Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 6 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par évoquer la confiance retrouvée des Français.

Je m'explique : en 2003, alors que j'étais le rapporteur de la commission des lois sur votre premier texte relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, j'ouvrais mon propos en rappelant que, lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre d'État, vous aviez dressé le constat suivant : « L'immigration est l'une des questions de société à propos de laquelle la confiance de nos compatriotes dans l'État s'est le plus effondrée ».

Ce constat, je l'avais fait mien, considérant qu'il était la conséquence du renoncement de notre pays, depuis plusieurs années, à définir une politique migratoire.

Que de chemin parcouru en moins de trois ans ! Évidemment, personne ne croit que tout est réglé et que les problèmes sont derrière nous.

En revanche, nos concitoyens ont acquis la certitude suivante : lorsque les politiques entendent se donner les moyens de prendre à bras-le-corps les problèmes qui se posent, sans idées préconçues et avec une volonté indéfectible, les solutions ne sont jamais loin.

Cela pourrait vous sembler une lapalissade, et pourtant nos concitoyens avaient fini par s'habituer au fait que leurs élus adoptent la posture du défaitisme pour justifier leur renoncement.

Aujourd'hui, si les Français retrouvent confiance, même s'ils ont conscience du chemin qui reste à parcourir, c'est un peu grâce à votre ténacité, monsieur le ministre d'État. Et ce n'est pas rien, parce notre action a retrouvé un cap, qui a été suivi d'effets.

Un nouvel état d'esprit s'est instauré.

Grâce aux bases qui ont été jetées, non seulement nos concitoyens ont retrouvé confiance dans l'action publique, mais aussi les législateurs que nous sommes peuvent aborder ce sujet de l'immigration de manière plus sereine.

En effet, depuis plus de vingt ans, la France a été privée d'un débat de fond, rationnel et dépassionné, sur l'immigration.

La réplique a été tenue trop longtemps par les démagogues des deux extrêmes, les uns appelant à l'immigration zéro, irréaliste et en aucun cas souhaitable pour la France, qui s'est toujours enrichie et oxygénée grâce aux apports des autres cultures, les autres déclinant un discours angélique, laissant croire que notre pays pourrait supporter les flux migratoires sans contrôle, malgré le chômage structurel qu'il connaît.

Depuis 2002, l'action pragmatique du Gouvernement a démontré qu'il était possible de sortir de ce débat schizophrène et de mener une politique volontariste et décomplexée : une immigration choisie par un contrôle rigoureux des entrées étant le pendant légitime des mesures tendant à une intégration réussie.

Je reviens sur les lois de 2003.

Se voulant pragmatique pour répondre à l'émergence d'un monde à la fois de plus en plus ouvert et en pleine explosion démographique, la politique migratoire menée par le Gouvernement depuis 2002 a reposé sur quatre piliers.

Le premier visait à se doter d'instruments nouveaux pour lutter avec efficacité contre l'immigration clandestine, préalable à toute réhabilitation d'une doctrine de l'immigration en France.

Ainsi, la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a prévu la répression pénale de la traite des êtres humains ; le rétablissement de l'encadrement du certificat d'hébergement, supprimé en 1998, donnant ainsi aux maires la possibilité de participer à ce contrôle ; le renforcement des mesures contre les mariages blancs ; la constitution en délit l'organisation et la participation à une telle union ; la création d'un fichier d'empreintes digitales des demandeurs de visa ; l'allongement de la durée maximale de rétention de douze à trente-deux jours.

Dans la continuité, le deuxième pilier de notre politique migratoire consistait à redonner un sens à la notion d'asile. Le droit d'asile est l'un des plus beaux principes de notre République, l'un de ceux qui honorent le plus notre nation et qui participent à notre aura sur la scène internationale.

Mais devait-on accepter qu'il soit dévoyé, sous prétexte qu'il aurait été tabou d'aborder le sujet ? Devait-on accepter de voir l'expression « droit d'asile », désignant un droit fondamental, rimer dans l'esprit de nos concitoyens avec celle de « procédure de maintien illégal sur notre territoire », tant elle a été détournée de son noble objet ?

Pour éviter que la France ne rompe un jour avec sa tradition, il fallait aménager ce droit. Nous l'avons fait dans le cadre de la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile, en prenant toute une série de mesures : le remplacement de l'asile territorial, institué en 1998, par un régime de protection subsidiaire d'un an renouvelable ; l'introduction de nouveaux critères d'évaluation des demandes d'asile, comme les notions de pays d'origine sûr et d'asile interne ; l'unification des procédures d'asile en faisant de l'OFPRA l'unique organisme de traitement des demandes ; la rationalisation des procédures d'examen des demandes afin de limiter à moins de six mois leur traitement.

L'action du Gouvernement s'est également concrétisée par des actes forts ne nécessitant pas de recourir à la loi.

Le troisième pilier a donc consisté à mener des politiques, européenne et bilatérales, afin d'harmoniser nos procédures et de définir des filières d'immigration sûres.

Ces dispositifs produisent leur effet puisque, pour reprendre l'exemple de l'aéroport de Roissy, le nombre de placements effectués a diminué de 33 % entre 2003 et 2004. Plus généralement, le nombre de reconduites effectives à la frontière a augmenté de 40 % en 2004 par rapport à 2003 et doublé depuis 2002.

C'est parce que le Gouvernement a fait le choix de la plus grande fermeté à l'encontre de ceux qui entendaient abuser de la générosité de la France que, parallèlement, nous avons pu conduire une politique d'ouverture et d'intégration.

Le quatrième pilier de cette politique vise justement l'accompagnement des primo-arrivants afin de favoriser leur intégration.

À ce titre, la création du contrat d'accueil et d'intégration fait ses preuves en guidant ces immigrés dans un parcours les menant à la délivrance d'un titre de séjour de longue durée.

Cette intégration républicaine se fait au mérite. Il n'y a rien de choquant à cela, bien au contraire. Cette politique est juste, car elle favorise ceux qui font des efforts pour réussir leur installation durable en France.

Après ce rappel historique, venons-en au présent projet de loi.

En effet, nous sommes réunis aujourd'hui non pas pour nous adresser des félicitations, mais parce que, si les choses vont mieux, nous ne sommes encore qu'au début du chemin à parcourir.

Cent fois sur le métier remettons notre ouvrage ! Les nouvelles mesures engendrent d'autres fraudes. Entre les gendarmes et les voleurs, la course-poursuite ne s'arrête jamais.

Par exemple, alors que la lutte contre les mariages blancs commence à faire sentir ses effets, de nouveaux détournements apparaissent, concernant notamment les cas de reconnaissance de paternité. À Mayotte, leur nombre a quintuplé !

On assiste également à une explosion des demandes de titres de séjour fondés sur la procédure d'étranger malade : elles ont été multipliées par vingt-huit en six ans !

Ce nouveau texte confirme donc, en l'amplifiant, la politique qui est menée depuis 2002. Son titre même conjugue Immigration et Intégration. La corde est raide et l'équilibre, précaire. Mais ce n'est qu'en conjuguant fermeté avec justice que nous réconcilierons nos concitoyens avec l'immigration.

Encore faut-il éviter de transformer ces deux idées fortes en idées faibles.

C'est tout l'enjeu du présent texte que de porter deux idées fortes : poursuivre notre lutte contre l'immigration irrégulière en colmatant les failles de notre dispositif et accentuer le processus d'intégration des immigrés réguliers.

Il s'agit de concilier fermeté et justice.

Ce texte est un bon projet, parce qu'il satisfait à cette double exigence. Il apporte des réponses fermes, rapides et efficaces, pour consolider la maîtrise des flux, et il demeure juste et humain, pour répondre aux exigences auxquelles nous sommes confrontés.

Ferme, oui, ce texte l'est, parce que le bon sens commande qu'un pays connaissant un taux de chômage aussi élevé et une telle pénurie de logements sociaux doit pouvoir contrôler ses flux migratoires par une politique d'objectifs quantitatifs prévisionnels.

Ferme également, parce que l'immigration familiale en tant que source principale d'immigration ne doit pas exonérer ses bénéficiaires du respect de certaines règles. Ce sont donc ceux qui s'intégreront le mieux, par la maîtrise de notre langue, le respect de nos lois et de nos valeurs, qui pourront faire venir leur famille.

Le parent s'installant sur notre sol et sollicitant le regroupement familial doit faire l'effort d'ouvrir la voie à sa famille. Par sa propre intégration, il favorisera celle de ses enfants.

Dans les faits, la demande de regroupement familial dans le délai de dix-huit mois sera conditionnée par le renouvellement préalable du titre de séjour du demandeur, lui-même obtenu par la preuve des efforts d'intégration que ce dernier aura accomplis.

Ferme, ce texte l'est aussi parce qu'il n'y a aucune raison pour que le mariage d'un étranger en situation illégale avec un Français implique ipso facto l'attribution du droit au séjour.

Ferme encore, parce que la délivrance au conjoint de la carte de résident de dix ans sera soumise à des conditions d'intégration et interviendra au bout de dix ans. En quoi est-il choquant de considérer que le mariage n'exonère pas du respect de certaines règles d'intégration ?

Si l'on souhaite devenir résident, il faut accepter les règles du lieu où l'on se rend.

Ferme, ce texte l'est surtout parce qu'il n'y a aucune raison de maintenir le principe, aberrant, selon lequel un étranger ayant réussi à se maintenir de façon irrégulière en France pendant dix ans gagnerait, en sorte de récompense, le droit à une régularisation automatique. Non seulement cette disposition entretenait l'incitation à la fraude, mais elle donnait également une prime à la clandestinité.

Mais ce texte est également juste : il fait le pari du mérite, en considérant qu'il convient de ne pas traiter les étrangers de manière uniforme.

Il est juste, car il encourage les bonnes pratiques en favorisant le maintien sur notre territoire de ceux qui jouent le jeu de l'intégration.

Il est juste et humain, parce que le préfet dans le département pourra régler, au cas par cas, les situations humanitaires les plus terribles en octroyant un titre de séjour.

Il est juste et humain, parce qu'il protège mieux les femmes immigrées contre la polygamie

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