Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je souhaite soulever un problème qui me paraît très important : il s’agit du volet social.
En effet, l’agriculture durable ne se limite pas à la prise en compte de l’environnement. Elle se soucie du volet économique – nous sommes tous d’accord –, mais aussi du volet social.
Or, il faut partir d’un constat : aujourd’hui, les conditions de vie des agriculteurs se sont globalement dégradées. La course à la productivité et la fragilisation, aggravée par la crise, aboutissent à une situation extrêmement préoccupante, et le stress est tel qu’en moyenne un agriculteur se suicide chaque jour.
D’un point de vue strictement économique, cette dégradation des conditions de vie conduit aussi à l’absence de reprise des exploitations par les jeunes, ce qui ne va pas dans le sens de la durabilité.
C'est la raison pour laquelle, après cet article 11, je proposerai trois axes de modernisation sociale.
Le premier consiste à reconnaître un statut d’exploitant agricole plus équitable et tenant compte de la réalité, c’est-à-dire mieux adapté aux nouvelles formes d’agriculture que sont, notamment, la pluriactivité, l’installation progressive, ou encore le développement, sur de très petites surfaces, de productions à haute valeur ajoutée, distribuées via des circuits courts.
Le deuxième axe s’intéresse à la situation des cotisants volontaires. Cette notion comprenait initialement quatre catégories de personnes : celles qui, sans exercer d’activité agricole, entretiennent une propriété foncière pour des activités de loisirs ; les associés, qui ne participent pas aux travaux agricoles, mais sont membres d’une société agricole et qui, à ce titre, bénéficient de revenus liés à l’activité de la société ; les retraités, qui conservent une petite surface et continuent de la mettre en valeur ; enfin, les paysans qui exercent une activité agricole sur une surface aujourd'hui inférieure à la demi-SMI – surface minimum d’installation –, ou qui s’installent progressivement, et ne sont aujourd’hui pas reconnus.
En 2005 et 2006, les deux premières catégories ont, de manière assez surprenante, été supprimées. En revanche, les deux dernières ont été maintenues. Les retraités qui exploitent une petite surface ou les paysans installés sur des surfaces inférieures à la demi-SMI cotisent donc aujourd'hui, mais ne bénéficient pas des droits professionnels, à l’exception, depuis 2008, des dispositions relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles et, bientôt, à la formation professionnelle.
Je déposerai donc des amendements visant à introduire une certaine cohérence, afin que l’ouverture du statut de chef d’exploitation tienne compte de la réalité, et que la situation des cotisations volontaires soit clarifiée, dans un esprit de justice.
J’avais déposé d’autres amendements sur deux points qui me paraissent importants sur le plan social : les retraites – je rappelle que le Président de la République s’était engagé à améliorer le système de retraites du monde agricole, notoirement en retard par rapport aux autres régimes – et le statut du conjoint, insuffisamment pris en compte aujourd'hui dans le monde agricole.
Je regrette que ces amendements aient été rejetés au titre de l’article 40, et j’espère que la Haute Assemblée accueillera plus positivement ceux qui portent sur le statut des exploitations.