Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le chômage et le pouvoir d'achat restent la priorité économique et sociale des Français, comme l'a violemment rappelé le résultat du référendum.
A de multiples reprises, dans les urnes - à l'occasion des élections cantonales et régionales -, dans la rue - le 10 mars dernier lors de la forte mobilisation en faveur des salaires -, le peuple a fait entendre ses urgences sociales. Les signaux ne manquaient pas.
Pourtant, le Président de la République et ses gouvernements successifs - Raffarin I, II et III - ont méprisé cette réalité. Pis encore, ils ont aggravé l'insécurité sociale par leurs choix fiscaux, économiques et sociaux ainsi que par les contre-réformes imposées en matière de protection sociale.
Résultat, alors que l'ensemble des élites politiques et économiques défendait corps et âme le « oui » au projet de traité constitutionnel européen, à 55 % les électeurs leur ont signifié leur soif de démocratie ainsi que leur désaccord avec ce projet de société ultra-libérale se nourrissant du dumping social, mettant en concurrence les peuples et les salariés, et avec cette Europe qui place le diktat de la « concurrence libre et non faussée » au-dessus du progrès social.
Une seule frange homogène de la population a résisté au « non », celle des 5 % de plus hauts revenus. A l'inverse, la grosse majorité du salariat - 66 % des électeurs disposant d'un revenu de moins de 1 000 euros, 76 % des travailleurs intérimaires, 69 % des électeurs en contrat à durée déterminée, ou CDD, mais aussi 58 % des électeurs en contrat à durée indéterminée, ou CDI - a porté un « non » social.
Ce « non » vertueux n'appelle pas simplement une impulsion sociale, il réclame une véritable inflexion, une rupture dans les politiques capitalistes les plus débridées menées depuis plusieurs années contribuant, à un bout, à créer plus de précarité, de pauvreté, à dégrader les conditions de travail et de vie, sans pour autant résorber le chômage, et, à l'autre bout, à accroître la spéculation boursière et financière ainsi que l'appauvrissement de notre économie, de notre industrie.
A ces exigences de respect, de démocratie, de plus de sécurité, vous répondez pour la énième fois : changement dans la continuité, passage en force !
Les ordonnances sont un témoignage supplémentaire de la crise de régime dont vous êtes responsables, comme l'a rappelé mon ami Jacques Brunhes, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, en soutenant la motion de censure. La souveraineté populaire est bafouée. La majorité ne représente plus qu'elle-même. Jamais un Président de la République n'a eu une aussi faible cote de popularité. Jamais des ministres ne se sont laissés aller à un tel populisme !
Alors que la situation politique française est des plus fragiles, vous choisissez, oubliant bien vite votre priorité affichée d'une négociation obligatoire, préalable à toute intervention du législateur dans le domaine social, de contourner les partenaires sociaux et de dessaisir le Parlement de ses pouvoirs dans un domaine aussi central que celui de l'emploi. Vous prescrivez la « précarité sur ordonnances », comme l'a unanimement titré la presse au lendemain de votre déclaration de politique générale. Décidément, vous ne tirez aucune leçon du 29 mai dernier !
Vous nous rejouez le coup du discours alarmiste, maintes fois entendu, pour justifier la mise à mal de notre système de retraite et d'assurance maladie, en affirmant que ce plan sur l'emploi constitue « l'une des dernières chances de sauver le modèle social français », tout en passant à l'étape supérieure dans la dérégulation du droit du travail et la politique d'abaissement du coût du travail.
Dans un gouvernement pyromane, vous voulez endosser les habits de pompier ! C'est à peine croyable ! Vous critiquez en creux la politique de Jean-Pierre Raffarin. Ainsi, vous nous dites que « nous serions allés au bout des solutions traditionnelles » en matière d'emploi. Mais vous continuez à décliner sous une autre forme les recettes éculées des exonérations de cotisations sociales, des aides fiscales au bénéfice des entreprises, et vous reconnaissez, à la grande satisfaction du MEDEF et des plus libéraux d'entre vous, comme l'a déclaré M. Novelli, « que la flexibilité est un élément incontournable de la lutte contre le chômage ».