Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 7 juillet 2005 à 15h00
Mesures d'urgence pour l'emploi — Article 1er

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Le 3° de l'article 1er du projet de loi soulève une série de problèmes. Il y est proposé un allégement des contributions financières des employeurs occupant moins de vingt salariés en matière de versement transport, de financement de la formation professionnelle et d'obligation de participation à l'effort de construction et au fonds national d'aide au logement.

Il est très douteux que ces contributions aient un effet décisif sur la décision des employeurs de ne pas investir et de ne pas embaucher. Mais même si l'on admet un tel effet, on peut se demander pourquoi le seuil d'allégement est fixé à vingt salariés, et non à un autre niveau, comme cela est déjà envisagé pour le contrat « nouvelles embauches ». Les entreprises de vingt et un salariés ne vont pas tarder à faire savoir que la décision d'embaucher le vingt-deuxième ou le vingt-troisième salarié dépend d'une extension de cette mesure d'allégement, et le tour sera vite joué.

Il est bien évident que nous sommes devant un mouvement général d'exonération des employeurs de toute obligation à caractère collectif. Les entreprises sont supposées avoir un rôle moteur dans l'économie, et leur prospérité être indispensable à toute redistribution sociale postérieure. Il faudra expliquer aux Français pourquoi cela commence par un désengagement en matière de formation et de logement.

II faudra aussi expliquer la cohérence de votre démarche qui consiste, dans un projet de loi, à augmenter les taux puis, dans un autre projet de loi, six mois après, à baisser les seuils.

La formation est en effet, elle aussi, à la source des compétences et des qualifications des salariés. Mais en disant cela, on voit bien qu'il y a antinomie entre le démontage du statut salarié et l'engagement des entreprises à les former.

Déjà, les salariés doivent se former en partie ou totalement hors de leur temps de travail. Qu'en sera-t-il demain de salariés totalement précarisés, sans aucune attache durable avec une entreprise ? Qu'en sera-t-il des prestataires de services individuels ? II est dans la logique patronale que les entreprises, après s'être attaquées au statut salarié et avoir réduit leur participation au financement de la protection sociale, abordent maintenant l'étape de leur désengagement de la formation professionnelle, du financement du logement et des transports collectifs.

Les questions techniques posées par votre texte ne sont pas réglées. Le projet de loi prévoit un allégement. S'agit-il d'un allégement partiel ou d'un recul pur et simple du seuil de contribution ?

Qu'allez-vous compenser exactement et quel sera le poids de ce nouvel allégement sur les finances publiques ? On nous parle de 450 millions d'euros pour les transports. Est-ce votre estimation ? Est-ce supportable pour nos finances publiques ?

Par ailleurs, certaines contributions ne sont pas à proprement parler des prélèvements, mais des obligations de dépenses. Voulez-vous dire que l'Etat va se substituer à l'entreprise et financer à sa place telle action ou tel organisme ?

Cela est évidemment exclu, et ce que nous voyons se profiler est plutôt une diminution des financements.

En tant qu'élus territoriaux, c'est une expérience que nous avons souvent faite.

Cela m'amène à évoquer plus particulièrement la question du versement transport. Je rappelle que ce versement permet de financer aujourd'hui les réseaux de transport urbain à hauteur de 45 %, contre 20 % pour les recettes issues des usagers.

La mesure que vous proposez reviendra-t-elle à supprimer le versement transport payé par tous les employeurs qui emploient moins de vingt personnes, c'est-à-dire par ceux qui constituent majoritairement le maillage de notre économie ?

En outre, si l'on ne précise pas que l'éventuelle compensation de l'Etat sera affectée au financement des transports en commun, la tendance sera de l'intégrer à la dotation globale de décentralisation, ressource versée de manière non affectée.

Nous risquons donc d'aller vers une véritable catastrophe en matière de financement des réseaux de transport en commun urbains. Et nous n'avons aujourd'hui aucun engagement clair du Gouvernement sur la compensation. On nous parle de compensation à l'euro près, mais la compensation telle que la vivent les élus territoriaux dans le cadre des lois de décentralisation les laisse très perplexes.

On peut seulement espérer qu'il n'en ira pas comme avec les contrats de plan, pour lesquels vos retards de participation sont si importants qu'ils vous ont conduits à prolonger les contrats en cours.

Pour toutes ces raisons, nous demandons le retrait de cette disposition.

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