Mon intervention portera sur les amendements de suppression n° 262 et 265, les articles 21 et 22 portant en effet tous deux sur les nouvelles modalités d'hospitalisation d'office prévues par le projet de loi.
Les dispositions contenues dans ces articles sont certainement les plus attentatoires aux libertés individuelles et les moins respectueuses des droits des malades.
Alors que l'exposé des motifs du projet de loi évoque l'accompagnement « renforcé » des « personnes atteintes de souffrances psychiatriques », par un vilain tour de passe-passe, ces articles confèrent des pouvoirs accrus aux maires et, à Paris, aux commissaires de police, pour les hospitalisations d'office et prolongent de un à trois jours la période d'observation d'un malade en crise, sans plus de contrôle - tout au contraire ! - ni même de garanties pour les patients.
Ainsi, les pouvoirs des maires en matière de déclenchement des hospitalisations d'office, qui sont aujourd'hui temporaires et justifiés par la seule urgence, deviendraient systématiques.
En outre, le certificat médical ne sera plus obligatoirement circonstancié et aucune précision n'est apportée sur son auteur.
Pire, pour les cas faisant l'objet d'un simple avis médical - l'ordre des médecins s'interroge d'ailleurs sur les termes « au vu d'un avis médical » -, aucune spécification n'est donnée sur ce qui relèvera désormais de l'urgence. Aujourd'hui, rappelons-le, la notion d'urgence est limitée au cas de « danger imminent pour la sûreté des personnes », attesté par un certificat médical ou, à défaut, par la « notoriété publique », cas de figure dont nous pouvons bien évidemment nous passer.
Comme si cela ne suffisait pas, l'article va encore plus loin en termes d'atteinte aux libertés individuelles, puisque son deuxième alinéa prévoit que « la personne en cause est retenue » - sans autre forme de procès ! -, « le temps strictement nécessaire et justifié » - sans autre précision ! -, « dans une structure médicale adaptée » - mais l'état de nos hôpitaux psychiatriques, que nous connaissons tous, nous permet-il de disposer, partout, de telles structures ? - dans deux cas : si l'avis médical ne peut être immédiatement obtenu ou si l'arrêté d'hospitalisation a été rendu mais ne peut être « exécuté sur-le-champ » ! On ne peut pas mieux dire !
En d'autres termes, si le médecin contacté est « aux abonnés absents » ou si l'établissement psychiatrique de référence est « complet », le fait de retenir la personne dans une structure médicale adaptée - s'agit-il des urgences des hôpitaux, qui connaissent déjà de grandes difficultés ? - devient donc légitime, sans qu'aucune durée limite ne soit fixée.
Par conséquent, le terrain sécuritaire est, une fois encore, privilégié par rapport au domaine médical. Plus « vicieux » même, on pourra retenir une personne, pour une durée non déterminée, dans une structure médicale - on se demande d'ailleurs de quoi il s'agit ! -, non pas pour la soigner, ni même l'observer, mais, en quelque sorte, pour la « garder à vue ». Se posent, évidemment, tous les problèmes engendrés par les modalités d'exercice d'une contrainte par corps, dont les raisons médicales ne seraient pas avérées, dans un lieu inadapté.
Concernant la période d'observation de soixante-douze heures avant toute prise en charge obligatoire, elle n'apparaît pas scandaleuse si elle permet de limiter le nombre et la durée des procédures de soins sans consentement, à condition - et c'est là toute la difficulté - que cette prolongation de un à trois jours profite effectivement au diagnostic et à l'action thérapeutique. Tout dépend donc de la manière dont elle sera effectuée et organisée et des fins qui seront poursuivies.
On l'aura constaté, l'aspect médical n'étant pas la préoccupation première du ministre de l'intérieur, il ne prévaut pas dans ce texte. On peut donc être sceptique sur les modalités d'application de cet allongement, ainsi que sur le but visé.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° 262, qui vise à supprimer l'article 21 du projet de loi.