Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 7 juillet 2005 à 15h00
Mesures d'urgence pour l'emploi — Article 1er

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Cet amendement tend à supprimer le 6° de l'article 1er, qui prévoit la possibilité, dans les très petites entreprises, de ne plus établir de déclaration unique d'embauche, de fiche de paie, de déclaration de cotisations sociales et, selon les termes d'un amendement attendu de M. le rapporteur, de contrat de travail.

Nous assistons ici à la perversion d'un dispositif, créé à l'origine pour faciliter la création d'emplois familiaux chez les particuliers, mais aussi pour transformer un nombre important d'emplois d'aides ménagères au noir en emplois déclarés.

Le succès de ce dispositif a été réel à l'époque, puisque 500 000 emplois ont été créés. Il a été ensuite envisagé de l'étendre d'abord aux exploitations agricoles dans certains départements, puis pour l'embauche d'un premier salarié.

Ces mesures peuvent se comprendre. En effet, l'embauche d'un premier salarié est une étape objective, et pas seulement psychologique. Les représentants de la CGPME nous l'ont dit : il s'agit selon eux du seul point intéressant de ce dispositif.

Nous abordons aujourd'hui une étape décisive : la généralisation de ce dispositif aux très petites entreprises. Monsieur le ministre, comment définissez-vous une très petite entreprise ? A partir de quel seuil ne peut-on plus parler de TPE ? S'agit-il de dix, vingt, cinquante salariés, ou plus ? Ce seuil est-il prévu en droit français ou en droit européen ?

La réponse à cette question est essentielle pour pouvoir déterminer combien de millions de salariés sont potentiellement concernés par votre texte.

Après avoir étendu le chèque-emploi au secteur des services à la personne, vous le généralisez maintenant aux entreprises privées, ce qui signifie en clair que les salariés ne disposeront plus ni de contrat de travail ni de bulletin de paie. Ils ne pourront donc connaître ni leurs horaires de travail, ni le montant de leur salaire, ni le décompte des heures supplémentaires avec leur majoration. Ils seront dépourvus de tout document permettant d'établir un préjudice à leur encontre.

On nous a expliqué que cette extrême simplification était le corollaire du contrat « nouvelles embauches ». Nous sommes donc dans le vrai lorsque nous disons que le salarié sera totalement à la merci de l'employeur et privé de moyens de se défendre. C'est ce que j'appelais ce matin l'opting out à la française.

Vous supprimez également la base du contrôle administratif en faisant disparaître la déclaration unique d'embauche. Celle-ci avait été créée sur l'initiative de Martine Aubry dans un but de simplification par rapport à la législation sur le registre du personnel et le registre de paie. Maintiendrez-vous cependant une déclaration à l'URSSAF ?

M. Borloo a déclaré à l'Assemblée nationale : nous travaillons actuellement sur ce sujet avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS. Qu'est-ce que cela signifie exactement ? Nous aurions apprécié, si on nous en avait laissé le temps, d'entendre les représentants des organismes sociaux à ce propos.

Sur toutes ces questions pratiques, nous ne disposons même pas d'un début de réponse.

Nous aurions également aimé auditionner les représentants de l'administration du travail ; je ne parle pas des inspecteurs du travail afin de n'effrayer personne.

Ce qui est manifestement le plus à craindre, compte tenu de la précipitation avec laquelle toutes ces mesures sont mises en place, c'est le développement exponentiel du travail illégal. Je fais allusion non pas aux ateliers clandestins remplis de travailleurs immigrés sans papiers, mais aux heures non déclarées, car le chèque-emploi permet ce détournement de la loi.

Là aussi, il y a une incohérence entre les annonces de renforcement de la lutte contre le travail illégal contenues dans le projet de loi en faveur des PME et la mise en place du chèque-emploi.

La seule constante de votre politique, c'est que vous n'augmentez pas le nombre d'inspecteurs du travail sur le terrain et que vos efforts portent exclusivement sur la lutte contre les réseaux de trafic de main-d'oeuvre étrangère. C'est un problème important, auquel vous avez tout à fait raison de vous attaquer, mais pas à l'exclusion de tout le reste !

Nous avons le sentiment étrange que le travail illégal effectué sous la responsabilité d'employeurs français, tant qu'il ne dépasse pas les heures supplémentaires non déclarées ou l'emploi de saisonniers invisibles, ne constitue pas un délit de la même gravité. En toute hypothèse, il est certain que le nouveau dispositif facilitera le développement de ces pratiques, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes quand on songe aux motifs qui ont présidé à la création du chèque-emploi-service.

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