Le projet du Grand Paris sera élaboré et enrichi collectivement ou ne sera pas.
Vous avez choisi de mener seul ce projet, restant sourd aux appels des architectes qui pointent ses incohérences. Vous avez travaillé pendant deux ans sur ce texte. C’est un luxe, dans un pays où un préfet dispose parfois d’à peine plus d’un an pour faire ses preuves. Ce fut le cas dans mon département, la Seine-Saint-Denis, où, après quinze mois, et malgré la difficulté de la tâche, le représentant de l’État a été remplacé.
Vous avez ignoré le travail de la région d’Île-de-France, matérialisé dans le schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, dans un mouvement recentralisateur inédit ; vous avez mis en sommeil la Commission nationale du débat public, la CNDP ; vous n’avez eu de cesse d’inventer des procédures dérogatoires au droit commun de la concertation ; vous avez manifesté à chaque instant une inexplicable défiance envers la sagesse et le courage des élus locaux.
Le résultat de ce travail solitaire est sans appel : le Grand Paris se résume à un projet de métro automatique reliant des aéroports à de futurs pôles de développement. Sans avoir levé les incertitudes sur son tracé – nous n’avons toujours pas de plan précis –, sur son financement ou sur son utilité, sans avoir tenu compte des risques en matière d’étalement urbain ou de disparition de terres arables, vous renoncez en revanche à répondre aux véritables attentes des habitants.
Ils le disent pourtant avec force : ils ont besoin de logements et de transports qui puissent les amener plus rapidement sur leur lieu de travail. Ils aspirent aussi à un développement plus harmonieux et à une ville moins inégalitaire et moins violente. Mais c’est exactement l’inverse que vous leur proposez avec ce projet. Vous avez fait le pari de constituer des poches de richesse autour des quarante gares de ce super métro, grâce à la spéculation foncière que vous appelez de vos vœux pour essayer de financer les coûts de fonctionnement colossaux de votre projet.
Où sont les moyens concrets nouveaux dont nous aurions besoin pour créer les logements – on affirme pourtant qu’on veut les construire –, pour résorber l’habitat insalubre, pour traiter la question lancinante du manque d’hébergements d’urgence, pour enrayer la spirale de la violence dans nos quartiers, qui se développe sur fond de trafics, d’armes ou de drogues, ou encore pour restaurer la tranquillité publique dans les transports ?
Jean Desessard ne vous a pas insulté, monsieur le rapporteur, en suggérant que le texte était loin, bien loin des ambitions affichées, et des rêves et des espoirs nés de ces annonces. D’ailleurs, quand on regarde les questions que vous avez vous-même posées, à chaque audition réalisée par la commission spéciale, on constate que beaucoup d’entre elles n’ont pas, à cette heure, trouvé de réponse. Vous ne pouvez pas l’ignorer !
La question est aujourd’hui de savoir si nous sommes en mesure de tirer les leçons de ces expériences pour penser la ville de demain, ou si nous allons au contraire nous enferrer dans l’erreur. Il est malheureusement à craindre que l’autosatisfaction et la méthode Coué ne tiennent lieu de méthode pour la phase qui s’ouvre.