Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « abonnée » aux interventions d’une durée de quatre ou de cinq minutes, je n’aurai pas le temps de revenir sur la question de la formation et de l’affectation de nos diplomates, dont la procédure échappe parfois à la logique la plus élémentaire, s’agissant notamment de la pratique de la langue du pays d’accueil. J’avais traité ce point lors du débat budgétaire consacré à l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », débat malheureusement écourté pour des raisons indépendantes de votre volonté, monsieur le ministre.
Je concentrerai l’essentiel de mon propos sur notre politique à l’égard de l’Iran.
Le pire n’étant jamais certain, Dieu merci, même si d’aucuns s’y étaient préparés, ne faudrait-il pas plutôt se préparer au meilleur s’agissant de cet important pays ?
Monsieur le ministre, pour quelle raison la France a-t-elle adopté des positions de plus en plus dures à l’égard de l’Iran, en particulier depuis l’élection du président Sarkozy ?
La plupart des grandes entreprises françaises présentes en Iran depuis plusieurs années se prononcent contre cette tendance. En outre, personne, à ce jour, n’a évalué les répercussions sur notre commerce extérieur – dont le déficit, faut-il le rappeler, atteint 38 milliards d’euros – de ces politiques de sanctions unilatérales, et ce alors que les possibilités d’engager des coopérations régionales sont de plus en plus nombreuses.
D’ailleurs, l’importance géostratégique de l’Iran n’échappe pas à ses voisins. La preuve en est que le président iranien a été l’invité d’honneur du Conseil de coopération du Golfe, en décembre dernier, à Doha. A contrario, il n’est qu’à considérer l’échec total du voyage qu’a effectué en janvier dernier le président George Bush dans la région, rentré chez lui « les mains vides », pour reprendre les titres de la presse qatarie et des autres pays du Golfe, après avoir tenté de liguer les pays du golfe Persique contre l’Iran.
De même, Son Altesse Cheikh Mohammed Al Maktoum, émir de Dubaï, accompagné d’une très imposante délégation, a effectué un voyage triomphal en Iran voilà quelques semaines. Le journal Khaleedj Times a publié à cette occasion une série d’articles insistant sur le fait que l’Iran était désormais un partenaire essentiel pour la stabilité de Dubaï et des Émirats, en considération des 200 milliards de dollars, selon une estimation, investis par les Iraniens et des nombreux Iraniens possédant un passeport émirati.
Je sais que Son Altesse l’émir de Dubaï se rend à Paris la semaine prochaine. À l’occasion de cette visite, il pourrait être interrogé sur cet important sujet, même si je crois connaître par avance sa position.
Monsieur le ministre, je rentre des États-Unis et j’ai écouté avec beaucoup d’attention l’intervention de John Mac Cain la semaine dernière. Il a promis, s’il était élu, la mise en place d’une politique énergétique indépendante pour les États-Unis afin d’éviter, a-t-il ajouté – c’est là que le propos prend tout son intérêt ! – de nouveaux morts liés à des conflits comme le conflit irakien, dont le seul objectif était de sécuriser l’approvisionnement énergétique de l’Amérique. CQFD ! C’est bien la preuve, s’il en était encore besoin, de ce que le conflit irakien n’était justifié par aucune autre raison.
Pour masquer cet échec, les États-Unis recherchent un bouc émissaire. L’Iran en est un idéal, car, comme Cyrano, il n’abdique par facilement l’honneur d’être une cible, ajoutant parfois la « super-provocation » à la provocation. L’Iran est-il une puissance militaire dont il faut avoir peur ? Ce pays n’a jamais, au cours de son histoire, pris l’initiative d’un conflit armé.
Monsieur le ministre, les chiffres de la CIA, vénérable établissement crédible, sont éloquents quant à la militarisation de la zone. L’Iran consacre 2, 5 % de son PNB à l’armement, les Émirats Arabes Unis, 3, 1 %, l’Arabie Saoudite, 10 %, le Qatar, 10 %, le Koweït, 5, 3 %, Bahreïn, 2, 5 % et Oman, 11, 2 %. Notre commerce extérieur est d’ailleurs fort reconnaissant aux pays du Golfe pour leur politique de surarmement !
Rétablissons le dialogue et les relations économiques, et cessons d’isoler l’Iran alors que les entreprises américaines elles-mêmes y reprennent pied. Faites ce que je dis et pas ce que je fais ! L’Iran compte 78 millions d’habitants et peut se vanter d’avoir le plus haut taux de scolarisation et de réussite des étudiants. C’est aussi un pays qui a une longue histoire et c’est le seul État-nation de la région ; d’où certaines réactions nationalistes.
Notre politique actuelle interdit tout espoir aux réformateurs, lors du prochain scrutin présidentiel. L’isolement renforce les extrêmes et le patriotisme. Il faut ajouter que, parfois, les dirigeants iraniens n’aident pas leurs amis. Toutes les provocations font reculer le dialogue. Les Iraniens sont sous embargo depuis si longtemps qu’ils ont appris à se passer de tout et de tout le monde.
L’Iran a des amis, ni naïfs ni dupes. Ce poker menteur risque de coûter cher. La stabilité de toute la région dépend aussi d’accords économiques et culturels. Je vous l’avoue, monsieur le ministre, j’ai fait un rêve : l’ouverture d’une Alliance française à Ispahan !