Intervention de Jacques Pelletier

Réunion du 6 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jacques PelletierJacques Pelletier :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la France, depuis toujours, est une terre d'accueil. Elle doit le rester, et je vous remercie, monsieur le ministre d'État, de l'avoir rappelé au début de votre propos.

Mais les temps ont changé !

La liberté de circulation des personnes, inscrite dans l'Acte unique européen de 1986, s'est effritée devant la réalité brutale d'exodes massifs porteurs de violence, de xénophobie, de racisme et de désespoir.

Les pays du Nord craignent aujourd'hui que l'accélération du rythme auquel la mondialisation déploie ses diasporas ne bouleverse leurs équilibres déjà fragilisés par les défis du xxie siècle.

Parmi ces défis, l'immigration et l'intégration sont indissociables, tant elles se donnent mutuellement sens. Dans un avenir déjà proche, elles seront l'un des sujets fondamentaux et omniprésents du débat public.

Angélisme et naïveté ont trop longtemps prévalu. Les législations successives en matière de politique de l'immigration ne suffisent plus. La rencontre des temps et des géographies a grossi les nombres et accéléré les rythmes. L'immigration n'est plus une richesse, elle produit dans nos villes des colères et des peurs qui nous enjoignent de penser autrement nos politiques.

Le temps est venu d'élaborer une politique de l'immigration qui en finisse avec le clivage immigration-intégration, dans une législation à la fois soucieuse de la tradition humaniste d'accueil inscrite dans notre Constitution et suffisamment forte pour s'opposer à toute tentative de violation de nos lois et de nos valeurs, dans une législation qui soit entre devoir moral et observance républicaine !

Je souhaite que nous débattions de ce projet de loi par-delà les convenances et les faux-semblants, parce que les migrations internationales et la maîtrise des flux seront dans ce siècle le point de rupture ou le point d'harmonie entre les peuples.

L'échec des politiques de l'immigration constaté ces dernières années et les désordres coûteux qui en ont découlé ne sont pas seulement le fruit de l'immigration elle-même : ils sont davantage le résultat de la manière dont nous l'avons traitée.

Mon propos n'est pas ici de dénigrer le projet de loi : il est d'en souligner le bien-fondé, mais aussi les risques, étant acquis, ainsi que l'affirmait déjà en 1990 Michel Rocard, dont j'étais alors le ministre de la coopération et du développement, que la France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais qu'elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. Cette citation reste à mes yeux très pertinente.

La France doit-elle « choisir » ses immigrés ? Pour beaucoup d'entre nous, monsieur le ministre d'État, là est la pierre sur laquelle achoppe ce nouveau texte. Le terme me paraît mal choisi : on aurait parlé d'« immigration organisée », ce serait mieux passé.

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