En effet !
Ainsi, monsieur le ministre, vous prétendez ne pas comprendre pourquoi nous préférons le terme « mission » à celui de « priorité ». Or, pour nous, la mission de préserver la santé des travailleurs est, en soi, la priorité. Par conséquent, comment définir des priorités au sein de cette priorité ?
Tout à l’heure, nous avons évoqué le drame de l’amiante, que la médecine du travail a malgré tout pu prendre en compte, même si ce fut trop tardivement. Que se serait-il passé si, à l’époque, elle s’était trouvée déjà placée sous la tutelle du patronat, avec des « priorités » définies sous l’influence de celui-ci, en fonction de considérations locales ? Monsieur le ministre, la médecine du travail relève de la santé publique. Il s’agit d’un enjeu national.
Certes, il faut prendre en compte les spécificités locales pour mettre en place des politiques de prévention. Cela va de soi. Or, d’habitude, vous nous dites qu’il est inutile d’inscrire dans la loi ce qui tombe sous le sens, comme vous l’avez fait tout à l’heure à propos des prescriptions des médecins. Dans le même esprit, puisqu’il est tout à fait logique que les services de santé au travail s’adaptent aux réalités locales, pourquoi le préciser dans la loi ?
Ce que vous êtes en train de faire est dramatique pour les services de santé au travail, dont l’action concerne 14 millions de salariés dans notre pays. J’observe d’ailleurs que vous ne parlez même pas de ceux qui relèveront des services de santé dits « autonomes » : il n’en est jamais question ! Dans les entreprises concernées, les médecins du travail continueront donc à agir à leur guise en matière de prévention et de suivi des salariés.
La médecine du travail aurait mérité un vrai débat, une réflexion de fond associant l’ensemble des parties prenantes. Nous ne pouvons accepter vos explications, monsieur le ministre. J’ai l’impression de parler dans le vide, de m’agiter vainement, tel Don Quichotte, et cela m’est d’autant plus insupportable que je vis dans une vallée industrielle où beaucoup d’ouvriers meurent de cancers dus à une exposition à l’amiante ou aux éthers de glycol, d’accidents du travail. Nombre de salariés espéraient que cette réforme de la médecine du travail déboucherait sur une amélioration, même modeste, de leur vie quotidienne dans l’entreprise. Or non seulement ils n’obtiendront rien, mais vous donnez tout pouvoir aux entreprises pour mettre en place de nouvelles formes d’organisation du travail néfastes aux employés, aux ouvriers, aux techniciens et aux cadres !