est-à-dire si les amendements que nous proposons pour l’améliorer ne sont pas adoptés, on sait très bien que l’équipe pluridisciplinaire ne pourra pas jouer son rôle puisqu’elle sera, qu’on le veuille ou non, cantonnée dans des missions et soumise à des priorités qui auront été définies par le directeur des services de santé au travail, qui lui-même est sous la coupe du patronat puisque c’est le président du conseil d’administration élu dans le collège employeur qui aura voix prépondérante pour la définition de ces missions et de ces priorités.
Cessez donc, madame le rapporteur, monsieur le ministre, de jouer aux aveugles ou aux sourds. Vous savez parfaitement qu’il n’y a pas que les dispositions relatives à la gouvernance qui sont contestées : aucune organisation syndicale n’approuve cet article 1er tel qu’il est rédigé et il n’y a pas que l’article 3 qui pose problème, loin de là !
La médecine travail se trouve dévoyée, elle qui avait à l’origine pour mission la préservation de la santé au travail.
Monsieur le ministre, vous pouvez répéter à l’infini que l’indépendance des médecins du travail est réaffirmée et que votre gouvernement est attaché à la médecine du travail. Si c’était vrai, c’est à un grand débat qu’aurait dû donner lieu ce sujet de société et de santé publique, et non pas à une discussion « à la sauvette » qui ne mobilise qu’un petit nombre de sénateurs.
Le ministre n’est en rien responsable de la présence ou de l’absence des parlementaires !
Vous auriez dû reprendre les négociations avec toutes les organisations syndicales et vous attacher à trouver un accord avec l’ensemble des partenaires sociaux et non pas seulement avec les organisations patronales.
Ne prétendez donc plus que la santé des travailleurs a de l’importance pour vous, parce qu’elle n’en a pas. Scandale de l’amiante, éthers de glycol, produits cancérigènes que les salariés inhalent à longueur de journée…
… ce qui vous importe, ce n’est pas la santé des travailleurs, c’est la bonne santé économique des entreprises !
Mme Annie David. Or on sait très bien que la bonne santé économique des entreprises ne prend pas en compte la santé des travailleurs.
Mme Catherine Procaccia proteste.
Pour ma part, je veux prendre en compte et la santé des travailleurs et la santé économique des entreprises !
Mme Annie David. Du reste, vous ne défendez même pas la santé économique des entreprises : vous préférez défendre les intérêts des actionnaires et de tous ceux qui détournent les profits engendrés par la productivité des travailleurs !
M. Alain Gournac proteste.
Mme Annie David. … il n’empêche que la médecine du travail méritait de faire l’objet d’un projet de loi porté et validé par l’ensemble des partenaires sociaux et pas seulement par le patronat !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
D’abord, nous nous intéressons, nous aussi, à la santé des travailleurs.
Ensuite, c’est bien dévaloriser le rôle du Parlement que de ne pas reconnaître la valeur d’une proposition de loi et de son examen. Je trouve cette attitude complètement inconséquente !
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Conduisent pendant la durée d'activité professionnelle et pendant celles d'inactivité, des actions de santé au travail dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel et de prévenir ou de diagnostiquer la dégradation de l'état de santé des salariés après leur activité, du fait de la réalisation de celle-ci ;
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Cet amendement a pour objet d’étendre la responsabilité des employeurs aux périodes d’inactivité, que celles-ci soient la conséquence de périodes de chômage ou de l’ouverture des droits à la retraite.
Nous considérons en effet que la responsabilité des employeurs en matière de santé au travail ne doit pas s’arrêter une fois que le salarié n’est plus comptabilisé dans l’effectif de l’entreprise. Rien, sur le fond, ne justifie que la médecine du travail, qui a vocation à évaluer les risques liés au travail, à les quantifier et à établir leurs causes, à les prévenir ou, en dernier ressort, à soigner, se désintéresse du sort des salariés une fois que ces derniers ne sont plus présents dans l’entreprise. En effet, même s’ils ne vont plus sur le chantier ou à l’usine, les maladies qu’ils y ont contractées les suivent jusqu’à leur domicile ou dans leur nouvel emploi.
Si les principes de mutualisation du risque permettent, du point de vue financier, d’éviter qu’une entreprise n’ait à supporter le poids économique des atteintes à la santé qui se sont produites à l’occasion de la précédente activité – il s’agit des mesures concernant le compte spécial –, rien ne garantit aujourd’hui le respect pour le salarié du principe de la « traçabilité des expositions ».
Pour mémoire, les règles en matière d’inscription au compte spécial prévoient que les conséquences des maladies professionnelles sont portées au compte spécial lorsque la maladie a été constatée dans un établissement dont l’activité n’expose pas au risque mais a été contractée dans une autre entreprise.
Or, curieusement, si l’on comprend que l’exposition des salariés à des facteurs dangereux peut avoir des conséquences économiques pour le nouvel employeur, on n’en tire aucune conséquence du point de vue de la santé des salariés.
Nous savons tous pertinemment que les médecins du travail, face à l’importance de leur tâche, ont tendance à se spécialiser en fonction des risques reconnus ou qui surviennent régulièrement dans les entreprises où ils interviennent.
Faire reposer le dépistage d’une maladie professionnelle contractée lors d’une précédente activité à un médecin du travail qui n’a jamais rencontré, et n’est normalement pas appelé à le faire, de telles pathologies, c’est prendre le risque d’un dépistage tardif, et donc d’une réduction de chance de guérison pour le patient.
Aussi proposons-nous par cet amendement que le salarié qui le souhaite puisse continuer à bénéficier du service de santé au travail de son employeur précédent.
L'amendement n° 2, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et en vue d'éviter la survenue de pathologies à effet différé
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Cet amendement a pour objet de mentionner, parmi les actions que conduisent les services de santé au travail, la prévention des pathologies à effet différé.
L’article 1er indique en effet que les SST ont pour mission de suivre les travailleurs tout au long de leur parcours professionnel.
L’objectif est d’éviter toute altération de la santé du fait du travail, et la commission a apporté à cet égard d’utiles précisions, que nous avons d’ailleurs votées.
Cet amendement de précision est fondé notamment sur l’expérience acquise en matière d’exposition à des substances cancérogènes.
Les expositions à l’amiante, aux éthers de glycol, à des poussières de bois ou de ciment, à des adjuvants chimiques, dans l’agroalimentaire, par exemple, provoquent des pathologies qui peuvent se déclarer jusqu’à trente-sept ans après le moment d’exposition.
On peut aussi citer le développement de troubles articulaires après la cessation d’activité, troubles qui aboutissent à de véritables handicaps.
Le travail en horaires décalés de nuit accroît également, dans des proportions importantes, les risques de survenance de troubles par rapport à un même travail effectué de façon diurne.
Le Conseil économique, social et environnemental a rendu en juillet 2010 un avis sur le travail de nuit, qui touche aujourd’hui un salarié sur cinq.
Le CESE souligne que le travail prolongé la nuit présente des dangers pour la santé et devrait rester l’exception. Il propose de renforcer la surveillance médicale, notamment pour les salariés de plus de cinquante ans, et de développer la surveillance épidémiologique afin d’améliorer les connaissances sur les risques à long terme.
Il faut ajouter à ces éléments les effets physiques et psychiques du stress, qui conduisent à la consommation excessive de tabac, de drogue et d’alcool, addictions que notre rapporteur a fort justement soulignées et dont il est inutile de rappeler les conséquences sur la mortalité.
Pour autant, la plupart de ces facteurs ne se traduisent pas toujours immédiatement par une atteinte à la santé des travailleurs ; ils peuvent même être inconnus avant que des travailleurs ou d’anciens travailleurs développent des pathologies.
Il nous paraît donc souhaitable que les SST se préoccupent de ces effets différés, que ce soit par la recherche ou par la communication des observations faites par les praticiens. À partir des données recueillies, ils pourront alerter si nécessaire les branches professionnelles sur les risques à long terme quand ils constatent l’apparition de pathologies afférentes.
Sans doute pourraient-ils par ce progrès éviter de nouveaux drames coûteux en vies humaines, en souffrances, et aussi coûteux financièrement.
L’amendement n° 19 rectifié prévoit une nouvelle rédaction pour définir le but des actions conduites par les services de santé au travail, afin de l’étendre notamment aux durées d’inactivité et aux pathologies à effet différé.
D’abord, la formulation retenue est imprécise. Que signifie en effet le terme : « inactivité » ?
Ensuite, j’estime que pointer uniquement les pathologies à effet différé peut avoir une conséquence négative, alors même que la médecine du travail doit éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, définition globale qui est préférable.
En outre, les auteurs de l’amendement ne mentionnent que des « travailleurs », et non plus des « salariés », ce qui est surprenant en même temps que réducteur.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 2 entendent viser spécifiquement les pathologies à effet différé.
Je ne vois pas ce que cette précision apporte au texte, si ce n’est qu’elle exclut implicitement les autres pathologies et permet de faire le lien avec le débat sur les retraites, alors que, prétendument, il n’y a pas de relation entre les deux sujets.
La commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. Xavier Bertrand, ministre. L’amendement n° 19 rectifié me paraît avoir été satisfait dans le cadre de la réforme des retraites, raison pour laquelle j’y suis défavorable, mais ses auteurs seront-ils, eux, satisfaits par cette argumentation ?...
Sourires
Je précise donc que la loi portant réforme des retraites renforce en effet les obligations de l’employeur, notamment en matière de suivi des expositions des travailleurs à certains facteurs de risque.
La fiche d’exposition doit être communiquée non seulement au service de santé au travail mais aussi au salarié à son départ de l’entreprise, y compris en cas d’arrêt de maladie, ce qui facilite le suivi médical en dehors de l’entreprise.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 2, parce que, sans minimiser la problématique, que je n’ignore pas, l’intervention des services de santé au travail s’inscrit dans un rôle plus global, les actions qu’ils conduisent visant tous les risques présents dans les entreprises.
Mme Annie David. Pour une fois, les explications de M. le ministre me conviennent.
Sourires
Nouveaux sourires
Alors que Mme Payet reproche à notre amendement d’être mal rédigé et aux termes « périodes d’inactivité » de ne pas signifier pas grand-chose – nous avons pourtant expliqué qu’il pouvait s’agir de la retraite –, M. le ministre rappelle à juste titre que les mesures relatives au suivi médical des travailleurs après l’emploi ont été intégrées dans le projet de loi portant réforme des retraites, plus précisément dans son article 25.
Ces dispositions peuvent nous donner satisfaction, mais en partie seulement, car, me semble-t-il, notre amendement est plus complet, et peut-être même complémentaire, raison pour laquelle nous le maintenons.
M. Xavier Bertrand, ministre. Quelle déception !
Sourires
J’ai bien entendu les arguments de M. le ministre sur le rôle plus large des SST. Je rappelle cependant que les pathologies à effet différé concernent 16 millions de travailleurs.
Par l’intermédiaire de la médecine du travail, on pourrait donc véritablement voir large ! Nous nous étions depuis longtemps mis d’accord avec Mme Payet pour mentionner les addictions à l’alcool et à la drogue dans le texte ; la question des pathologies à effet différé est aussi grave.
Le stress au travail, tel qu’il se développe aujourd’hui, aura des effets dans les années à venir. Il ne faudrait pas qu’aujourd’hui nous nous voilions la face, en considérant que cette question devra être traitée de façon plus large, un jour. Nous savons bien que c’est dans le milieu du travail que les effets du stress sont le plus ressentis, au point de parfois conduire à des suicides.
Ainsi, le travail de nuit, comme le Conseil économique, social et environnemental le fait observer dans son avis du 8 juillet 2010, risque d’avoir des effets sur la santé et d’entraîner le développement de pathologies dont on ignore encore comment elles se manifesteront exactement lorsque les travailleurs parviendront à l’âge de la retraite.
Au sein de la mission d’information sur le mal-être au travail, nous avons aussi souligné que le stress lié au transport, qui vient s’ajouter au stress du travail, risque d’avoir des effets tout à fait désastreux.
En termes de protection des salariés au travail, cela n’aurait pas changé grand-chose de prendre en compte, dans cette proposition de loi, les pathologies à effet différé dont nous soulignons l’importance. Le texte n’en aurait été que conforté, et sans doute rendu plus efficace.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L'amendement n° 3, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après les mots :
les délégués du personnel
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et les intervenants en prévention des risques professionnels
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Il s’agit d’un amendement de cohérence avec notre amendement n°°5 relatif à l’alinéa 22 de l’article 1er sur lequel, je le rappelle, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable, ce qui nous donne quelques espoirs quant à l’adoption du présent amendement.
Le texte proposé par l’article 1er pour l’article L. 4644-1 du code du travail commence ainsi : « L’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise. »
Il poursuit plus loin en indiquant que, à défaut, l’employeur peut faire appel à des intervenants en prévention des risques professionnels, aux services de prévention de la sécurité sociale avec l’appui de l’Institut national de recherche et de sécurité, et à l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics ou à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.
Il va de soi que tous ces organismes sont mentionnés en considération de leur professionnalisme, et parce qu’ils emploient des personnels qualifiés dans le domaine de la prévention.
Avec notre amendement, nous proposons que les salariés compétents auxquels l’employeur fait appel soient obligatoirement titulaires de qualifications, reconnues par des titres ou des diplômes, dans le domaine de la protection et de la prévention des risques professionnels.
Une validation des compétences acquises sur le terrain pourrait également être admise, pour ceux qui pratiquent cette activité depuis très longtemps.
De la sorte, l’ensemble des professionnels mentionnés, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise, doivent être, dans des disciplines diverses, des intervenants qualifiés en prévention des risques professionnels.
Les médecins du travail seront donc nécessairement, inévitablement, pourrais-je dire, conduits à travailler avec des employeurs, des membres de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, des délégués du personnel et, pour ce qui est des autres intervenants, de personnes disposant d’un titre ou d’un diplôme dans le domaine de la prévention des risques, ou d’une validation des compétences acquises.
Il est logique d’accepter, comme nous vous y invitons, notre amendement n°°3, en cohérence avec l’amendement n°°5.
Cet amendement supprime la coordination entre les médecins du travail et les organismes extérieurs désignés par l’employeur pour prévenir les risques professionnels. Cela me paraît très dommageable pour la qualité et l’efficacité de la protection des travailleurs. Il est au contraire important que tous les acteurs concernés puissent travaillent ensemble.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Si vous adoptiez cet amendement, un certain nombre d’acteurs verraient leur champ d’intervention restreint. Ce serait l’exact contraire de ce que vous recherchiez tout à l’heure.
L’avis est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 47 rectifié, présenté par M. Gournac et Mmes Procaccia, Kammermann, Hermange et Bout, est ainsi libellé :
Alinéa 10
I. - Première phrase
Remplacer les mots :
les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire comprenant des intervenants
par les mots :
une équipe pluridisciplinaire de santé au travail autour des médecins du travail et comprenant des intervenants
II. - Dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les médecins du travail animent et veillent à la coordination de l'équipe pluridisciplinaire.
La parole est à M. Alain Gournac.
Monsieur le président, je voudrais simplement, avant de défendre cet amendement, confirmer à nos collègues du groupe CRC-SPG que nous souhaitons la bonne santé de nos entreprises comme la bonne santé de nos salariés au sein de ces entreprises.
C’est ainsi que le redressement de la France sera possible et que nous pourrons aller encore plus loin. Il ne s’agit pas d’être d’un côté ou de l’autre. Il faut être des deux côtés à la fois pour servir le mieux la France.
Que proposons-nous, avec Mmes Procaccia, Kammermann, Hermange et Bout, et forts du soutien de ma collègue versaillaise, Mme Bernadette Dupont ?
Sourires
Nous sommes assurément favorables à l’équipe pluridisciplinaire, mais nous souhaitons que le médecin joue un rôle central dans cette organisation, à laquelle il est indispensable de donner un pivot.
Le médecin du travail doit être bien positionné au sein de cette équipe. Il appartient aux médecins du travail de conduire les activités, et ils doivent disposer d’un pouvoir central.
Nous tenons à réaffirmer ce principe, que nous avions déjà posé lors de l’examen du texte relatif à la réforme des retraites. Il s’agit en effet que le médecin du travail soit mieux respecté dans notre société. S’il ne doit jouer finalement qu’un rôle secondaire au sein l’équipe, nous n’aurons pas bien travaillé. Comme je souhaite que le Sénat travaille bien, je vous propose cet amendement.
L'amendement n° 21, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10, dernière phrase
Après les mots :
Les médecins du travail
insérer les mots :
animent et
La parole est à Mme Annie David.
La question de la constitution des équipes pluridisciplinaires a pu, pendant un temps, inquiéter certains acteurs du monde de la santé au travail, à commencer par les médecins eux-mêmes qui, constatant la volonté du Gouvernement puis des auteurs de cette proposition de loi de placer la santé au travail sous la domination du patronat, craignaient que la mise en place de ces équipes ne participe du même mouvement.
Il est vrai que la notion d’« assistants » n’est pas pleinement satisfaisante et laisse l’impression qu’il s’agit surtout d’une manière de pallier le problème central de la pénurie de médecins du travail.
Nous pouvons tous nous réjouir, cependant, que des personnes qui ne sont pas des médecins puissent apporter leurs compétences particulières, ainsi qu’une approche professionnelle différente.
Il serait par ailleurs regrettable que la médecine du travail ne participe pas à l’évolution générale de la médecine, qui accorde une place de plus en plus large aux relations horizontales et aux compétences croisées en lieu et place des relations verticales et hiérarchiques, et qui favorise aujourd’hui le travail en réseau.
En somme, on pourrait dire du travail en équipes pluridisciplinaires qu’il est une action coordonnée nécessitant la coopération de différents spécialistes au service d’un but commun : la promotion de la santé au travail.
Encore est-il nécessaire de préciser la manière dont ces compétences diverses et complémentaires seront coordonnées et « animées ».
L’alinéa 10, que nous proposons de modifier, prévoit, conformément à la volonté d’un certain nombre de professionnels, qu’il appartient au médecin du travail d’assurer la coordination de l’équipe.
Loin de nous l’idée de mettre en cause ce principe de bonne gestion. Au contraire, nous proposons d’ajouter qu’il revient également au médecin du travail d’animer l’équipe, c’est-à-dire de mobiliser ses compétences et d’impulser ses actions.
Cet ajout nous semble d’autant plus nécessaire que, la semaine dernière, notre commission a précisé à bon droit qu’il appartient aux médecins du travail de prescrire les interventions nécessaires.
Cette impulsion, qui appartient au médecin, n’est pas, de sa part, la marque d’une volonté de domination sur les autres membres de l’équipe. Simplement, sa formation spécifique est de nature, selon nous, à lui permettre d’impulser les actions nécessaires, de la même manière qu’il pourra prescrire les interventions qu’il jugera opportunes.
Aussi sommes-nous étonnés après l’adoption, hier, en commission, d’un amendement présenté par M. Gournac qui tend précisément à supprimer la notion de prescription. Nous ne le voterons donc pas.
Non pas que nous soutenions plus particulièrement l'amendement qui avait été présenté, la semaine dernière, par notre collègue Bruno Gilles ; mais la rédaction de ce dernier amendement nous semblait bien préférable, à condition d’y ajouter, comme nous le proposons, la notion d’animation, particulièrement importante dans le cadre des missions de prévention ou de dépistage.
C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter notre amendement.
Monsieur le président, cet amendement prévoit une nouvelle formulation de l’exercice des missions des services de santé interentreprises. Il précise utilement le texte, autour de deux principes essentiels : la prééminence du médecin du travail au sein de l’équipe pluridisciplinaire et l’appartenance du médecin à cette même équipe.
Cette modification me semble pertinente, car la rédaction adoptée par notre commission pouvait laisser penser que le médecin et son équipe sont distincts, ce qui ne peut manquer de nuire à l’efficacité des actions de la médecine du travail.
L’avis de la commission sur l’amendement n° 47 rectifié est donc favorable.
Quant à l’amendement de Mme David, il est satisfait par celui de M. Gournac.
L’avis du Gouvernement est défavorable sur l’amendement n° 21, j’en suis désolé pour Mme David, et très favorable pour l’amendement n° 47 rectifié présenté par M. Gournac.
Nous avons beaucoup évoqué la pluridisciplinarité, qui est essentielle, il est vrai, à condition de bien préciser qu’elle s’organise autour du médecin du travail, dont il est très important que la place et le rôle soient consacrés.
Nous préférons, une fois n’est pas coutume, la rédaction retenue par la commission sur l’initiative de notre collègue Bruno Gilles.
Il nous semblait que ce libellé conduisait à installer clairement les médecins à la tête de l’équipe et à éviter qu’ils ne soient noyés dans le collectif. Nous trouvons donc la rédaction initiale de la commission plus claire et plus précise.
Concernant la mission de prescription reconnue aux médecins, je rejoins la position exprimée par notre collègue Annie David.
Quant à l’amendement de nos collègues du groupe CRC-SPG, tendant à ce qu’un rôle d’animation soit reconnu aux médecins du travail, nous y sommes naturellement favorables.
S’agissant une nouvelle fois de l’amendement déposé par M. Gournac, nous pensons véritablement que la rédaction de la commission était plus appropriée.
Je ne comprends pas la position de M. le ministre, qui soutient que l’amendement de M. Gournac installe clairement le médecin au centre de l’équipe.
La rédaction initiale de l’article mentionnait « les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire… ». Il s’agirait maintenant d’inverser l’ordre dans la phrase, qui se lirait désormais ainsi : « une équipe pluridisciplinaire de santé au travail autour des médecins du travail... »
M. Gournac nous propose donc que l’équipe s’organise autour du médecin. Je rappelle que la rédaction adoptée la semaine dernière en commission l’a été au terme d’un riche débat entre ses membres, de la majorité comme de l’opposition, et que l’amendement nous avait été proposé par Bruno Gilles. Comme vous étiez présent en commission, vous devez en avoir quelques souvenirs, chers collègues !
Le débat intéressant que nous avons eu la semaine dernière nous a conduits à affirmer que le médecin devait non pas travailler seul…
… mais être accompagné d’une équipe pluridisciplinaire, et qu’il lui appartenait, en tant que médecin du travail, de coordonner et d’animer cette équipe.
Du coup, nous avions confié au médecin la responsabilité de prescrire les actes, afin que l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire puisse travailler dans la cohérence, au service des salariés concernés par les services de santé au travail. Je m’empresse de préciser que, contrairement à ce que la notion de prescription pourrait laisser croire, il ne s’agit pas d’actes médicaux, le médecin du travail n’étant pas un médecin prescripteur.
C’est exactement le débat que nous avons eu la semaine dernière en commission, un débat nourri qui a abouti au vote de l’amendement rectifié de Bruno Gilles, dont le texte initial ne correspondait pas tout à fait aux souhaits de la majorité des membres de la commission.
Après discussion et rectification, vous avez donc adopté un amendement, chers collègues de la majorité – pour notre part, nous n’avons pas pris part au vote, conformément à notre habitude –, au motif que la rédaction qu’il tendait à proposer était meilleure. Et voilà que vous changez d’avis, au bout d’une semaine de réflexion – ou peut-être de pressions du Gouvernement ? En effet, quand j’entends M. le ministre affirmer qu’il est « très favorable » à l’amendement proposé par M. Gournac, je me demande s’il n’y a pas eu transmission de pensée, pour ne pas dire plus…
M. Xavier Bertrand, ministre. Une transmission de pensée avec vous ?
Sourires
Mme Annie David. Non, bien sûr, avec les membres de votre majorité, monsieur le ministre !
Nouveaux sourires.
Du reste, vous savez bien que ce n’est pas la peine de chercher à me joindre, car cela ne servirait à rien…
Je ne comprends donc pas l’attitude de la commission. On vote un jour une disposition et, une semaine plus tard, on en adopte une autre !
En séance publique, on affirme soudain que la rédaction réclamée par le Gouvernement est tout de même préférable !
Madame Hermange, vous avez évoqué tout à l'heure le rôle du Parlement et affirmé que j’étais complètement inconséquente de soutenir qu’une proposition de loi était insuffisante pour traiter d’une telle question.
À présent, c’est moi qui trouve votre comportement pour le moins inconséquent, puisque vous revenez sur une disposition que vous avez discutée et votée la semaine dernière en commission et qui avait alors reçu un avis favorable de Mme la rapporteur.
M. Guy Fischer applaudit.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Mes chers collègues, nous sommes en pleine querelle sémantique. Or c’est la pratique qui commande, me semble-t-il, et tout le monde s’accorde pour placer le médecin du travail au cœur du dispositif.
Peut-être faut-il rédiger l’amendement de façon à faire apparaître précisément ce point ?
Alain Gournac souhaite le libellé suivant : « une équipe pluridisciplinaire de santé autour des médecins de travail comprenant les intervenants… », ce qui correspond tout à fait à l’objectif visé, mais à condition de préciser ensuite que ces médecins « animent et coordonnent l’équipe pluridisciplinaire et prescrivent ses interventions », comme dans l’amendement proposé par M. Gilles et adopté par la commission, et non « animent et veillent à la coordination », comme dans l’amendement n° 47 rectifié.
M. Alain Gournac s’exclame.
Je suggère donc à M. Gournac de bien vouloir modifier en ce sens la deuxième partie de l’amendement n° 47 rectifié, ce qui permettrait aussi, me semble-t-il, de satisfaire l’amendement n° 21 présenté par Mme David.
Vous êtes d'accord avec la proposition de rectification, chers collègues de l’opposition, mais je sais bien que vous ne voterez pas pour autant l’amendement rectifié !
Monsieur Gournac, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. Vanlerenberghe ?
Cette modification ne changera pas grand-chose ! Simplement, tout le monde pourra voter cet amendement, ce qui est déjà très important : il s'agira d’un formidable signal adressé aux médecins du travail.
Je ne suis pas opposé à ce que les médecins du travail « coordonnent ». Je souhaite qu’ils soient dans l’équipe, certes, mais aussi qu’ils aient la responsabilité globale de toutes les professions paramédicales qui composent celle-ci, comme les infirmières, entre autres. Dans cette mesure, la rectification proposée ne me gêne pas.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 47 rectifié bis, présenté par M. Gournac et Mmes Procaccia, Kammermann, Hermange et Bout, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 10
I. - Première phrase
Remplacer les mots :
les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire comprenant des intervenants
par les mots :
une équipe pluridisciplinaire de santé au travail autour des médecins du travail et comprenant des intervenants
II. - Dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les médecins du travail animent et coordonnent l'équipe pluridisciplinaire.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote sur cet amendement ainsi rectifié.
Dans ce cas, pourquoi ne pas reprendre aussi la dernière partie du texte de l’amendement proposé par M. Gilles : « et prescrivent ses interventions » ?
Mes chers collègues, nous faisons un travail de commission ! Peut-être le texte pourra-t-il être revu en commission mixte paritaire ?
Veuillez poursuivre, monsieur Vanlerenberghe.
… mais, franchement, je crois que c’est la pratique, sur le terrain, qui sera décisive.
Le médecin a-t-il la capacité, de par son expérience et sa formation, d’animer l’équipe pluridisciplinaire ? Oui, car c’est son métier ! En outre, c’est lui qui coordonne l’équipe, donc qui prescrit ses interventions. Toutefois, si l’on ne fait pas figurer ce point dans la proposition de loi, ce n’est pas dramatique.
Je me rallie tout à fait à la rédaction proposée par notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe.
Je ne comprends pas pourquoi M. Gournac refuse le mot « prescrivent ». Si l’on adoptait la rédaction proposée par M. Vanlerenberghe, on mettrait d'accord tout le monde, me semble-t-il.
En effet, le verbe « prescrire » signifie que le médecin du travail, avec son équipe, donne des indications précises sur les orientations à suivre. Mais peut-être ne veut-on pas que le médecin du travail joue ce rôle, ce qui reviendrait à lui ôter une part de son autonomie ?...
La rédaction qui est proposée par M. Vanlerenberghe est la meilleure, me semble-t-il, à condition de ne pas ôter le verbe « prescrire », qui figurait dans l’amendement adopté par la commission.
Je vois bien dans quel esprit M. Vanlerenberghe, suivi sur ce point par certains sénateurs, entend modifier la rédaction du texte. Toutefois, je voudrais apporter une clarification.
J’ai moi-même souligné tout à l’heure – j’espère ne pas avoir introduit la confusion dans ce débat – que l’amendement proposé par Alain Gournac tendait à renforcer, dans le cadre de la pluridisciplinarité, le rôle du médecin. Toutefois, prenez garde, mesdames, messieurs les sénateurs : si vous introduisez dans la loi le verbe « prescrire », vous aboutissez au résultat inverse de celui que vous visez.
Je comprends bien que la commission a beaucoup travaillé sur cette question, mais je crois tout de même que la rédaction proposée par Alain Gournac peut convenir à tout le monde.
Il ne s’agit pas de pouvoir dire que, en définitive, chacun a participé à sa façon à la rédaction du texte, monsieur Vanlerenberghe. Je suis persuadé que, si nous introduisons la notion de prescription des interventions, nous dénaturons la pluridisciplinarité.
Mme le rapporteur acquiesce.
Telle est la remarque que je souhaitais faire, à des fins d’apaisement, mais surtout de clarification.
M. Gournac a affirmé tout à l'heure que, même s’il modifiait son amendement dans le sens suggéré par notre collègue, nous ne voterions pas ce texte. Je lui ai répondu qu’il se trompait, mais je me fondais alors sur la proposition de M. Vanlerenberghe. Or, monsieur Gournac, vous ne la reprenez pas dans son intégralité, et c’est bien là le problème !
Au travers de votre amendement, vous faites tout simplement disparaître la notion de prescription. Vous prétendez renforcer la place du médecin du travail, …
… mais, en réalité, vous voulez simplement l’empêcher de prescrire au sein de son équipe pluridisciplinaire.
Nous ne pourrons donc pas voter cet amendement rectifié, qui ne correspond pas à ce que nous avions décidé ensemble en commission.
Soyons précis à ce moment du débat, madame David : il s’agit non pas d’éviter que les médecins ne puissent prescrire, mais d’empêcher qu’ils doivent prescrire, voilà tout.
Pourquoi veut-on tout à coup supprimer le verbe « prescrire » ? Celui-ci ne figurait-il pas dans la version initiale de l’amendement proposé par M. Gournac ?
En tout cas, nous souhaitons retenir la rédaction proposée en commission par M. Gilles.
Si l’on ne veut pas que les médecins soient obligés de prescrire, il suffit d’ajouter les mots : « s’il y a lieu », et la fin de l’alinéa se lirait ainsi : « et prescrivent ses interventions s’il y a lieu ».
Ce n’est pas nécessaire ! Je maintiens la rédaction qu’a lue tout à l'heure M. le président.
Les verbes « animer » et « coordonner » suffisent, me semble-t-il, et répondent aux objections qui ont été formulées. Ajouter les mots : « et prescrivent ses interventions » poserait deux problèmes.
Premièrement, il y aurait une ambiguïté avec la prescription médicale.
Deuxièmement, cette disposition susciterait des lourdeurs administratives qui viendraient cannibaliser encore un peu plus le temps déjà très contraint des médecins du travail.
J'ajoute que les spécialistes de l’équipe savent tout de même s’organiser pour remplir les tâches qui sont les leurs.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'amendement n° 21 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 22, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le refus de l'employeur de se conformer aux prescriptions du médecin du travail doit être motivé par écrit.
« En cas de contentieux liés à l'altération ou à la dégradation de l'état de santé du salarié, en lien avec son activité professionnelle, le refus de l'employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Cet amendement vise à compléter l’alinéa 10 de l’article 1er. En effet, conformément à l’article L. 4121-1 du code du travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».
C’est dire que pèse sur lui non seulement une obligation de moyens, mais aussi une obligation de résultat. Telle est la jurisprudence constante, depuis l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation, le 28 février 2006, dans l’affaire SA Cubit France technologies, qui consacra ce principe en ces termes : « L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ».
Il résulte de cette situation de droit que l’employeur doit garantir à chaque travailleur le résultat attendu, c'est-à-dire la protection de sa santé au travail.
En cas de défaut de résultat, c’est-à-dire de dégradation de la santé causée par le travail, même seulement en partie, l’employeur est présumé responsable d’une défaillance fautive.
Les dispositions de cet amendement n° 22 s’inscrivent dans cette logique : nous entendons donner force obligatoire aux interventions prescrites par le médecin du travail, afin d’éviter que celles-ci ne restent vaines.
Rien ne sert en effet de confier cette faculté au médecin du travail si l’employeur peut systématiquement et sans formalité particulière s’y soustraire. Nous proposons donc que le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions doive être motivé par écrit. Chacun l’aura compris, cette précision vise, en cas de contentieux, à faciliter la preuve du manquement caractérisé de l’employeur, en l’espèce par son refus de suivre les prescriptions formulées par le médecin du travail.
Cet amendement vise à instituer une procédure qui est justement créée par l’article 2 de la présente proposition de loi.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Cet amendement, si je ne m’abuse, est satisfait par l’article 2 de la proposition de loi.
J’émets donc également un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 12 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Les missions des services de santé au travail sont énumérées clairement dans le texte proposé ici pour l'article L. 4622-2 du code du travail. Elles sont pourtant l’objet d’une potentielle réduction.
Nous proposons de supprimer ces alinéas 1 à 14 pour trois raisons.
Premièrement, ainsi fixées par la loi, les missions des SST constituent pour tous les services de santé au travail une priorité en soi ; elles doivent donc recevoir une pleine application sur l'ensemble du territoire.
Elles ne doivent pas pouvoir faire l’objet, à terme, d’une division entre missions prioritaires ou non, ni être adaptées en fonction de moyens différenciés et, éventuellement, insuffisants.
La mise en place de priorités, fût-elle négociée, ne peut aboutir qu’à une gestion de la pénurie, tant en matière financière que sur le plan de la démographie médicale.
Deuxièmement, si nous sommes favorables à la définition d’objectifs, parce qu’elle peut témoigner d’une certaine ambition, nous sommes beaucoup plus réticents en ce qui concerne les moyens. Le simple fait d’en parler revient à constater qu’ils manquent déjà et que la situation à cet égard pourrait s’aggraver encore.
Des objectifs sans moyens correspondants ne pourront être tenus. Nul doute que l’on s’attachera à réviser les objectifs et non pas à augmenter les moyens.
De plus, les réalités locales ne doivent pas pouvoir être utilisées pour porter atteinte potentiellement à l’égalité entre les travailleurs sur l’ensemble du territoire. Elles doivent uniquement permettre la justification de l’attribution de moyens supplémentaires, adaptés à des situations de risques d’une particulière gravité.
Les missions des services de santé au travail ne sauraient être précisées au gré de circonstances locales, variables par définition et évoluant dans le temps.
Troisièmement, l’expérience acquise en matière d’atteintes à la santé des salariés montre qu’elles sont malheureusement diverses et peuvent avoir des manifestations auparavant non reconnues.
Dans ces conditions, l’établissement de priorités semble vain. Il est donc indispensable que des moyens suffisants soient prévus pour faire face à toutes les circonstances.
La conjonction, dans les mêmes alinéas, de contrats d’objectifs et de moyens avec des réalités locales par définition diverses et la définition de priorités est très inquiétante pour l’avenir de la médecine du travail.
L'amendement n° 24, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le mot :
priorités
par le mot :
missions
La parole est à M. Guy Fischer.
La commission des affaires sociales a adopté un amendement déposé par notre rapporteur, Mme Payet, visant à proposer une réécriture partielle de l’alinéa 12 de l’article 1er. Il s’agissait, selon son objet, d’un « amendement rédactionnel visant à lever d’éventuelles ambiguïtés sur l’articulation entre les missions générales des services de santé au travail et le contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’État et les caisses de sécurité sociale ».
Or cet amendement a eu pour effet de substituer à la notion de « missions des services de santé au travail » celle de « priorités des services de santé au travail », laissant ainsi penser que la médecine du travail devait être limitée à de simples priorités.
Cette disposition n’est naturellement pas acceptable, car elle est en contradiction totale avec l’alinéa 3 de l’article 1er, que je relis : « Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
Je vois difficilement comment les services de santé au travail pourraient parvenir à cet objectif ambitieux s’ils devaient se concentrer sur des priorités.
C’est précisément la raison pour laquelle nous avons opté pour une approche globale de la santé au travail, faisant intervenir des acteurs non-médecins, car nous avons considéré que leurs spécialités constituaient un plus indéniable et complémentaire.
Or, si notre amendement n’était pas adopté, un employeur – il est, rappelons-le, prescripteur, financeur, ordonnateur – pourrait décider que les pathologies liées au stress ou les troubles musculo-squelettiques ne constituent pas une priorité. On se priverait dans ce cas de l’intervention d’un ergonome, alors même que l’on sait que les professionnels de cette discipline participent pleinement et de plus en plus souvent à la réduction des TMS.
Cela n’est pas concevable. Nous refusons d’enfermer les services de santé dans des priorités, considérant que la préservation de la santé au travail doit être une priorité en soi.
L'amendement n° 23, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
et en fonction des réalités locales
La parole est à Mme Annie David.
La rédaction de l’article L. 4622-10 du code du travail, telle que proposée par l’article 1er, prévoit que les missions des services de santé au travail seront précisées, en fonction des réalités locales, par un contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’État et les organismes de sécurité sociale concernés, après avis des organisations syndicales et patronales et des agences régionales de santé.
Si nous ne sommes pas opposés à ce que l’échelon régional joue un rôle dans la définition des missions des services de santé au travail, cet échelon ne peut avoir, selon nous, qu’un impact correctif, et à la hausse.
Cela signifie qu’il doit être un élément de négociation avec les différents acteurs de la santé au travail pour que des moyens supplémentaires soient apportés face à des difficultés particulières.
En d’autres termes, l’échelon régional ne doit avoir qu’une seule vocation : réduire les inégalités sociales qui existent en matière de santé, dans la mesure où elles se concentrent sur des territoires aux populations fragilisées et souffrant d’ailleurs souvent d’un travail qui ravage tant le corps que l’âme.
Or la juxtaposition des mots « priorités » et « locales » nous fait craindre que l’on ne s’inscrive dans un schéma où les objectifs généraux ne seraient que le plus petit dénominateur commun, ce qui n’est naturellement pas acceptable. D’autant moins que, comme le soulignent la CGT et la CFDT, dans la lettre citée tout à l'heure par Mme le rapporteur, la médecine du travail est parfois placée peu ou prou sous la domination des « baronnies patronales locales ».
Afin de garder une cohérence nationale à l’organisation des services de santé au travail, ce qui n’exclut pas la prise en compte des spécialités locales ou la traduction régionale des missions des services de santé au travail, nous vous proposons de supprimer la référence aux « réalités locales », qui introduit plus d’ambiguïtés qu’elle n’apporte de solutions.
L'amendement n° 25, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national sont invitées par l'agence régionale de santé à se prononcer sur l'adéquation entre les moyens prévus aux contrats mentionnés à l'alinéa précédent et les missions que doivent réaliser les services de santé au travail.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
L’alinéa 12 que nous proposons de modifier prévoit que les priorités des services de santé au travail « sont précisées […] dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service, d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents, d’autre part, […] ».
Il prévoit également d’associer des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives à l’échelon national et des agences régionales de santé, lesquelles n’ont qu’un avis purement facultatif.
À l’occasion de la discussion de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, nous avons longuement débattu du principe des contrats d’objectifs et de moyens, regrettant qu’aucun mécanisme ne soit mis en place pour permettre aux usagers des services concernés de « tirer la sonnette d’alarme » si les moyens initialement prévus ne permettaient pas de réaliser l’ensemble des objectifs envisagés.
Par cet amendement, nous entendons permettre aux partenaires sociaux de disposer d’un outil mettant en garde les acteurs de la santé au travail contre l’inadéquation ou l’insuffisance des moyens mis à disposition pour atteindre les objectifs fixés dans ces contrats.
Cette question est centrale. Tous les professionnels que nous avons rencontrés nous le répètent, la médecine du travail manque de moyens. Cette insuffisance revêt des formes variées, à commencer par le manque de professionnels ou de formations spécifiques complémentaires.
Les médecins du travail sont confrontés à une pénurie récurrente de moyens pour mener à bien des missions de plus en plus larges, notamment avec l’explosion des risques psychosociaux dans les entreprises.
Je ne prendrai qu’un exemple, pris à Grenoble, celui d’une femme médecin du travail de France Télécom, société emblématique s’il en est des besoins en matière de santé dans les entreprises. Cette femme a démissionné de ses fonctions, comme d’autres de ses confrères, en déplorant notamment le manque de moyens pour venir en aide « aux personnels en souffrance » de l’entreprise. En novembre 2009, elle a justifié sa démission en déclarant : « Je ne pouvais exercer mon métier de médecin du travail ».
C’est une telle situation que nous voulons contribuer à éviter par notre amendement. Vous pouvez donc, mes chers collègues, l’adopter sans hésiter !
L'amendement n° 26, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
après avis des organisations syndicales représentatives au plan national
La parole est à M. Guy Fischer.
Il s’agit d’un amendement de précision, puisqu’il tend à associer les organisations syndicales représentatives à l’échelon national aux conditions de mise en œuvre et aux modalités de révision du contrat d’objectifs et de moyens que nous venons d’évoquer à l’alinéa 12 et dans lequel elles sont en effet parties prenantes.
L’alinéa 14 vise le décret qui définira la durée, les conditions de mise en œuvre ainsi que les modalités de révision du contrat d’objectifs et de moyens. Or nous demandons la consultation des organisations syndicales bien en amont de la parution de ce décret.
En effet, ces organisations syndicales ont toujours joué un rôle important en matière de santé au travail, notamment au travers des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, qui sont incontournables dans les entreprises et participent à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail, ou, en l’absence de CHSCT, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par le biais des délégués du personnel qui exercent les attributions normalement dévolues au CHSCT.
Les organisations syndicales, parce qu’elles sont composées de salariés en activité, donc exposés aux mêmes risques que l’ensemble des salariés, sont souvent quasiment les premières à alerter les employeurs d’un danger particulier ou d’une dégradation des conditions de travail pouvant avoir un impact sur la santé des salariés.
Souvenons-nous du rôle particulier des organisations syndicales en matière de contamination par l’amiante. Je citerai le cas remontant à deux ans à peine d’un syndicat d’un ascensoriste qui avait jugé insuffisantes les mesures prises par la société pour protéger ses salariés contre les risques liés à l’amiante. Une action collective des cinq organisations syndicales avait conduit à la reconnaissance par la sécurité sociale de cent cinquante-trois cas de maladies professionnelles liées à l’amiante.
De même, souvenons-nous des actions des organisations syndicales en matière de troubles psychosociaux. À cet égard, je rappelle que, au sein de France Télécom, elles ont créé elles-mêmes un observatoire de la souffrance au travail à la suite du refus exprimé par la direction de mettre en place un tel outil.
Aussi nous semble-t-il important que les représentants du personnel puissent être associés tout au long de l’élaboration des missions des services de santé au travail.
L’amendement n° 4 vise à supprimer le contrat d’objectifs et de moyens signé entre le service de santé au travail, l’État et la sécurité sociale.
Alors même qu’il semble essentiel d’intégrer la médecine du travail dans la veille sanitaire et la politique de santé publique, il est pour le moins étonnant que l’on demande la suppression d’un outil de coopération et de dialogue avec les autorités publiques.
Sincèrement, la logique est peu compréhensible.
En outre, les auteurs de l’amendement estiment que les priorités des services de santé au travail ne doivent pas être précisées en fonction des réalités locales. Je pense tout le contraire : il me semble que les priorités peuvent être différentes entre le Nord-Cotentin, l’Isère, la Sologne ou la Réunion.
L’article prévoit très précisément que ces priorités seront précisées dans le respect des missions générales des services de santé. Une hiérarchie est donc clairement établie entre les missions générales et les priorités.
La commission émet un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 24, sincèrement, j’ai des difficultés à en comprendre l’objet. Les missions des services de santé au travail sont fixées par le texte proposé pour l’article L. 4622-2 ; de son côté, l’alinéa 12 crée un article L. 4622-10 relatif au contrat d’objectifs et de moyens tripartite entre les services de santé, l’État et la sécurité sociale. En quoi cantonne-t-on les services de santé dans des priorités ?
La distinction entre « priorités », à cet alinéa, et « missions » est justement faite pour affirmer la priorité des missions. Avec cet amendement, on réintroduirait une ambiguïté préjudiciable.
La commission émet un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 23, je le répète, les missions générales des services de santé au travail sont fixées à l’article L. 4622-2 du code du travail et l’article L. 4622-10 prévoit la signature d’un contrat d’objectifs et de moyens entre le service de santé, l’État et la sécurité sociale.
Ce contrat précise les priorités du service, « dans le respect des missions générales prévues à l’article L.4622-10 et en fonction des réalités locales ». Cette rédaction, précisée en commission, est claire ; elle opère une hiérarchie entre les missions générales et les priorités du contrat.
L’amendement tend à supprimer l’adaptation en fonction des réalités locales ; ce serait vraiment dommageable à la qualité et à l’efficacité de la prévention des risques.
La commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 25 prévoit que, chaque année, les syndicats de salariés émettent un avis, par région, sur l’« adéquation entre les moyens et les missions » des services de santé au travail.
Au-delà de la lourdeur administrative d’un tel dispositif, je rappelle que les services de santé au travail seront dorénavant administrés par un conseil d’administration composé à parité de représentants salariés et employeurs et que le contrat d’objectifs est bien conclu après avis des organisations représentatives.
La commission émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 26, prendre l’avis des organisations syndicales représentatives sur le décret organisant la durée, les conditions de mise en œuvre et les modalités de révision du contrat d’objectifs et de moyens ajouterait de la complexité et un délai, ce qui semble préjudiciable. Inscrire cet avis dans la loi ne présente aucun intérêt. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 4, car son adoption entraînerait la suppression de la contractualisation. Or il s’agit d’un progrès pour définir les priorités d’action des services de santé au travail.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 24, pour les mêmes raisons.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 23. Prendre en compte les réalités locales ne revient pas à créer des inégalités : c’est au contraire fonder les priorités sur des réalités et des diagnostics de terrain et ajuster les réponses en conséquence.
À mon sens, l'amendement n° 25 est satisfait, car les ARS seront bel et bien consultées, ainsi que les partenaires sociaux, au travers des services de santé au travail, dont leurs représentants composeront désormais la moitié des conseils d’administration, et non plus le tiers.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 26. Les textes généraux prévoient que les partenaires sociaux seront consultés également, notamment dans le cadre du Conseil d’orientation sur les conditions de travail. La rédaction des textes réglementaires fera en outre l’objet d’une large concertation.
Je conclurai en insistant sur un point : il ne peut pas y avoir d’efficacité ni de progrès sans que soient fixées des priorités. C’est une règle générale d’action, et déterminer des priorités permet de plus de mesurer concrètement les progrès accomplis.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 24.
Monsieur le président, cette explication de vote vaudra en fait pour les amendements n° 24, 23, 25 et 26.
Depuis le début de ce débat, chacun affirme vouloir donner la priorité à la santé et à la médecine du travail. Toutefois, à entendre les réponses qui nous sont apportées, je me demande si nous parlons des mêmes choses et si nous avons la même vision de la médecine du travail !
En effet !
Ainsi, monsieur le ministre, vous prétendez ne pas comprendre pourquoi nous préférons le terme « mission » à celui de « priorité ». Or, pour nous, la mission de préserver la santé des travailleurs est, en soi, la priorité. Par conséquent, comment définir des priorités au sein de cette priorité ?
Tout à l’heure, nous avons évoqué le drame de l’amiante, que la médecine du travail a malgré tout pu prendre en compte, même si ce fut trop tardivement. Que se serait-il passé si, à l’époque, elle s’était trouvée déjà placée sous la tutelle du patronat, avec des « priorités » définies sous l’influence de celui-ci, en fonction de considérations locales ? Monsieur le ministre, la médecine du travail relève de la santé publique. Il s’agit d’un enjeu national.
Certes, il faut prendre en compte les spécificités locales pour mettre en place des politiques de prévention. Cela va de soi. Or, d’habitude, vous nous dites qu’il est inutile d’inscrire dans la loi ce qui tombe sous le sens, comme vous l’avez fait tout à l’heure à propos des prescriptions des médecins. Dans le même esprit, puisqu’il est tout à fait logique que les services de santé au travail s’adaptent aux réalités locales, pourquoi le préciser dans la loi ?
Ce que vous êtes en train de faire est dramatique pour les services de santé au travail, dont l’action concerne 14 millions de salariés dans notre pays. J’observe d’ailleurs que vous ne parlez même pas de ceux qui relèveront des services de santé dits « autonomes » : il n’en est jamais question ! Dans les entreprises concernées, les médecins du travail continueront donc à agir à leur guise en matière de prévention et de suivi des salariés.
La médecine du travail aurait mérité un vrai débat, une réflexion de fond associant l’ensemble des parties prenantes. Nous ne pouvons accepter vos explications, monsieur le ministre. J’ai l’impression de parler dans le vide, de m’agiter vainement, tel Don Quichotte, et cela m’est d’autant plus insupportable que je vis dans une vallée industrielle où beaucoup d’ouvriers meurent de cancers dus à une exposition à l’amiante ou aux éthers de glycol, d’accidents du travail. Nombre de salariés espéraient que cette réforme de la médecine du travail déboucherait sur une amélioration, même modeste, de leur vie quotidienne dans l’entreprise. Or non seulement ils n’obtiendront rien, mais vous donnez tout pouvoir aux entreprises pour mettre en place de nouvelles formes d’organisation du travail néfastes aux employés, aux ouvriers, aux techniciens et aux cadres !
Je souhaite apporter mon soutien à l’ensemble de ces amendements et formuler deux remarques.
En premier lieu, conforter les moyens et la place hiérarchique du médecin du travail me semble d’autant plus nécessaire que celui-ci entend toutes les souffrances, mais est parfois amené à prendre sur lui. Ainsi, voilà quelques mois, alors que nous avions déjà été alertés sur la souffrance causée par la restructuration de France Télévisions, que nous avions d’ailleurs combattue ici, nous avons appris le suicide d’une femme médecin du travail exerçant son activité au sein de cette entreprise. Ces professionnels ont vraiment besoin d’être soutenus.
En second lieu, s’agissant de la notion de « priorité », j’abonderai dans le sens d’Annie David en rappelant que, dans les usines où sont utilisés des fours, en particulier dans le secteur de la sidérurgie, la priorité absolue était d’éviter les brûlures. C’est au nom de cette préoccupation unique que l’on a mis de l’amiante partout, sans protéger les travailleurs ! Par conséquent, en affirmant de façon trop exclusive une priorité, en oubliant que la protection de la santé est un ensemble, on peut provoquer des catastrophes.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 4623-7, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 4623-8. - Dans les conditions d'indépendance professionnelle définies et garanties par la loi, le médecin du travail assure les missions qui lui sont dévolues par le présent code. »
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à réaffirmer très clairement l’indépendance professionnelle des médecins du travail, qui découle du code de la santé publique et du code de déontologie et se trouve confortée, dans le code du travail, par des règles spécifiques de licenciement.
Mes échanges avec de nombreux partenaires sociaux et de nombreux parlementaires m’ont convaincu qu’il était indispensable d’insister sur cette indépendance, de la consacrer en quelque sorte afin de donner une dimension supplémentaire à l’ensemble des dispositions du texte. Tel est l’objet de cet amendement.
Cet amendement n’a pu être examiné par la commission. Il tend à insérer un nouvel article dans la partie du code du travail consacrée à la protection des médecins du travail, prévoyant que ces professionnelles exercent leurs missions, telles qu’elles sont définies dans ce code, dans les conditions légales d’indépendance professionnelle.
La portée normative de cet amendement est certainement limitée, mais la loi sert aussi à réaffirmer des principes.
À titre personnel, j’émets un avis favorable, car je suis, comme vous tous, mes chers collègues, très attachée à l’indépendance des médecins dans l’exercice de leurs missions.
De graves difficultés professionnelles ont été causées à des médecins du travail qui dénoncent les causes managériales de troubles psychosociaux affectant les salariés de grandes entreprises. S’agissant du drame de l’amiante, il est avéré que des médecins du travail ne sont pas intervenus, alors qu’ils ne pouvaient ignorer les risques encourus par les salariés exposés.
Il est tout à fait positif que le Gouvernement réaffirme que, au-delà de la sujétion inhérente à la condition salariale, le médecin du travail est protégé par le code de la santé publique et le code de déontologie. Toutefois, cet amendement n’apporte strictement rien de nouveau sur le plan juridique. Il ne fait que répéter une évidence, certes bienvenue, mais déjà connue de nous tous.
Alors, pourquoi avoir déposé cet amendement ? Il se trouve que la commission des affaires sociales a adopté, sur la proposition de Mme la rapporteur et à l’unanimité, quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 5, afin de renforcer très concrètement la protection du médecin du travail, notamment en matière de rupture conventionnelle, de rupture ou de non-renouvellement de contrat à durée déterminée et de transfert.
Les dispositifs de ces amendements apporteront une protection efficace aux médecins du travail se trouvant en butte à des tracasseries, à des menaces ou à des sanctions abusives du fait de l’exercice de leur profession. Ils constituent un apport juridique et seront une garantie concrète d’indépendance pour ces médecins.
Le Gouvernement n’aurait-il pas l’intention, fort de l’adoption de son amendement n° 57, de profiter de la navette parlementaire pour demander à l’Assemblée nationale de supprimer les articles 5 bis à 5 quinquies, que visent à insérer les amendements adoptés par la commission, en arguant que le principe de l’indépendance des médecins du travail aura été réaffirmé à l’article 1er ?
Nous attendons du Gouvernement qu’il s’engage clairement à ne pas déposer ou soutenir des amendements de suppression de ces articles, auxquels nous tenons, ainsi que la commission des affaires sociales.
À cette condition, monsieur le ministre, nous n’aurons aucune raison de nous opposer à votre amendement.
Je partage les inquiétudes exprimées par M. Godefroy sur le sort qui sera réservé aux articles 5 bis à 5 quinquies, insérés dans le texte sur l’initiative de Mme le rapporteur.
Monsieur le ministre, si vous nous apportez les assurances demandées, peut-être modifierons-nous notre position, mais, en l’état, je ne vois pas l’intérêt d’adopter cet amendement, dans la mesure où l’alinéa 8 de l'article 1er précise déjà que « les missions définies à l’article L. 4622-2 sont exercées par les médecins du travail. Ils agissent en toute indépendance et en coordination avec les employeurs, les membres du comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel, les intervenants en prévention des risques professionnels et les personnes ou organismes mentionnés à l’article L. 4644-1 ».
Par conséquent, bien avant l’alinéa 15 de cet article, il est réaffirmé que les médecins du travail agissent en toute indépendance, pour accomplir les missions définies par les directeurs des services de santé au travail, lesquels font obligatoirement partie du collège employeurs et disposent d’une voix prépondérante.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, la disposition que vous proposez d’ajouter ne donnera pas plus d’indépendance aux médecins du travail. Elle ne leur permettra pas de participer à la définition des missions, qui restera, j’y insiste, de la compétence des directeurs des services de santé au travail.
Cela étant, nous sommes prêts à adopter cet amendement à portée déclaratoire, à condition que les articles que j’ai évoqués ne soient pas supprimés au cours de la navette.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’indépendance des médecins du travail ne se négocie pas, ne se troque pas. Je vous annonce d’ores et déjà que le Gouvernement est favorable aux articles introduits par la commission des affaires sociales, visant à étendre l’application des mécanismes protecteurs des médecins du travail aux cas de rupture ou de non-renouvellement de CDD, de transfert et de rupture conventionnelle.
Je ne pensais pas devoir vous apporter ces garanties pour que vous votiez l’amendement du Gouvernement, mais puisque vous le demandez, je le fais !
L’amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 22 et 23
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4644-1. - I. - L’employeur fait appel aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative. »
La parole est à Mme Annie David.
Nous proposons une autre rédaction pour les alinéas 22 et 23, qui constituent une transposition, dans notre droit national, de l’article 7 de la directive européenne du 12 juin 1989. Cet article autorise l’employeur à se dispenser de l’obligation légale de recourir aux intervenants en prévention des risques professionnels –les IPRP – appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère s’il fait la démonstration qu’il a désigné, dans son entreprise, un ou plusieurs salariés « pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise ».
Il convient de souligner que la formulation de l’alinéa 22 est pour le moins particulière. La gestion de la santé au travail des salariés doit être une priorité et ne saurait être réduite à une simple « occupation ». Il s’agit d’une importante responsabilité, d’une charge et non d’une activité supplémentaire ou secondaire, que l’on pourrait assumer en plus de son activité professionnelle.
Nous nous interrogeons d’ailleurs sur les conséquences juridiques et sociétales d’une telle rédaction.
Ainsi, nous ne sommes pas convaincus qu’un tel transfert de compétence à des salariés n’entraînera pas une dilution partielle de la responsabilité de l’employeur.
Cela pourrait en outre provoquer, au sein de l’entreprise, des désordres sociaux importants, les salariés pouvant reprocher à ceux d’entre eux qui auront été nommés par l’employeur de n’avoir pas pris les mesures suffisantes pour prévenir un risque. À nos yeux, le mélange des genres n’est pas acceptable : c’est bien à l’employeur que doit incomber la responsabilité sociale de garantir la santé de ses salariés.
Enfin, il n’est selon nous pas sage de prévoir que les intervenants en prévention des risques professionnels puissent se voir confier, qui plus est par défaut, les actions de protection de la santé des salariés. Telle n’est d’ailleurs par leur mission initiale. Ce rôle incombe aux médecins du travail : le décret du 24 juin 2003 précise que la mission des IPRP consiste à participer à la prévention des risques professionnels et à l’amélioration des conditions de travail ; il n’est nullement fait mention de la protection de la santé.
Si notre amendement n’était pas adopté, le médecin du travail risquerait de devenir facultatif, alors que, eu égard aux missions nouvelles qui lui sont confiées, il est, au contraire, clairement appelé à jouer un rôle incontournable.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Remplacer le mot :
compétents
par les mots :
disposant de qualifications reconnues par des titres ou des diplômes
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Comme nous l’avons déjà indiqué, l’adjectif « compétents » employé pour qualifier les salariés de l’entreprise qui devront s’occuper de protection et de prévention des risques professionnels est trop flou.
La profession de « préventeur », qui se développe actuellement, particulièrement dans de grandes entreprises, recouvre des compétences très diverses.
Dans l’intérêt des salariés, il importe de bien préciser, au regard des activités de l’entreprise et des risques professionnels encourus par les travailleurs, les compétences des personnes auxquelles il est fait appel et de veiller à ce qu’elles soient suffisantes et adaptées aux situations.
L’un des moyens juridiques simples d’y parvenir est d’exiger des qualifications attestées par des titres ou des diplômes, ou encore, le cas échéant, par la validation d’acquis de l’expérience dûment reconnus.
Au demeurant, tout cela ne permet pas de connaître les moyens et le degré d’autonomie par rapport à l’employeur dont disposeront ces équipes de prévention dans les entreprises. À l’évidence, en pratique, la question de l’importance du budget affecté à la sécurité et celle de la manière dont il sera tenu compte des observations et demandes de ces équipes, notamment si elles impliquent des dépenses, restent ouvertes.
Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement, pour faire référence à la validation d’acquis de l’expérience.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 5 rectifié bis, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Alinéa 22
Remplacer le mot :
compétents
par les mots :
disposant de qualifications reconnues par des titres ou des diplômes ou par la validation d’acquis de l’expérience
L’amendement n° 6, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« Pour ces salariés, le licenciement ou la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail dans les conditions prévues à l’article L. 2421-3. »
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Les salariés des équipes de prévention, s’ils remplissent pleinement leurs missions, seront fatalement amenés à faire des propositions pour améliorer la protection des salariés. Certaines de ces propositions induiront un coût financier, une réorganisation et peut-être, dans des cas extrêmes, l’arrêt de l’activité de telle ou telle équipe.
Quelle sera alors la réaction de l’employeur ? On peut craindre que ces salariés ne soient victimes de harcèlement ou de sanctions, menacés de mutation ou de licenciement pour faute, sous un prétexte quelconque.
Nous proposons que leur soit étendue la protection prévue à l’article L. 2421-3 du code du travail pour les salariés membres du comité d’hygiène et de sécurité. Ils traitent en effet les mêmes problématiques que ces derniers.
Je rappelle que cet article du code du travail dispose que le licenciement d’un membre du CHSCT doit être soumis au comité d’entreprise et, à défaut, pour autorisation, à l’inspecteur du travail.
L’amendement n° 28, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces derniers ne peuvent pas être licenciés sans autorisation préalable de l’inspection du travail, durant la période d’accomplissement des missions visées à l’alinéa précédent, et durant une période de douze mois suivant la fin de celle-ci.
« L’employeur qui décide d’opter pour la nomination d’un ou plusieurs salariés pour s’occuper des activités de protection et de prévention est tenu d’opérer ce choix parmi les salariés recrutés par son entreprise en contrat à durée indéterminé et dont la période d’essai et de renouvellement est expirée.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent.
Il nous paraît impératif d’adopter des mesures d’encadrement afin d’éviter que des abus ne soient commis.
Chacun sait que s’intéresser aux questions de santé au travail peut conduire à formuler des observations parfois dérangeantes, à proposer des modifications pouvant ne pas être au goût de l’employeur ou à demander l’intervention d’acteurs extérieurs à l’entreprise, notamment l’inspection du travail, ce qui n’est jamais bien perçu par le patronat.
En commission des affaires sociales, Mme la rapporteur l’a rappelé, des médecins du travail nous ont fait part des obstacles qu’ils rencontraient dans l’exercice de leur activité professionnelle. Certains ont même parlé de harcèlement.
Cette situation n’est pas nouvelle. Georges Clemenceau, qui était à la fois homme politique et médecin, ne déclarait-il pas déjà en 1906, dans le journal L’Aurore, que « les médecins du travail sont considérés comme des gêneurs par les employeurs » ?
C’est précisément pour cette raison que la loi leur accorde une protection particulière, celle dont bénéficient les salariés protégés.
Or nous constatons que vous n’avez pas prévu une telle protection pour les salariés désignés par l’employeur pour s’occuper de la protection et de la prévention des risques professionnels. Cela nous fait craindre que ces salariés ne soient pas des « gêneurs » – mais alors comment pourront-ils accomplir pleinement leur mission ? – ou que les employeurs les empêchent de les gêner, en utilisant contre eux des procédures disciplinaires si, d’aventure, ils « s’égaraient » en prenant des positions ne les satisfaisant pas.
Si vous souhaitez sincèrement que ces salariés puissent jouer un rôle véritablement positif en matière de santé au travail, il faut tout faire pour que leur intervention ne soit jamais entravée, soit par l’action directe des employeurs, soit par une forme d’autocensure inspirée par la crainte d’éventuelles sanctions.
C’est pourquoi nous proposons que ces salariés ne puissent être licenciés, durant la période d’accomplissement de leur mission et dans les douze mois qui suivent, sans autorisation préalable de l’inspection du travail. De la même manière, afin d’éviter que la situation de précarité des salariés en question puisse entrer en ligne de compte, nous entendons préciser que l’employeur n’aura le droit de désigner que des salariés recrutés par son entreprise sous contrat à durée indéterminée et dont la période d’essai et de renouvellement est expirée.
Ces mesures de protection, que nous qualifierons de garanties minimales, nous semblent pouvoir être adoptées sans difficulté. Nous espérons donc qu’un sort favorable leur sera réservé !
L'amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le ou les salariés ainsi désignés par l'employeur bénéficient à leur demande d'une formation en matière de santé au travail dans les conditions prévues aux articles L. 4614-14 à L. 4614-16.
La parole est à M. Guy Fischer.
Aux termes de l’alinéa 22 de l'article 1er, l’employeur « désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise ».
Mes chers collègues, cette rédaction ne nous satisfait pas. S’il est fait référence aux compétences des salariés en question, celles-ci ne sont pas précisées et aucun dispositif ne prévoit actuellement de les renforcer.
Pourtant, compte tenu de l’apparition de nouvelles formes de troubles musculo-squelettiques et de l’émergence rapide de troubles psychosociaux très divers, il est impératif de mettre en place une véritable formation dans ce domaine.
Les médecins du travail consacrent un tiers de leur temps d’activité à la formation. Or, curieusement, vous ne prévoyez, pour les salariés mentionnés à cet alinéa 22, aucune formation en matière de santé au travail. Vous supposez sans doute qu’ils sont déjà suffisamment formés.
Pourtant, la santé au travail, parce qu’elle est étroitement liée à l’humain, à l’économique, à l’évolution technologique, apparaît comme une matière mouvante, caractérisée par une accumulation régulière des savoirs et des connaissances.
Ce constat nous a amenés à déposer le présent amendement, afin que les salariés nommés par l’employeur pour s’occuper des questions de santé puissent obtenir, à leur demande et à tout moment, des formations spécifiques en la matière, celles qui sont prévues pour les élus aux CHSCT.
L'amendement n° 7, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer les mots :
peut faire appel
par les mots :
fait appel
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Cet amendement a pour objet de revenir au texte initial de la proposition de loi. On ne peut, en effet, à la fois regretter que la sécurité ne soit pas pleinement assurée dans toutes les entreprises et maintenir le caractère facultatif du recours aux intervenants en prévention des risques professionnels.
Il faut une politique volontariste dans ce domaine, d’autant que l’activité des services de santé interentreprises ne sera pas favorisée par une démographie médicale déficitaire, des regroupements régionaux de services et un manque de moyens chronique.
Il convient donc de préciser dans la loi, par l’emploi de l’impératif, que l’employeur doit faire appel à un service de prévention pour organiser la prévention et la protection des salariés dans son entreprise.
Il s’agit ici non pas d’interférer dans le choix de l’organisme spécialisé par l’employeur, mais bien d’indiquer que ce dernier ne saurait se dispenser de mettre en place une politique active de protection et de prévention dans l’entreprise, conformément à ses responsabilités.
L'amendement n° 8, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Compléter cet alinéa par les mots :
et intervenant exclusivement dans ce domaine
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Cet amendement vise à répondre à une évolution qui nous paraît préjudiciable au professionnalisme des organismes de prévention des risques. Nous proposons, par précaution, de revenir au texte initial de la proposition de loi.
En effet, un mouvement de concentration et de rachat d’entreprises existe aussi dans le secteur des organismes spécialisés dans la sécurité au travail. Manifestement, ce mouvement n’a pas pour objectif principal une amélioration de la compétitivité à l’échelon international ou le rachat de concurrents dangereux.
En fait, il s’agit d’opérations de concentration dans les services aux entreprises, menées afin notamment de réaliser des économies d’échelle. Pourquoi pas, mais le corollaire en est que ces organismes privés de services comportent différentes branches, parmi lesquelles le secteur de la prévention des risques se trouve dilué. En soi, cela n’est pas un problème, mais si une entreprise fait appel aux services d’un tel organisme privé pour accomplir une mission de conseil portant sur des domaines très différents, n’y a-t-il pas dès lors un risque sérieux que les préconisations en matière de prévention et de protection des salariés d’une entreprise soient quelque peu « retenues », afin de préserver les autres marchés de consulting obtenus, souvent plus gratifiants et rémunérateurs ?
Cette question commence à se poser sérieusement, et nous devons prémunir les salariés contre une telle dérive. Tel est l’objet de notre amendement.
L’adoption de l’amendement n° 27 obligerait l’employeur à désigner des intervenants en prévention des risques extérieurs à l’entreprise. Cela pourrait être déresponsabilisant pour les acteurs de l’entreprise. En outre, une telle mesure ne me semble pas efficace pour prévenir les risques et améliorer les conditions de travail. Un tel objectif devrait mobiliser l’ensemble des énergies et des compétences. La commission émet donc un avis défavorable.
La proposition de loi prévoit que « l’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels au sein de l’entreprise ». La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 5 rectifié, qui vise à remplacer le mot « compétents » par les mots « disposant de qualifications reconnues par des titres ou des diplômes ».
À titre personnel, cependant, je suis plus réservée, car j’estime qu’un tel amendement constitue un mauvais signal pour tous les salariés qui ont acquis sur le terrain une compétence évidente en matière de protection, de prévention et de conditions de travail. Lorsqu’un ouvrier travaille sur une chaîne ou sur une machine depuis vingt ans, ne peut-on lui reconnaître, hors de tout diplôme ou titre, une compétence ? N’est-il pas mieux à même d’améliorer les conditions de sécurité et de travail qu’un jeune diplômé généraliste, sans connaissance du terrain et extérieur à l’entreprise ? Cela va à l’encontre de la reconnaissance et de la valorisation des acquis de l’expérience, que nous soutenons pourtant tous.
La rectification opérée à l’instant par M. Godefroy répond partiellement à ces interrogations. Je précise que les actions des personnes en question viennent naturellement en complément et ne sauraient se substituer à celles des médecins du travail, dont le rôle doit rester prééminent.
En tout état de cause, un décret devra préciser les modalités d’application de ce nouvel article du code.
L’amendement n° 6 tend à assurer aux salariés désignés par l’employeur pour s’occuper de la prévention des risques professionnels une protection identique à celle dont bénéficient les délégués du personnel en cas de licenciement.
Une telle mesure ne pourrait que décourager les employeurs et empêcher le développement d’une relation de confiance en matière de prévention des risques. Il est probable que peu d’employeurs utiliseront cette procédure si l’amendement est adopté. Ils feront appel à des organismes extérieurs, alors qu’il est sûrement plus pertinent d’engager une dynamique au sein de l’entreprise elle-même. La commission est défavorable à l’amendement n °6, de même qu’à l’amendement n° 28, qui relève de la même philosophie.
L’amendement n° 29 rectifié prévoit que le salarié désigné par l’employeur pour s’occuper de prévention des risques bénéficiera, à sa demande, d’une formation, comme cela est déjà prévu dans le code du travail pour les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Même s’il existe déjà une obligation générale de formation pour la sécurité au travail, cet ajout peut être utile, car il concerne les salariés désignés par l’employeur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
En ce qui concerne l’amendement n° 7, le nouvel article L. 4644-1du code du travail dispose que « l’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection ou de prévention des risques professionnels de l’entreprise ». À défaut, si l’entreprise ne dispose pas de cette compétence, l’employeur fait appel à un intervenant extérieur habilité, appartenant soit au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère, soit à un organisme interprofessionnel qualifié.
L’expression « peut faire appel » a été utilisée pour ne pas organiser de hiérarchie entre les recours externes et donner à l’employeur de la souplesse pour choisir un organisme compétent, lorsqu’il ne dispose pas de ressources en interne. Par exemple, le secteur du bâtiment a créé depuis longtemps un organisme de prévention, dont l’action est reconnue. Pour les entreprises de ce secteur, peut-être sera-t-il plus pertinent de recourir à cet organe plutôt qu’à leur service de santé. Il est donc préférable d’en rester à la rédaction actuelle du texte. La commission est défavorable à l’amendement n° 7.
L’amendement n° 8 a pour objet de restreindre cette possibilité de recourir à une compétence extérieure à l’entreprise aux intervenants œuvrant « exclusivement dans ce domaine ». Est-ce à dire qu’une personne habilitée, mais qui consacre 10 % de son temps à autre chose que la prévention des risques, est moins compétente qu’un intervenant complètement spécialisé dans la protection et la prévention des risques professionnels ? Ce qui importe, c’est la qualité de la procédure de reconnaissance de la qualification. En outre, qui va contrôler que l’intervenant se consacre exclusivement à ce domaine ? La commission est défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 27, car il ne souhaite pas que les possibilités d’appel à des compétences en matière de santé au travail soient restreintes.
Il est également défavorable à l’amendement n° 5 rectifié bis. Un excès de formalisme peut priver de compétences nécessaires. Les principes généraux de prévention des risques professionnels prévoient déjà la prise en compte des compétences et des capacités des salariés pour exercer les fonctions qui leur sont confiées.
Sur l’amendement n° 6, l’avis est défavorable, car les salariés en question ne sont pas élus, n’ont pas de pouvoir normatif ni même de mandat représentatif. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir pour eux une protection analogue à celle dont bénéficient les représentants des salariés au CHSCT.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 28.
En ce qui concerne l’amendement n° 29 rectifié, cette disposition est déjà prévue dans le cadre de l’obligation générale de formation à la santé et à la sécurité inscrite dans le code du travail. L’avis est donc défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 7, car une telle rédaction obligerait l’employeur à recourir aux IPRP, alors qu’il peut très bien trouver réponse à ces questions auprès des services des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, ou des salariés désignés à cet effet.
Enfin, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 8, car son dispositif tend à restreindre le vivier des intervenants potentiels.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 27.
La proposition de loi fait référence à des salariés compétents pour « s’occuper » des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
Monsieur le ministre, madame la rapporteur, vous qui proclamez votre attachement à la préservation de la santé des travailleurs, vous m’accorderez que l’emploi d’un tel verbe est pour le moins malvenu : des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise ne constituent pas une simple « occupation » !
J’évoquerai maintenant brièvement les autres amendements faisant l’objet de la discussion commune.
En ce qui concerne la formation des salariés désignés par l’employeur, je ne comprends pas que vous puissiez nous dire qu’elle est déjà prévue dans le code du travail, monsieur le ministre. En effet, l’instauration de cette catégorie d’intervenants est une innovation du présent texte… L’article du code du travail que vous avez mentionné ne peut donc concerner ces salariés.
Vos réponses sur l’ensemble des amendements ne m’ont nullement convaincue de la pertinence des dispositions des alinéas 22 et 23 de l’article 1er, qui faisaient d’ailleurs partie des points faibles de la proposition de loi relevés par les organisations syndicales.
Je mets aux voix l'amendement n° 27.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Exclamations sur les travées du groupe CRC -SPG.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 141 :
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 5 rectifié bis.
Je regrette, monsieur le ministre, que vous vous opposiez à cet amendement.
Nous nous sommes beaucoup interrogés sur ces salariés désignés par l’employeur pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels. Après examen, il nous est apparu qu’il existe en effet des personnes qui font de la prévention – des « préventeurs » – dans un certain nombre de grandes entreprises. Après tout, pourquoi des salariés ne pourraient-ils pas se consacrer à des tâches de prévention, en s’intéressant aux conditions de travail ou à l’organisation des postes de travail, par exemple ?
Toutefois, il serait utile que ces salariés puissent bénéficier d’une formation. Si elle est déjà dispensée dans certaines grandes entreprises où les acquis de l’expérience sont reconnus, on peut craindre que, en revanche, dans des entreprises de taille plus modeste, le salarié désigné par l’employeur soit par exemple un spécialiste du management, qui n’aura pas forcément la même conception de la protection et de la prévention des risques professionnels que le médecin du travail…
Je ne prétends pas que la rédaction que nous proposons soit parfaite, mais il conviendrait en tout état de cause de se garantir contre ce risque de dérives.
Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, et celui du Gouvernement défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
À titre personnel, je persiste à penser que le scrutin public est une procédure inadaptée.
En effet, je ne trouve pas normal qu’un sénateur puisse voter pour 180 de ses collègues ! Ce mode de scrutin devrait être revu. Je m’interroge même sur sa constitutionnalité. En tout état de cause, il favorise l’absentéisme, particulièrement regrettable quand il s’agit d’un sujet aussi important que l’organisation de la médecine du travail. Une personne ayant assisté à notre débat ne manquera pas de sourire à la lecture des résultats des scrutins dans le Journal officiel !
J’estime qu’une telle pratique, contre laquelle je m’élève régulièrement, porte atteinte à la démocratie.
Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Je vous rappelle que le scrutin public existe depuis 1958 et a été validé par le Conseil constitutionnel, ainsi que par le groupe de travail sur la réforme du règlement du Sénat.
Tous les groupes politiques m’ont d’ailleurs suivi pour réglementer la procédure, qui était auparavant quelque peu désordonnée…
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement est adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’amendement n° 8.
À mes yeux, la pluridisciplinarité pose un problème non pas de compétence, mais de conflit d’intérêts. Cet amendement avait précisément pour objet d’écarter tout risque à cet égard, car des groupes privés de consultants actifs dans plusieurs secteurs pourraient être tentés de faire passer la sécurité et la santé des travailleurs après certaines demandes de l’entreprise qui les aura mandatés. Gardons bien cela à l’esprit !
L’amendement n’est pas adopté.
L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Remplacer les mots :
services de prévention des caisses de sécurité sociale
par les mots :
caisses d'assurance retraite et de la santé au travail
La parole est à Mme Annie David.
Les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, ont succédé aux caisses régionales d’assurance maladie, les CRAM, et jouent actuellement un rôle particulier en matière de santé au travail, puisque, pour reprendre les propres termes du directeur général de la CARSAT Rhône-Alpes, M. Jacques Kiner, elles s’attachent « à rendre meilleure la sécurité dans les entreprises, en veillant à l’application de la réglementation et en assurant une mission de conseil permanent ».
Leur organisation repose, comme celle des CRAM avant elles, sur une équipe pluridisciplinaire composée d’ingénieurs, de techniciens, d’ergonomes, de formateurs. Elles assurent ainsi une prise en charge globale des besoins des entreprises en matière de diagnostics et de prévention. Autrement dit, elles répondent parfaitement aux exigences de compétences, de coordination et de complémentarité posées à l’article 1er.
Or, curieusement, alors que le texte examiné en première lecture par l’Assemblée nationale mentionnait les CARSAT, sa rédaction actuelle n’y fait plus référence, sans que cette suppression soit accompagnée de justifications admissibles. Nous y voyons, pour notre part, une nouvelle expression de votre refus du paritarisme, puisque les deux commissions qui assistent le conseil d’administration de ces instances, ainsi que ce dernier, sont composés à parité de représentants des salariés et de représentants des employeurs. Voilà une démonstration supplémentaire qu’une véritable gestion paritaire est possible !
La longue expérience des CARSAT, héritée des CRAM, s’exprime dans le cadre des programmes de prévention définis par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. Ces organismes nous semblent pouvoir être des acteurs intéressants dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, c’est pourquoi nous souhaitons leur association au dispositif du texte.
Cet amendement vise en fait à prendre acte du changement d’appellation des CRAM. La commission émet un avis favorable.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 56, présenté par Mme Payet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Compléter cet alinéa par les mots :
et au plus tard le 1er janvier 2012
La parole est à Mme le rapporteur.
Cet amendement tend à préciser la date d'entrée en vigueur du nouvel article L. 4644–1 du code du travail.
L'amendement est adopté.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article 1er.
Afin d’honorer une promesse que j’ai faite à des verriers de Givors, je voudrais revenir sur certains points que j’ai déjà abordés à l’occasion d’autres débats.
Selon nous, la proposition de loi que nous examinons vise à exonérer les entreprises de leurs responsabilités en matière de santé au travail, en aggravant ainsi la situation actuelle, qui est déjà insuffisamment protectrice pour les salariés.
Je voudrais, à cet instant, évoquer l’exemple de la verrerie de Givors, dans le département du Rhône, qui a fermé ses portes en 2003, jetant ses salariés à la rue et laissant un sol gravement et irrémédiablement pollué.
Cette pollution avait été constatée en 2006 par une expertise qui avait conduit le préfet à prendre des mesures d’interdiction de certaines activités sur le site. En revanche, aucune action n’avait été diligentée en direction des anciens verriers.
Or, cinq ans après la démolition de la verrerie, un taux de mortalité surprenant et l’apparition de multiples pathologies ont conduit d’anciens salariés à mener une enquête de santé auprès de leurs collègues et des familles des disparus.
Les conclusions de cette enquête furent sans appel : le taux de cancers parmi les anciens verriers était dix fois supérieur à celui que l’on pouvait alors constater dans la population ouvrière.
Les anciens verriers réclament des attestations individuelles d’exposition à des produits toxiques à l’entreprise OI Manufacturing, qui a succédé à leur ancien employeur, BSN Glasspack, afin de pouvoir faire reconnaître leurs maladies professionnelles. Mais cette entreprise pratique la politique de la chaise vide et refuse de transmettre ces attestations, malgré les multiples documents prouvant l’utilisation de produits toxiques classés comme cancérogènes.
C’est d’ailleurs pour cette raison, monsieur le ministre, que je me propose, au nom de ces anciens salariés, de vous soumettre prochainement ce dossier.
L'article 1 er est adopté.
Le chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4624-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624-3. – I. – Lorsque le médecin du travail constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver.
« L’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
« II. – Lorsque le médecin du travail est saisi par un employeur d’une question relevant des missions qui lui sont dévolues en application de l’article L. 4622-3, il fait connaître ses préconisations par écrit.
« III. – Les préconisations du médecin du travail et la réponse de l’employeur, prévues au I et au II, sont tenues, à leur demande, à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l’article L. 4643-1. » –
Adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente.