Les articles 18 à 24 sont relatifs aux hospitalisations sans consentement ; il s'agit d'un ensemble de mesures privilégiant la sécurité au détriment du soin. Nous l'avons déjà dit en commission, elles n'ont pas leur place dans ce texte, et nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à le penser. C'est la raison pour laquelle nous en proposerons tout à l'heure la suppression.
Sous couvert de garantir la sécurité de tout un chacun, ces mesures légitiment l'enfermement de l'autre. Bien loin de la prise en compte de la santé de l'individu et de la fragilité de certaines personnes, elles confortent nos concitoyens dans la vieille peur du malade mental. Cette façon d'aborder la question de la santé mentale sous l'angle exclusif de la sécurité, outre qu'elle procède essentiellement d'un affichage, est choquante et regrettable.
L'amalgame réalisé de fait entre troubles mentaux, dangerosité et délinquance jette ainsi une vision redoutable sur les patients comme sur la psychiatrie, en ruinant tous les efforts entrepris depuis des années. On est bien loin ici des recommandations de l'OMS, qui fait de la lutte contre la stigmatisation l'un des axes de sa politique de santé mentale.
D'un point de vue sanitaire, ces dispositions sont en rupture totale avec l'ouverture d'une pratique fondée sur l'observation clinique, le partenariat et la confiance.
Notre amendement traite de l'obligation de soins et de la période d'observation. Sans être exhaustif, il s'inspire des recommandations formulées dans le rapport conjoint de l'IGAS - inspection générale des affaires sociales - et de l'IGSJ - inspection générale des services judiciaires - de mai 2005 et aussi, pour une part, du rapport de l'IGPN - inspection générale de la police nationale - et de l'IGGN - inspection générale de la gendarmerie nationale -, rapports dont il apparaît ainsi clairement qu'il n'a été fait qu'une exploitation partielle dans l'élaboration du projet de loi.
Cet amendement met en avant l'obligation de soins, l'hospitalisation devenant une modalité des soins. En effet, à côté de l'hospitalisation, il existe d'autres modalités de soins qui sont d'ailleurs susceptibles d'être combinées entre elles. Peut-être un court rappel historique est-il nécessaire à cet égard.
Grâce à la loi fondatrice de 1838, la personne atteinte de troubles mentaux est considérée comme un malade nécessitant des soins. Pour les médecins qui ont inspiré cette loi, le malade mental est un malade qui peut guérir ; l'hôpital est, selon eux, le lieu où cette guérison peut être obtenue. Les premiers aliénistes pensaient que la mise à l'écart du milieu social et l'instauration d'un régime d'existence ordonné avaient des vertus thérapeutiques décisives. La loi de 1838 met donc en place une politique de soins en prévoyant l'implantation d'un asile dans chaque département français.
Cependant, en matière de soins, la doctrine psychiatrique a progressivement évolué. Pour certains malades, l'isolement se révèle inadapté. De nouvelles modalités de soins se sont donc développées - sorties d'essai et soins ambulatoires - afin de « favoriser la guérison, la réadaptation et la réinsertion sociale » des personnes malades. C'est le développement du milieu ouvert et des soins ambulatoires qui permet de traiter des personnes souffrant de troubles mentaux tout en les maintenant dans la cité.
C'est pourquoi une réforme globale de la loi de 1990 est nécessaire.
Cet amendement pose aussi le principe d'une période d'observation de 72 heures avant toute prise en charge obligatoire en offrant la possibilité d'un soin, contraint ou non, en dehors de l'hôpital ; il s'inscrit dans une optique de « mieux-soigner » et de respect les droits des personnes malades. C'est encore l'une des propositions des différents rapports administratifs précités.
Comme le précise l'IGAS, « quelques jours de recul par rapport aux circonstances ayant conduit la personne à l'hôpital peuvent en effet se révéler utiles pour étayer un diagnostic, engager une démarche thérapeutique, évaluer les réactions du patient après le début du traitement ou une mesure de contention, et enfin orienter le patient vers la forme de prise en charge la plus pertinente ». En effet, il nous semble que la qualité du diagnostic et de la thérapeutique est la meilleure garantie d'une prévention efficace des comportements potentiellement dangereux pour autrui comme pour les personnes elles-mêmes.
Voilà la direction dans laquelle il faudrait aller plutôt que de modifier les règles de l'hospitalisation d'office en ne prenant en compte, comme c'est le cas dans ce projet de loi, que des préoccupations sécuritaires.