Intervention de René Teulade

Réunion du 2 décembre 2009 à 14h45
Loi de finances pour 2010 — Santé

Photo de René TeuladeRené Teulade :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France consacre près de 9 % de sa richesse nationale aux dépenses publiques de santé, soit 210 milliards d’euros tous domaines confondus : sécurité sociale, interventions de l’État et des collectivités territoriales.

Selon plusieurs études récentes, les particuliers dépenseraient pour se soigner entre 40 % et 50 % de plus qu’en 2001. Les cotisations aux organismes complémentaires additionnées « du reste à charge » représenteraient une moyenne de 5, 4 % du revenu disponible et de 11 % du budget des personnes âgées.

Madame la ministre, vous nous demandez aujourd’hui de voter les crédits de la mission « Santé », qui s’élèvent à 1, 2 milliard d’euros. Voilà presque une semaine, nous avons adopté le budget de la sécurité sociale, dans lequel les prévisions de dépenses de l’assurance maladie pour 2010 sont fixées à 162 milliards d’euros.

La mission « Santé » regroupe des crédits essentiels pour mener à bien la politique de santé publique, qui comprend la prévention, la sécurité sanitaire, la protection maladie et l’offre de soins. Des crédits permettent également de financer les opérateurs essentiels que sont l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, les agences régionales de l’hospitalisation, les futures agences régionales de la santé, les ARS, et les agences françaises de sécurité sanitaire.

Dans le contexte actuel de pandémie grippale, tous ces organismes prouvent leur utilité et rappellent que la santé publique est bel et bien une mission régalienne de l’État.

Le budget de la santé pour 2010 s’inscrit dans une certaine continuité, alors même qu’il doit faire face à une conjoncture particulière.

D’abord, il se situe dans un contexte financier difficile. Outre l’ampleur du déficit budgétaire, l’État a pris, en matière de santé publique, l’habitude de se décharger sur l’assurance maladie, soit purement et simplement par des transferts, soit de façon plus pernicieuse par des reconductions de dette, soit encore par des partages de financement.

Ensuite, il s’agit d’un budget de transition avant l’application totale de la réforme de l’hôpital public et notamment la création des agences régionale de santé ou la fusion de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail.

De plus, nous nous situons dans une période de pandémie grippale.

Mais tous ces éléments ne se traduisent pas dans la mission budgétaire que nous devons examiner.

Le 2 novembre dernier, le Président de la République a annoncé, promotion médiatique à l’appui – nous y sommes habitués ! –, un nouveau plan cancer 2009-2013, qui comprend trente mesures.

La Cour des comptes, le Haut Conseil de la santé publique puis l’Inspection générale des affaires sociales ont évalué le premier plan cancer. Selon le Haut Conseil de la santé publique, un tiers des soixante-dix mesures inscrites dans le plan de 2003-2007 ont été mises en place. Par conséquent, nous pouvons nous interroger sur l’utilité d’un nouveau plan, quand nous savons que le précédent n’a pas été appliqué dans son intégralité ! Même s’il est cofinancé inégalement par la mission « Santé » et l’assurance maladie, il mérite que nous nous y attardions.

Reprenant les préconisations du professeur Jean-Pierre Grünfeld et du Haut Conseil de la santé publique, ce plan doit permettre de lutter contre les inégalités d’accès à la prévention et aux soins, et de favoriser la recherche sur les déterminants du cancer, notamment environnementaux et comportementaux.

Seuls les crédits concernant le dépistage et la prévention sont inscrits dans la mission budgétaire. Nous pouvons constater que ces deux postes se trouvent, encore une fois, sous-financés. Mais nous aurons, je l’espère, l’occasion d’aborder de nouveau le sujet lors des prochains mois.

La naissance des agences régionales de santé va profondément modifier les contours et les modalités de la mise en œuvre des politiques de santé publique.

Vous avez ouvert 271 millions d’euros de crédits dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Mais nous pouvons constater, une fois encore, que le Gouvernement trompe la représentation nationale. En effet, ces 271 millions sont non pas une création de nouveaux crédits, mais le redéploiement de crédits depuis des services déconcentrés au titre des emplois, des crédits de masse salariale et des crédits de fonctionnement du ministère. Visiblement, le projet de loi de finances rectificative pour 2009 comblera ce manque de financement pour les ARS.

J’en viens au financement de la lutte contre la pandémie grippale.

La propagation du virus A/H1N1 a fortement perturbé le financement de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS. Alors que la programmation initiale des dépenses était de 290 millions d’euros, cet établissement a dû engager plus de 1 milliard d’euros au cours de l’année 2009, notamment pour l’acquisition des vaccins. Au total, les dépenses approcheront 1, 5 milliard d’euros.

Mais aucun signe de ces dépenses n’est visible dans le budget de 2010. Nous serons obligés de procéder à des ajustements dans les prochains textes budgétaires, car nous devons respecter l’obligation inscrite dans les textes fondateurs de l’EPRUS, à savoir la parité de financement entre l’État et l’assurance maladie.

Toujours sur la pandémie grippale, dans le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire », les actions 11 « Pilotage de la politique de santé publique » et 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » enregistrent une baisse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement.

L’Institut de veille sanitaire consacre en ce moment une part importante de ses moyens et de ses effectifs à la surveillance du virus A/H1N1. Mais nous constatons une timide augmentation de ses crédits. Cela paraît étonnant vu les besoins constatés en 2009.

Nous pouvons en déduire que l’Institut de veille sanitaire a dû procéder à des réallocations et différer certaines actions. Si vous l’aviez doté convenablement lors des précédents budgets, cet Institut aurait pu surveiller la survenue de cas de grippe A, tout en poursuivant d’autres actions.

De plus, vous n’avez prévu que cinq emplois équivalents temps plein supplémentaires, alors que trente-cinq seraient nécessaires pour consolider les cellules interrégionales d’épidémiologie existantes et créer les nouvelles antennes nécessaires pour assurer une action de veille et d’alerte dans les régions.

Avant de conclure, je voudrais attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un problème qui va croissant, celui de la part du budget des ménages consacrée à la santé. Certes, la crise a augmenté les difficultés que rencontrent ces derniers pour faire face aux dépenses de santé, mais le Gouvernement et la majorité sont responsables de ce problème de santé publique.

Lors du débat sur la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, en refusant de vous attaquer avec toutes les armes possibles à la désertification médicale et aux dépassements d’honoraires – pour ne citer que ces points-là –, vous avez choisi de faire supporter le coût de l’accès aux soins à nos concitoyens, notamment aux plus défavorisés.

L’amendement qui a été adopté lors du débat à l’Assemblée nationale et qui vise à doubler l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire, passant ainsi de 100 euros à 200 euros pour les jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans, est une mesure certes positive, mais insuffisante. Il n’empêche que les études réalisées montrent que la sécurité sociale a moins remboursé en 2008 et que le transfert de charges s’effectue vers les organisations complémentaires, d’une part, et vers les ménages, d’autre part. Or vous refusez de vous attaquer à ce problème, mettant la santé de nombre de nos concitoyens en danger.

Encore cette année, les faibles augmentations de certains crédits masquent la baisse importante d’autres. Mais les conséquences sur la santé des Français se ressentent malheureusement tous les jours.

Face à un système devenu illisible, le sentiment qui domine est celui d’une solidarité en recul. Ce système de santé tourne peu à peu le dos à l’idéal d’un égal accès de tous à des soins de qualité tel qu’il avait été défini lors de la création de la sécurité sociale dans le contrat élaboré en 1945, à la Libération, l’objectif étant alors d’éradiquer l’une des inégalités les plus intolérables de toutes : l’inégalité devant la souffrance et la maladie.

Cette évolution n’est pas le fruit du hasard et ne résulte pas uniquement des difficultés économiques. Elle est bien la conséquence d’un choix politique qui ne dit pas son nom, un système de santé privatisé dans lequel on est remboursé en fonction de la qualité de sa convention de santé privée. Se refusant à toute augmentation des cotisations sociales, le Gouvernement opère ainsi progressivement le transfert de la gestion et du remboursement des soins courants vers les mutuelles et les assurances privées.

Telles sont toutes les raisons pour lesquelles, madame la ministre, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Santé ».

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