Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 19 septembre 2006 à 21h30
Prévention de la délinquance — Article 20

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

L'article 20 de ce projet de loi modifie l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, relatif à l'hospitalisation sur demande d'un tiers.

Il s'agit, selon l'exposé des motifs, de mettre fin à la superposition des régimes d'hospitalisation et d'exclure de l'hospitalisation à la demande d'un tiers les personnes dont les troubles portent atteinte à la sûreté des personnes ou, de façon grave, à l'ordre public.

Rappelons que la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, modifiée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, tout en posant le principe du consentement des personnes atteintes de troubles mentaux à leur hospitalisation, a aussi prévu l'exception de l'hospitalisation sans consentement selon deux modalités : l'hospitalisation sur demande d'un tiers et l'hospitalisation d'office.

Si ces deux procédures d'hospitalisation sans consentement répondent dans les textes à des critères différents, elles sont, dans la réalité, extrêmement imbriquées. En principe, en cas de menace pour l'ordre public, c'est l'hospitalisation d'office qui s'applique.

Dans la pratique, notamment en cas de crise aiguë, les acteurs de l'urgence soulignent que cette procédure longue à mettre en oeuvre est souvent inappropriée. En règle générale, on constate que l'hospitalisation d'office est aussi souvent considérée comme un ultime recours en raison de son caractère complexe, mais aussi stigmatisant pour le malade.

Quoi qu'il en soit, soulignons-le, dans le cas invoqué pour justifier un tel article, c'est-à-dire celui d'une personne qui s'avérerait réellement dangereuse pour la société, la possibilité de transformer une hospitalisation à la demande d'un tiers en une hospitalisation d'office existe toujours. Cette prérogative appartient au préfet ! Qu'il l'exerce...

On comprend mal alors pourquoi ce projet de loi, sous couvert de protéger le « bon citoyen », remet en cause des équilibres très fragiles entre les différents types d'hospitalisation. Il faudrait un large débat, qui n'est pas ouvert. Il le sera peut-être le 25 septembre, monsieur le ministre !

En outre, ce clivage définitif instauré entre hospitalisation d'office et hospitalisation à la demande d'un tiers ne résiste pas à l'expérience clinique de l'immense majorité des psychiatres, qui se sont d'ailleurs majoritairement prononcés contre un tel projet. Selon les derniers courriers reçus, seize présidents d'associations de psychiatres ont exprimé des remarques très dures sur ce projet de loi.

Dans un communiqué commun daté du 11 septembre, ils s'insurgent contre cet article 20, puisque, en opérant une distinction radicale entre les deux modes d'hospitalisation sous contrainte, « l'exercice de la psychiatrie se trouve déterminé, non plus par l'absence de consentement aux soins, mais par l'absence de trouble potentiel, ou actuel, à l'ordre public. Le soin au malade ne relève plus de règles issues d'un savoir clinique, ou d'un cadre déontologique, mais d'un impératif préalable sécuritaire. »

Encore une fois, si l'existence de différentes procédures peut créer des difficultés d'application, il conviendrait de procéder à une remise à plat des diverses propositions dans la concertation, pour réaliser une véritable réforme de fond, au lieu de recourir au vote de mesures sécuritaires bien moins efficaces et plus dangereuses.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

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