En 2007, le Grenelle de l’environnement donnait lieu à la signature d’un accord historique entre les acteurs forestiers et la société civile : « Produire plus de bois tout en préservant mieux la biodiversité : une démarche territoriale concertée dans le respect de la gestion multifonctionnelle des forêts. » Ainsi, était reconnue la nécessité de mettre au même niveau les fonctions économiques et les fonctions écologiques de la forêt.
Salué en son temps comme « la lumière du Grenelle » par le ministre Michel Barnier, cet accord s’est traduit par l’engagement n° 77 du Grenelle tendant à dynamiser la filière bois tout en protégeant la biodiversité forestière ordinaire et remarquable.
Or force est de constater que cet engagement n’a fait l’objet d’aucune traduction concrète dans ce projet de loi.
En mai 2009, à l’occasion de la visite d’une scierie alsacienne à Urmatt, le Président de la République marquait sa détermination à augmenter la production française de bois. Le texte que nous discutons aujourd'hui semble en effet se contenter d’assurer l’augmentation de la production française de bois.
En mettant en avant le pilier économique du développement durable, ce projet de loi se place en quelque sorte en rupture avec le Grenelle de l’environnement et l’approche équilibrée de la gestion durable dans laquelle se sont engagés les acteurs de la forêt.
La gestion durable est devenue la gestion du « produire plus ».
La gestion forestière durable implique de trouver des équilibres entre les différentes fonctions de la forêt. Ce texte rompt ces équilibres, au mépris des enjeux liés à l’érosion de la biodiversité, alors qu’il existe pourtant des territoires qui aujourd'hui nécessiteraient des démarches spécifiques.
Rappelons que le bois ne représente que 10 % de la valeur économique de la forêt, selon le Centre d’analyse stratégique, dans son rapport intitulé L’approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes.
Il ne s’agit donc pas d’hypothéquer les 90 % restants en compromettant la capacité des forêts à assurer l’ensemble des services environnementaux dont dépendent nos sociétés : la lutte contre les gaz à effet de serre, la protection des sols et des eaux, la prévention des risques naturels, la préservation de la diversité biologique.
Ainsi, malgré l’engagement pris d’enrayer le déclin de la biodiversité, le Gouvernement s’illustre par un total désintérêt pour la question, et ce alors même que l’année 2010 a été déclarée « année internationale de la biodiversité ».
À cet égard, je prendrai deux exemples.
Certes, les plans pluriannuels régionaux de développement forestier et les stratégies locales de développement forestier, les SLDF, introduisent bien une approche territoriale de la proposition du Grenelle, nécessaire à l’appropriation collective des projets, mais ils créent un déséquilibre entre les différentes fonctions de la forêt en consacrant la production de bois comme objectif prioritaire des politiques territoriales.
Ainsi, dans les SLDF, la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux se limite à « garantir la satisfaction de demandes environnementales ou sociales particulières ».
On peut ainsi considérer que les piliers environnementaux et sociaux de la gestion forestière durable sont relégués bien loin derrière le pilier économique.
Enfin, pour ce qui touche aux SLDF, on peut considérer qu’elles sont subordonnées à la mobilisation du bois : c’est contraire à l’article L. 1 du code forestier, qui inscrit la politique de l’État dans le développement durable.
Malheureusement, la loi ne corrige pas le tir, puisque le texte en discussion instaure une territorialisation forestière, confiée aux chambres d’agriculture et aux centres régionaux de la propriété forestière, qui devront déterminer ceux des territoires qui ont un effort de mobilisation à faire en ce qui concerne la quantité de bois à récolter.
Vous l’aurez compris, au moment où nous abordons sa discussion, mon ambition est d’améliorer l’article 15. C’est pourquoi je défendrai des amendements pour tenter de retrouver un certain équilibre et obtenir un texte grenellement compatible.