Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 7 juillet 2005 à 9h30
Mesures d'urgence pour l'emploi — Discussion d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

...suppression des emplois-jeunes, diminution drastique des contrats emploi-solidarité et des contrats emplois consolidés, abandon du programme TRACE, ou Trajet d'accès à l'emploi ; ce furent de graves erreurs que nous avions largement dénoncées à l'époque.

On peut résumer cette politique en indiquant que tout système public ou associatif a été l'objet d'une destruction programmée, alors que, dans le même temps, des dispositifs orientés vers le seul secteur marchand étaient mis en place, essentiellement par l'allégement des cotisations sociales patronales qui, il ne faut pas l'oublier, représentent 55 % des dotations du budget de l'emploi pour 2005, soit 17, 7 milliards d'euros.

Dans un contexte économique mondial qui commençait à se dégrader après la période 1998-2001, cette option très libérale s'est révélée particulièrement mal adaptée ; nous en payons le prix aujourd'hui.

Les chiffres du chômage ont augmenté, malgré un apurement déterminé des fichiers de l'ANPE. On compte aujourd'hui officiellement 10, 2 % de chômeurs, en augmentation de 2, 1 % sur un an. En catégorie 1, ils seraient 2 487 000 ; mais si l'on ajoute les personnes travaillant moins de soixante-dix-huit heures par mois, leur nombre atteint 2 940 000. Cette dernière donnée englobe une partie des chômeurs et des personnes en situation précaire, mais ne reflète pas pour autant la gravité de la situation.

Il faut aussi rappeler l'augmentation de 8 % du chômage de longue durée en un an, soit 778 000 personnes, dont l'augmentation de 17, 5 % des chômeurs depuis deux ou trois ans. Le chômage des jeunes a aussi progressé de 3, 2 % en un an, pour atteindre 448 000 jeunes. Le nombre de chômeuses s'est par ailleurs accru de 100 000 en trois ans, alors qu'il avait baissé de 471 000 pendant la législature de Lionel Jospin.

La deuxième époque est arrivée après le désastre électoral de 2004 et a amené M. Borloo au ministère de l'emploi, avec une inflexion apparemment nette de la politique suivie jusqu'alors par M. Fillon. On a vu le retour des contrats aidés, y compris dans le secteur non marchand, dans des proportions inusitées, tout au moins au stade des promesses et de l'affichage, le désengagement de l'Etat se poursuivant avec la création des maisons de l'emploi et, en ligne de mire, le regroupement, au moins fonctionnel, de la « gestion » des chômeurs par l'ANPE et l'UNEDIC.

La lutte contre le chômage passe non par l'adoption de quelques mesures phares, mais par le retour du cocktail « croissance forte, soutien à la consommation et politique active de l'emploi ».

Vous avez évoqué à plusieurs reprises des modèles étrangers dont nous devrions nous inspirer, et notamment le modèle danois dit de « flexisécurité », mais vous n'en retenez que la flexibilité et pas la sécurité. Vous avez en revanche omis de citer quelques-unes de vos autres sources que sont, par exemple, les rapports Camdessus, Virville, Kramarz !

Venons-en au texte qui nous est proposé.

Le contrat « nouvelles embauches » est un avatar inquiétant du fameux « contrat de mission » proposé par le rapport Virville : un contrat de flexibilité maximale pour l'employeur et de sécurité minimale pour le salarié ; un contrat qui pose de nombreuses questions juridiques quant à sa légalité.

Vous avez d'ailleurs commencé à vous en apercevoir puisque vous n'évoquez plus, désormais, une période d'essai, laquelle relève des conventions collectives et non de la loi, mais une période d'adaptation à l'emploi, une période probatoire de deux ans pendant lesquels le salarié pourra voir son contrat interrompu sans réelles formalités. Que deviennent l'entretien préalable, la motivation de la décision, le préavis, etc. ? Vous inventez bien, par cette mesure, le salarié « kleenex » !

Qui plus est, vous instaurez une flexibilité que vous faites supporter à l'assurance chômage. Dois-je vous rappeler que l'UNEDIC aura accumulé un déficit de près de 14 milliards d'euros en cette fin d'année ?

Le contrat « nouvelles embauches » préfigure sans aucun doute la fin du contrat à durée indéterminée, d'abord dans les petites entreprises et demain, probablement, dans les plus grandes. On est déjà passé, selon les dires contradictoires de certains ministres, d'un contrat réservé aux entreprises de moins de dix salariés à celles de moins de vingt salariés -certains ont même évoqué cinquante salariés. Dans six mois, dans un an, ces seuils sauteront ; soyons-en sûrs !

Le travail précaire est déjà la règle aujourd'hui. Actuellement, trois cinquièmes des contrats de travail sont des contrats à durée déterminée ou des contrats d'intérim. Le contrat « nouvelles embauches » ne fera que renforcer cette tendance. Son effet sur le nombre d'emplois susceptibles d'être créés est totalement incertain. Vous ne présentez d'ailleurs aucune étude d'impact, ...

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