Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Dans le projet de loi de finances qui nous est soumis, la prévision des produits de cessions immobilières est assez ambitieuse, puisqu’elle s’élève à 900 millions d’euros, dont les trois quarts, soit 700 millions d’euros, devraient provenir de cessions réalisées par le ministère de la défense. Ce dernier se trouve en effet engagé dans un vaste mouvement de rationalisation immobilière – du moins peut-on l’espérer –, avec le regroupement de ses services centraux sur le site de Balard et le nouveau plan de stationnement des forces militaires.
Monsieur le ministre, compte tenu de l’état du marché, la réalisation de cet objectif de cessions paraît plus qu’incertaine, d’autant que la prévision repose non pas sur une véritable programmation, mais, pour l’essentiel, sur les arbitrages de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
L’objectif de cessions immobilières retenu dans le cadre de la loi de finances pour 2009 était déjà exceptionnel : 1, 4 milliard d’euros de produits, dont un milliard issu des cessions du ministère de la défense. Or, selon le dernier point d’information qui m’est parvenu de vos services, le 15 octobre dernier, seuls 356 millions d’euros de recettes ont été enregistrés. Autrement dit, l’objectif pour 2009 ne sera pas atteint.
Par conséquent, il est à craindre que le niveau relativement bas – 200 millions d’euros – de l’objectif fixé pour 2010 en ce qui concerne les cessions autres que militaires ne reflète le souci du Gouvernement de minimiser, dans les résultats d’ensemble qui seront constatés, l’insuffisance déjà anticipée des ventes du ministère de la défense.
À partir du moment où votre chiffrage s’avère très artificiel, l’information donnée au Parlement paraît largement dépourvue de signification.
J’attire d’ailleurs votre attention sur un problème que vous connaissez bien : la contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État devrait rester très modeste. Seuls 30 millions d’euros sont prévus à ce titre, soit 3, 3 % des produits théoriques. Cette situation découle du fait que le niveau de crédits a été déterminé de façon automatique, en retenant les 15 % de la prévision de cessions non militaires, car, nous le savons, le ministère de la défense bénéficie d’un retour intégral du produit de ses ventes dans la perspective de ses dépenses immobilières.
Je souhaite également dire un mot des avancées récentes de la politique immobilière de l’État. Je tiens à le rappeler, car cela me tient à cœur, les cessions ne sauraient tenir lieu de doctrine d’action. À ce sujet, je parlerai donc d’un effort, que je reconnais, de maîtrise des coûts et de rationalisation des implantations.
D’une part, cette politique fait aujourd’hui l’objet d’une refondation fort opportune. Il s’agit d’un « nouveau départ », qui se traduit par l’amélioration de l’inventaire et de la valorisation du patrimoine immobilier de l’État, par la substitution, au régime traditionnel de l’affectation des immeubles domaniaux, de nouvelles « conventions d’utilisation », et par la mutualisation partielle, entre ministères, de l’emploi des produits de cessions immobilières.
D’autre part, le champ d’application de la rationalisation immobilière est en cours d’extension.
Sur le plan institutionnel, ce mouvement s’exerce au bénéfice de l’ensemble des services déconcentrés et en direction des opérateurs de l’État. Je sais, monsieur le ministre, que, à l’instar du Parlement, vous tenez à ce que ces derniers participent à l’effort global de rationalisation. Ces mesures sont conformes aux préconisations de la commission des finances.
Sur le plan opérationnel, l’élargissement concerne l’entretien des bâtiments et la gestion des baux. C’est une avancée qui mérite aussi d’être soulignée.
Au cours du contrôle budgétaire que j’ai effectué au premier semestre de cette année sur la gestion des baux en Île-de-France, j’ai pu mettre en évidence la méconnaissance du parc loué par l’État et le caractère onéreux des loyers qu’il acquitte, lesquels se situent souvent au-dessus du prix du marché. Modestement, ce rapport a donc servi d’aiguillon parlementaire et a contribué à ce qu’une révision des conditions locatives appliquées aux implantations de certains services soit conduite. Je pense, par exemple, au cas du Médiateur de la République et à celui du secrétariat d’État aux sports.
Parallèlement, des mesures structurantes ont été mises en place, consistant en une expérimentation d’un « tableau de bord » des baux de l’État pour une trentaine de départements, conformément à la recommandation que j’avais formulée, et, surtout, en un marché de renégociation – sorte de processus industriel – des baux de l’État en Île-de-France, signé en septembre dernier.
Monsieur le ministre, au-delà de ces points positifs, il existe encore des marges de progression. Il faut inciter France Domaine à aller plus loin et veiller à éviter la résurgence des mauvaises pratiques ou des négligences. L’attention doit être renforcée quant au coût des implantations.
C’est dans cette perspective que je présenterai, tout à l’heure, un amendement visant à améliorer l’information donnée au Parlement sur les engagements immobiliers de l’État.
D’une manière générale, si je ne craignais pas cet anglicisme, je dirais que la politique immobilière du ministère se présente comme un work in progress. Tout le monde l’aura compris, les marges de progression restent importantes, tant il est vrai que l’organisation et la gestion du parc immobilier de l’État sont toujours en chantier.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».