Intervention de Annie David

Réunion du 27 janvier 2011 à 21h30
Médecine du travail — Article 3

Photo de Annie DavidAnnie David :

La question de la gouvernance des services de santé au travail revêt, pour les professionnels comme pour nombre d’entre nous, au-delà d’ailleurs des clivages politiques traditionnels, une importance particulière, comme en témoigne le nombre d’amendements identiques déposés sur cet article.

En soi, il nous importe peu de savoir qui aura la responsabilité de diriger les services de santé au travail, mais la réponse à cette question n’est pas sans conséquence sur un élément fondamental, à savoir la définition des missions de ces instances et l’indépendance des médecins du travail et des membres de l’équipe pluridisciplinaire dans l’accomplissement de ces missions.

Les défenseurs de cet article prétendent qu’il faudrait conserver ce mode particulier de paritarisme, au motif, selon les termes du rapport de Mme Payet, que « cette règle découle naturellement des modalités de financement des services de santé, assuré exclusivement par les cotisations des entreprises adhérentes, et de la responsabilité des employeurs en matière de santé et de sécurité des salariés ». Ils oublient que celui qui paie est, en l’occurrence, celui qui est à l’origine du risque.

Une telle conception de la santé au travail est des plus préoccupantes. En effet, ne perdons pas de vue que le principe du financement patronal repose sur une réalité : ce sont d’abord et avant tout les salariés qui souffrent d’un travail lui-même de plus en plus malade ; ce sont les salariés qui sont victimes de troubles musculo-squelettiques ou psychosociaux, ou encore de cancers liés à l’inhalation de produits toxiques. Toutes ces maladies affectent leur espérance et leur qualité de vie.

C’est pour cette raison qu’il est légitime que l’employeur assume le financement des mesures de prévention et de protection de la santé des salariés. L’employeur, mes chers collègues, ne doit tirer aucun avantage de cette catégorie particulière que l’on appelle la responsabilité sociale. Ce que vous appelez paritarisme, et qui consacre en fait la prédominance patronale, n’en est pas, et nous ne saurions accepter que la gouvernance des services de santé au travail soit ainsi abandonnée à ceux qui génèrent les risques que ces services sont censés prévenir et réduire.

Pour autant, nous ne considérons pas qu’il faille écarter les employeurs de la gouvernance. Ceux-ci doivent être pleinement associés à la direction des services de santé au travail, car ils sont, à leur manière, en prenant la mesure des besoins et des adaptations à apporter, des acteurs incontournables de la santé au travail.

Ce paritarisme que nous souhaitons instaurer au travers de ces amendements est aussi source de transparence. Cet acharnement à ne pas vouloir entendre nos arguments nous laisse plus que perplexes : qu’a donc à cacher le patronat, qu’il ne veuille pas de cette transparence ? Quel prochain drame, après celui de l’amiante, craint-il que les salariés ne découvrent ? Ne veut-il pas admettre la nécessité de revoir le management dans de trop nombreuses entreprises ? Ne s’agit-il que d’un problème de financement ?

Faire systématiquement présider par un représentant du collège employeurs les conseils d’administration des services de santé au travail et lui octroyer une voix prépondérante, c’est accepter que les missions mêmes des médecins du travail soient toujours définies par les employeurs. C’est aussi prendre le risque de construire une médecine du travail dont les missions ne dépendent que d’intérêts particuliers, et non d’intérêts généraux.

Notre refus d’une telle perspective nous conduira à présenter un amendement de réécriture de l’article et à voter contre celui-ci si vous refusez de retenir une conception plus classique, mais surtout plus juste, du paritarisme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion