Intervention de Jacques Muller

Réunion du 28 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 12

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Je me réjouis de l’inscription de ce titre III dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Indiscutablement, plus encore que le titre II, qui traite de la fameuse compétitivité de l’agriculture, il a sa place dans le texte.

Pour autant, le rejet de mes amendements de précision me laisse perplexe, car ceux-ci ne modifiaient en rien le sens du projet de loi, ils permettaient de préciser les choses et, surtout, de lever les ambiguïtés.

D’abord, ils visaient à préciser les choses, je veux parler de l’adaptation aux changements climatiques.

Moderniser l’agriculture dans le sens du développement durable ne se fera pas sans l’évolution de nos systèmes de production agricole. C’est une donnée agronomique incontournable.

Il est évidemment nécessaire de définir le cap en prévoyant des systèmes de production agricole plus autonomes par rapport aux énergies fossiles, qu’il s’agisse d’énergies fossiles directement consommées, comme le gasoil, ou d’énergies fossiles grises, à travers la consommation d’engrais ou de produits phytosanitaires.

L’agronome que je suis est un peu perplexe : le terme « agrocarburant » a été évacué il y a quelques mois par une procédure peu démocratique, à savoir par un scrutin public, lors de la deuxième lecture du Grenelle I ; l’expression « agriculture intégrée » a fait l’objet d’un véritable bombardement et a également été supprimée ; j’ai maintenant l’impression que la notion de « système de production agricole » est un nouveau tabou.

Ensuite, mes amendements tendaient à lever les ambiguïtés du texte, et je reviendrai sur la question des agrocarburants.

Le titre III affichait pour ambition de lutter contre la consommation des terres agricoles, le potentiel des terres agricoles devant être préservé.

Or, en suivant la logique du projet de loi et d’après le titre Ier, ce potentiel doit être préservé pour mettre en œuvre une politique de l’alimentation. Je regrette donc que ce texte laisse la porte ouverte à une reprise des agrocarburants.

L’enjeu est pourtant majeur sur le plan éthique. Je rappellerai ici les mots très durs du rapporteur général des Nations unies sur les agrocarburants, lesquels constituent, selon lui, un crime contre l’humanité.

Je m’en tiendrai, pour ma part, à la position de l’ancien père de la politique agricole commune de 1962, qui a affirmé l’année dernière lors d’un colloque que l’arrêt des agrocarburants constituait un défi majeur pour espérer résoudre la question de la faim dans le monde.

Je regrette que nous n’ayons tout simplement pas eu le courage de lever les ambiguïtés pouvant conduire au retour des agrocarburants.

En conclusion, s’il est bon d’afficher dans ce texte la volonté de réduire la consommation des terres agricoles, je déplore que nous ne soyons pas allés plus loin en fixant des objectifs chiffrés et des dates, afin d’avancer sur le sujet. En effet, je le répète, l’enjeu est majeur, et les freins sont considérables.

Pour ces raisons, je serai malheureusement obligé de voter contre l’article 12.

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