Intervention de Serge Dassault

Réunion du 2 décembre 2009 à 14h45
Loi de finances pour 2010 — Travail et emploi

Photo de Serge DassaultSerge Dassault, rapporteur spécial :

… et cela va continuer encore longtemps si on n’arrête pas cette opération.

Deuxièmement, 10, 9 milliards d’euros sont prévus pour des dépenses fiscales, dont 3, 2 milliards d’euros de prime pour l’emploi, que l’on ne veut pas réduire. Ils servent, dit-on, à motiver les chômeurs pour qu’ils veuillent bien travailler. D’ailleurs, on ne sait pas combien de chômeurs ont repris le travail avec cette subvention, mais c’est un chiffre considérable.

Troisièmement, 6, 45 milliards d’euros sont consacrés aux allégements ciblés de charges, en particulier sur les heures supplémentaires des 35 heures dont le coût global avoisine 3 milliards d’euros. Nous ne savons pas non plus combien d’heures supplémentaires ont été engendrées, mais aucun emploi nouveau n’a été créé.

Quatrièmement, 1, 8 milliard d’euros sont prévus au titre du plan de relance pour les contrats aidés et l’apprentissage. J’aimerais bien savoir de quoi il s’agit exactement.

Enfin, à ces crédits, viennent s’ajouter les 11, 4 milliards d’euros de notre mission.

En tout, cela représente donc 55 milliards d’euros. C’est quasiment le montant du budget total de l’éducation nationale, qui s’élève à 60 milliards d’euros, et 1, 5 fois et demi le budget de la défense, qui s’élève à 37 milliards d’euros.

Je regrette de constater que ce budget considérable comporte beaucoup d’allégements de charges sans créer d’emplois.

Le financement de création d’entreprises n’existe pas, ni la modernisation des outils de production, ni la réalisation de produits nouveaux, ni le développement des exportations. Rien de tel n’est prévu dans le budget de l’emploi alors qu’il s’agit de la seule façon de créer réellement de nouveaux emplois et d’aboutir à la croissance tant attendue !

Je constate aussi que ce budget est financé par des emprunts récurrents et sans limite de durée. Combien de temps cela va-t-il durer ? Ils concernent uniquement des dépenses de fonctionnement et pas d’investissement. Ils ne préparent donc pas l’avenir.

Ce budget aggrave ainsi considérablement les déficits budgétaires et la dette sans limite de durée. On ne reviendra jamais à l’équilibre budgétaire tant que l’on ne se résoudra pas à réduire ces allégements et ces aides. Il serait préférable de faciliter les investissements des entreprises plutôt que de les aider à financer leur personnel.

J’en viens à mon budget, qui se décompose en quatre programmes.

Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » s’élève à 5, 9 milliards d’euros.

Sur cette somme, 1, 36 milliard d’euros sont versés à Pôle emploi au titre d’une subvention pour charge de service public, et 1, 5 milliard d’euros au Fonds de solidarité pour indemniser les demandeurs d’emploi en fin de droit. Nous constatons que ces 2, 8 milliards d’euros n’ont rien à voir avec des créations d’emploi.

Par ailleurs, 1, 7 milliard d’euros sont consacrés aux contrats aidés, seuls créateurs d’emploi, dont 156 millions d’euros seulement iront aux contrats marchands et 1, 4 milliard d’euros aux contrats non marchands. Il serait préférable que les budgets soient un peu mieux répartis vers les contrats marchands, qui créent de véritables emplois, même si les contrats non marchands permettent tout de même aux chômeurs de retrouver un travail.

Notons, également, le financement des missions locales pour 175 millions d’euros et des maisons de l’emploi pour 90 millions d’euros, ce qui est dérisoire par rapport à l’excellent travail qu’elles font à l’égard des jeunes en difficulté.

C'est la raison pour laquelle je souhaite vous proposer une augmentation de crédits de 150 millions d’euros pour les missions locales et peut-être pour les maisons de l’emploi.

Nous pourrions les financer en supprimant les aides pour les repas du personnel des restaurants, qui bénéficient de la baisse de la TVA, soit 2 milliards d’euros, ou par tout autre moyen. Le principal est que nous trouvions 150 millions ou 200 millions d’euros sur 55 milliards d’euros.

Je rappelle que les missions locales ont permis l’accès au CIVIS à 830 000 personnes et à des emplois classiques à 220 000 personnes en cinq ans.

Nous constatons que le plus grand nombre d’emplois a finalement été obtenu en dépensant 175 millions d’euros sur les 55 milliards d’euros affectés à l’emploi. À quoi ont servi tous ces crédits ? N’y a-t-il pas du gâchis ?

Nous ne connaissons pas, en revanche, le rendement de Pôle emploi, qui coûte 5 milliards d’euros, ce qui me paraît très élevé. Ne pourrions-nous réaliser ici des économies ?

Voilà pourquoi je tiens absolument à augmenter les subventions pour les missions locales, quel que soit le financement. Si le financement par la restauration est refusé, le programme 103 pourrait y subvenir.

Le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » absorbera 4, 6 milliards d’euros dont l’utilisation principale sera, une fois de plus, des dispositifs d’exonération de charges, associés aux contrats en alternance pour faciliter l’apprentissage – 1 milliard d’euros – et à la compensation aux régions du coût financier des compétences qui leur ont été transférées en matière de formation professionnelle et d’apprentissage. En quoi cela concerne la création d’emplois ? Ces allégements de charges sont encore une fois sans emplois à la clef !

Par ailleurs, 900 millions d’euros seront utilisés pour les zones de revitalisation rurale et les services à la personne. Peut-être pourrions-nous prélever un peu d’argent dans les crédits consacrés aux services à la personne pour financer les missions locales et les maisons de l’emploi ?

Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » est doté de 80 millions d’euros destinés à l’amélioration des conditions de travail et à l’application du droit du travail par l’administration. Ici aussi, il n’y a aucune création d’emploi en vue !

Le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail » comprend 810 millions d’euros dévolus à l’ensemble des moyens humains et matériels mis en œuvre par les autres programmes de la mission « Travail et emploi ». Celle-ci emploie 10 680 équivalents temps pleins travaillés au sein de l’administration. Ne pourrait-on pas réaliser dans ce secteur également des économies ?

En outre, près de 60 000 personnes sont employées par les opérateurs chargés de la politique de l’emploi, principalement Pôle emploi, qui regroupe 46 000 personnes. Cette opération de grande ampleur fera l’objet d’un bilan d’étape que je souhaite mener en 2010, un an après la création de cette institution. Il s’agira de savoir quel est le véritable coût de la fusion et quelle est son efficacité dans la lutte contre le chômage.

Ainsi, en baisse de 6 % par rapport à 2009, le périmètre budgétaire de la mission « Travail et emploi » de 11, 4 milliards d’euros ne représente, en réalité, qu’un peu plus d’un cinquième des dépenses globales de l’État au titre de la politique de l’emploi, qui se monte, je le répète, à 55 milliards d’euros, le tout pour ne pas créer d’emplois !

C’est pourquoi l’évaluation de l’efficacité au regard de la lutte contre le chômage de l’ensemble de la politique de l’emploi demeure le vrai problème et nécessite de profondes modifications.

J’ai, dès leur création, considéré que la prime pour l’emploi, qui représente 3, 3 milliards d’euros, et l’exonération d’impôt sur le revenu d’heures supplémentaires, qui représente 1, 2 milliard d’euros, s’apparentaient davantage à des dépenses d’ordre social qu’à une politique de l’emploi.

À cet égard, je suis frappé qu’année après année l’indicateur de performance relatif à la prime pour l’emploi ne soit toujours pas renseigné et que nous ignorons l’effet de cette dépense sur la situation du chômage. Nous continuons quand même à l’appliquer.

Quelle est l’efficacité des allégements de charges sociales ?

J’avais proposé dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 un amendement pour que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d’évaluation de l’efficacité au regard de l’emploi des allégements généraux de charges et des cotisations sociales avant le 15 juin 2009.

Je constate que, malgré mes demandes, ce rapport n’a toujours pas été remis. Or il convient que les parlementaires, qui votent le budget, soient informés de l’emploi des crédits adoptés et de leur efficacité.

Je proposerai dans d’autres débats que le Gouvernement allège les salaires des charges de financement de la sécurité sociale. En les faisant payer autrement par les entreprises, notamment en les asseyant sur le chiffre d’affaires ou sur la TVA, il n’aurait plus à les rembourser et économiserait une dizaine de milliards d’euros.

Par ailleurs, une telle mesure diminuerait les coûts de production et faciliterait les ventes et la croissance.

Les charges sur salaires sont si importantes que le Gouvernement dépense beaucoup d’argent pour les réduire. Pourquoi ne pas les supprimer et les faire porter sur le chiffre d’affaires ou la TVA ? Cela ferait gagner beaucoup d’argent à l’État et limiterait les conséquences des emprunts et de la dette.

Dans l’immédiat, je vous proposerai, comme je l’ai annoncé, un amendement de suppression de l’exonération ciblée de cotisations sociales sur l’avantage en nature dans les hôtels, cafés et restaurants, dont le coût est de 150 millions d’euros.

Cet avantage consenti en 1998 ne se justifie plus depuis l’abaissement à 5, 5 % du taux de TVA dans la restauration.

S’agissant de l’évaluation des crédits budgétaires de la mission « Travail et emploi », plusieurs sujets me tiennent à cœur comme la formation et l’accès à l’emploi des jeunes.

Les dispositifs de formation en alternance – contrats d’apprentissage ou de professionnalisation – offrent les meilleurs taux d’insertion dans l’emploi, soit plus de 60 %.

C’est pourquoi la formation professionnelle des jeunes, en particulier l’apprentissage, doit devenir une priorité nationale afin que les jeunes ne sortent pas du système éducatif sans aucune qualification. Il faudrait donc supprimer le collège unique, source principale du chômage des jeunes et de la délinquance.

Au lieu de dépenser des sommes énormes de l’ordre de 20 milliards d’euros pour remettre les jeunes au travail après formation, il serait préférable de bien les former dès le collège à des métiers. Ce débat concerne d’autres budgets.

Je vous proposerai donc que les 150 millions d’euros de crédits de l’exonération de l’aide en nature dans la restauration soient redirigés vers les missions locales pour un montant de 100 millions d’euros et vers le Fonds d’insertion professionnelle des jeunes, qui finance les actions de prise en charges des jeunes – aide au permis de conduire, prospection d’entreprises, prêt de scooter –, pour un montant de 50 millions d’euros. Il s’agit d’une des actions les plus efficaces pour remettre les jeunes au travail. C’est fondamental et très apprécié. J’en sais quelque chose à titre personnel.

Il faut absolument que vous acceptiez, monsieur le ministre, chers collègues, d’augmenter les crédits des missions locales et des maisons de l’emploi pour favoriser l’insertion des jeunes, car le manque d’intégration est source d’insécurité et de délinquance ! Ça ne coûterait que 150 millions d’euros sur un budget de 55 milliards d’euros …

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