Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 19 septembre 2006 à 21h30
Prévention de la délinquance — Article 18

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Cet article 18, s'il est adopté, va profondément modifier les pratiques en matière de soins psychiatriques, et ce dans un sens très inquiétant.

Monsieur le ministre, les changements que vous souhaitez introduire dans la procédure de sortie d'essai sont loin d'être anodins.

En effet, la loi de 1990, qui a prévu ces sorties d'essai, donne la possibilité à certains malades de recommencer à vivre à l'extérieur de l'hôpital, y compris sur des périodes relativement longues.

Ce dispositif, assez souple, permettait jusqu'ici au médecin de laisser son patient reconstruire sa vie en société, progressivement, parfois même sur plusieurs années. Et si des troubles survenaient de nouveau, si le traitement se révélait inefficace, le patient pouvait immédiatement réintégrer le service, sans nouvelle procédure d'hospitalisation sous contrainte.

De l'avis des professionnels, la souplesse du dispositif garantissait son efficacité.

Or, à travers cet article, vous souhaitez que soit mentionné sur la décision de sortie, outre les coordonnées précises de résidence du patient, le calendrier des visites médicales obligatoires.

Cette obligation de soins à l'extérieur recèle de nombreux effets pervers. En particulier, le malade serait dorénavant obligé de se présenter à chaque contrôle, sous peine de se voir immédiatement enfermé de nouveau.

Le caractère coercitif et systématique d'un tel dispositif est loin de correspondre à la réalité des pratiques en matière de traitement psychiatrique.

Le suivi de long terme du malade passe nécessairement par une adaptation à son évolution et à ses réactions aux évènements extérieurs. Comment cela sera-t-il encore possible si cet article est voté ?

Enfin, s'agissant du 2° de cet article, je m'interroge de la même manière : faut-il impérativement que le maire soit informé des allées et venues des malades dans sa commune, alors que le préfet l'est déjà ? Quelles peuvent être les visées d'une telle démarche ? Malheureusement, il ne peut s'agir que d'accroître le contrôle policier sur les personnes qui souffrent de troubles mentaux.

On est bel et bien ici au coeur de la confusion entre psychiatrie et délinquance, d'ailleurs dénoncée par mon collègue François Autain dans son intervention.

Cette confusion, dont l'objet politicien n'aura échappé à personne, est particulièrement dangereuse.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je demande la suppression de cet article, comme le demandent également l'ensemble des professionnels et des familles concernés.

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