Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 6 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsqu'en 2003 le Parlement commença à débattre de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, l'immigration était l'une des questions de société sur lesquelles la confiance de nos compatriotes dans l'État s'était le plus effondrée.

Les carences, voire l'inexistence, de notre politique migratoire devenaient un handicap lourd face à l'émergence d'un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des biens et des idées et traversé de mouvements migratoires puissants.

Le Gouvernement a construit sa politique migratoire autour de quatre axes principaux : restaurer le droit d'asile, aider et inciter les étrangers à s'intégrer, lutter contre l'immigration clandestine et harmoniser les politiques européennes d'immigration.

Trois ans plus tard, des progrès significatifs ont été obtenus sur ces quatre fronts. Le propos n'est évidemment pas de conclure que tous les problèmes ont été résolus, que l'immigration clandestine a été endiguée ou que la politique d'intégration des étrangers est pleinement satisfaisante.

Mais un certain nombre de principes, voire d'évidences, ont retrouvé un sens et une réalité qu'ils avaient perdus. Ainsi avait-on oublié que le droit d'asile n'est pas un moyen parmi d'autres de se maintenir illégalement sur le territoire français.

Concernant la lutte contre l'immigration clandestine, le doublement, depuis 2002, du nombre des reconduites à la frontière rappelle que l'éloignement constitue la pierre de touche des politiques de contrôle de l'immigration : sauf à renoncer en fait à tout contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers sur son territoire, l'État doit en effet savoir afficher sa détermination, au besoin par la contrainte mais dans le respect du droit des personnes, à mettre fin au séjour irrégulier.

De la même façon, la création d'une condition d'intégration républicaine dans la société française en vue de la délivrance d'une carte de résident consiste simplement à exiger d'une personne qui souhaite bénéficier d'un droit au séjour durable un gage de son intégration. La carte de résident concrétise la reconnaissance de cette volonté d'intégration.

Cette politique équilibrée et assumée a permis de sortir du débat stéréotypé entre « immigration zéro » et ouverture totale de nos frontières. Les conditions d'un débat de fond, rationnel et dépassionné semblent désormais réunies. C'est dans cet esprit que la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, créée le 27 octobre 2005, a mené ses travaux, avec un souci d'objectivité et pour faire tomber un certain nombre d'idées reçues.

Ce climat favorable est le préalable, dans une seconde étape, au passage d'une politique de maîtrise des flux à une politique de pilotage des flux.

Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration se veut l'instrument de cette nouvelle politique. Modifié par l'Assemblée nationale, il comprend cent seize articles regroupés en sept titres. Deux principaux traits le caractérisent : la continuité et la rupture.

Continuité, tout d'abord, avec la politique qui a été engagée depuis trois ans. Le projet de loi consolide la lutte contre l'immigration irrégulière, en métropole et dans les territoires ultramarins, et mène à son terme la généralisation du contrat d'accueil et d'intégration ainsi que celle de la condition d'intégration pour la délivrance de la carte de résident.

Rupture, ensuite, avec le tabou de l'immigration dite de travail. Depuis 1974, l'immigration de travail a pratiquement cessé dans notre pays et aucun gouvernement n'a remis en cause ce dogme depuis trente ans. Un grand nombre de nos concitoyens assimilent à tort - mais qui peut le leur reprocher tant le message politique est brouillé ? - cette fermeture de nos frontières avec « l'immigration zéro ».

Le projet de loi brise ce tabou et met en place des instruments diversifiés pour attirer les meilleurs talents en France et satisfaire des besoins ciblés de l'économie française en main-d'oeuvre. À côté d'une immigration régulière « au fil de l'eau », de nature familiale essentiellement, notre pays doit pouvoir attirer également des étrangers répondant à des besoins identifiés.

Les travaux économiques démontrent que l'immigration est un moteur de la croissance, qui peut être optimisé en fonction du niveau de qualification des immigrés. En rouvrant l'immigration de travail, il s'agit de réhabiliter une vision positive de l'immigration par rapport à une représentation trop souvent malthusienne.

Une critique fréquente à l'encontre de cette politique d'immigration sélectionnée est qu'elle déposséderait les pays pauvres de leurs richesses humaines.

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