Intervention de Guy Fischer

Réunion du 2 décembre 2009 à 14h45
Loi de finances pour 2010 — Compte spécial : pensions

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ainsi que le compte spécial « Pensions » sont révélateurs, de manière pour le moins intéressante, des choix politiques de long terme mis en œuvre par les différents gouvernements.

Les régimes sociaux pris en charge par la mission, nul ne l’ignore, sont ceux dont le déséquilibre démographique est avéré et résulte de choix politiques antérieurs, qu’il s’agisse de la liquidation de Charbonnages de France ou de la réduction de la desserte ferroviaire, notamment.

Quant au compte spécial « Pensions », dont les crédits progressent de près de 5 % cette année, il est de plus en plus obéré par le mouvement de réduction du nombre de fonctionnaires en activité et par la progression du nombre de ceux qui ont fait valoir leurs droits à la retraite.

Les dépenses liées aux régimes sociaux s’élèvent aujourd’hui à plus de 5 milliards d’euros, tandis que le compte spécial vient d’atteindre le montant de 51, 2 milliards d’euros, et ce malgré tous les artifices comptables en vogue, notamment depuis l’adoption de la loi portant réforme des retraites de 2003, utilisés pour comprimer autant que possible le montant des retraites et des pensions. La tendance qui se dessine pour les prochaines années – elle est d’ailleurs déjà engagée – est un écrasement de l’évolution des salaires et des retraites. Cette tendance se confirmera d’année en année.

Lorsqu’un droit est acquis, et c’est le cas ici, la solidarité nationale doit jouer.

Il faut cesser de considérer que les pensions et les retraites sont des charges qu’il faut réduire. En effet, 55 milliards d’euros de pensions versées, c’est aussi 55 milliards d’euros destinés pour partie à l’épargne, monsieur le ministre, et à la consommation ; c’est aussi 55 milliards de bases d’imposition. De manière générale, c’est de l’argent qui circule et qui fait tourner l’économie.

Depuis quelques années, nous assistons à une évolution dramatique pour les retraités. On voit en effet apparaître ce que l’on appelle des retraités pauvres – il s’agit d’ailleurs surtout de femmes – qui ne peuvent plus vivre de leur maigre pension. Réduire le pouvoir d’achat des retraités, c’est créer les conditions d’une récession économique.

Finalement, 55 milliards d’euros pour les retraités de la fonction publique et leurs ayants droit, c’est assez peu, surtout quand on sait que l’État a émis en juin 2009 l’équivalent de cette somme en bons du Trésor pour faire face à ses difficultés de trésorerie !

Tout est utilisé aujourd’hui pour comprimer la dépense. Ainsi la Caisse des mines a-t-elle réalisé cette année un certain nombre de cessions immobilières afin d’équilibrer ses comptes. Et les biens immobiliers qu’elle cède ne sont pas des maisons de mineurs dans les corons, croyez-moi ! L’État attend des cessions réalisables en 2010 qu’elles lui permettent d’économiser plus de 200 millions d’euros sur la subvention d’équilibre.

Nous contestons évidemment cette manière de procéder, qui en annonce de belles ! Nous en reparlerons lorsqu’il s’agira, notamment, de prévoir le financement des retraites des agents de La Poste par les crédits de cette mission. Les cessions immobilières viendront-elles, là encore, au secours de l’équilibre budgétaire global ?

Enfin, je dirai quelques mots sur les rendez-vous en souffrance, puisqu’il y en a.

Six ans après la loi portant réforme des retraites, le régime général de la sécurité sociale est en situation de déficit, lequel devrait s’élever à 33, 6 milliards d’euros en 2010. Quant au régime agricole, il est sous perfusion – la majorité en parle peu – depuis plusieurs années. Enfin, les régimes publics ne doivent leur équilibre qu’à l’accroissement continu du taux de cotisation. Cela remet en cause le dogme de la réduction des effectifs – le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux –, qui, on le voit, est inopérant.

Quant à la réforme des régimes spéciaux, même le rapport de notre collègue Dominique Leclerc confirme qu’elle n’aura pratiquement aucune incidence budgétaire réelle.

Les pensions et les retraites ne doivent plus être considérées comme un poids mort, une charge à réduire coûte que coûte. Commençons plutôt par mettre en œuvre des mesures de simple justice : prenons en compte la pénibilité, les carrières longues, ainsi que l’ensemble des états de service. Nous avons les moyens d’une telle justice : utilisons à cet effet les 120 milliards ou 130 milliards d’euros que l’État consacre aujourd’hui à la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’impôt des plus riches, ou des cotisations sociales des entreprises.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons ni les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ni ceux du compte spécial « Pensions ».

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