Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 2 décembre 2009 à 14h45
Loi de finances pour 2010 — Travail et emploi

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nul besoin de dépenser 3 millions d’euros en sondage pour savoir que le chômage est la première préoccupation des Français. Avec la plus grave récession qu’ait connue notre pays depuis l’après-guerre, un chômage en augmentation de 30 % en un an et demi, un recours au chômage partiel plus que décuplé, il n’est pas difficile de comprendre que la véritable sortie de crise dépend de la reprise de l’emploi.

Les politiques en faveur de l’emploi sont donc au cœur des défis que nous a lancés cette crise sans précédent. C’est dire si nous nous attendions à voir le Gouvernement proposer des politiques innovantes, se mobiliser pour les victimes de la récession, lancer des pistes de réflexion, bref, investir massivement pour l’avenir.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » aurait dû connaître une augmentation aussi exceptionnelle que le sont les circonstances. Or, ils sont en diminution !

D’après notre rapporteur, cette diminution est factice. Le plan de relance, les dépenses fiscales et les exonérations de cotisations sociales concentrent, d’après lui, la réalité des efforts réalisés en matière d’emploi. Toutefois, même en tenant compte de cet argument, la pertinence des choix économiques et politiques du Gouvernement est douteuse.

Rappelons d’abord que, selon la Cour des comptes, l’impact des exonérations de cotisations sociales en matière de création d’emplois est très marginal, alors même que le coût de ces dispositifs est évalué à 30 milliards d’euros. Ces cadeaux pèsent sur le budget de la sécurité sociale, la couverture de nos risques se réduisant face à l’ampleur des déficits.

Avec de tels résultats, faire de la politique d’exonération des charges le dispositif le plus important en matière d’emploi augure mal de la suite, d’autant qu’un des reproches adressé à ce dispositif, outre celui d’être une trappe à bas salaires, est de ne financer que les emplois les moins qualifiés, donc les plus précaires. Aucune mesure n’est prévue pour soutenir et donner la priorité aux emplois à forte valeur ajoutée.

Quant aux dépenses fiscales, et donc au financement des heures supplémentaires, elles permettent justement d’éviter des embauches en jouant sur l’augmentation du temps de travail. Cherchez l’erreur !

Enfin, le plan de relance concentre les actions en faveur du reclassement des salariés licenciés économiques avec des crédits totalement prélevés sur la mission « Travail et emploi ». Or, il ne devrait prendre en charge que des mesures exceptionnelles et temporaires pour 2010. En gonflant artificiellement ses crédits avec des transferts provenant d’autres missions, le Gouvernement se borne à faire du recyclage pour justifier ses effets d’annonce.

Selon notre rapporteur, le Gouvernement aurait mobilisé une grande variété d’outils de lutte contre le chômage. M. Gournac a notamment cité en commission le recours au chômage partiel et les conventions de reclassement.

Monsieur le ministre, lutter contre le chômage en favorisant le chômage, et présenter cela comme un progrès et le fruit des efforts du Gouvernement, il fallait le faire. Vous l’avez osé ! Dans la catégorie des perles, on peut également mentionner l’affirmation de notre rapporteur selon laquelle « le Gouvernement a résisté à la tentation d’avoir recours aux dispositifs de préretraite ».

En réalité, au dispositif de préretraite s’est substituée l’utilisation par les entreprises de la rupture conventionnelle, c’est-à-dire le licenciement. Bref, le seul constat qui peut être dressé est que le taux d’activité des personnes de plus de 55 ans est toujours aussi bas.

Et ce n’est pas l’affirmation incantatoire du Gouvernement sur cette question qui devrait faire bouger les lignes, puisque la seule mesure concrète en la matière est l’instauration d’une pénalité de 1 % de la masse salariale à l’encontre des entreprises qui n’auraient pas signé le plan senior au 1er janvier 2010. Les entreprises concernées ayant une obligation de moyens, mais pas de résultats, on peut considérer qu’il s’agit d’un dispositif chargé à blanc.

Enfin, alors que la situation des jeunes ne cesse de s’aggraver, que leur taux de chômage en 2009 est d’un peu plus de 25 %, avec des pointes à 42 % dans les banlieues, les mesures qui leur sont destinées se résument à l’apprentissage.

Or, on le sait bien, de nombreux jeunes en qualification ne trouvent ni contrats ni lieux de stage, ce qui explique qu’une baisse de 10 % des contrats d’apprentissage et de professionnalisation ait été prévue en 2010. Si telle est la mesure phare du Gouvernement, elle se révèle peu porteuse pour les jeunes.

J’ajouterai que, lorsqu’on sait que plus de 62 % des diplômés de 2008 n’avaient toujours pas trouvé d’emploi un an après, on voit à quel point la question de l’insertion sur le marché du travail concerne tous les jeunes au-delà de leur niveau de formation. Face à ce constat, le Gouvernement ne propose rien.

Le temps m’étant compté, j’en terminerai là. Proposer au Parlement un budget si indigent alors que le chômage ne cesse d’augmenter et l’avenir de s’obscurcir est inquiétant.

Tout le monde l’admet : si la crise financière est peut-être derrière nous, la crise économique est toujours là et la crise sociale, encore devant nous. À l’examen de ce budget, le groupe socialiste ne peut que constater la démission du Gouvernement sur le front de l’emploi. Les Français apprécieront. Quant à nous, bien évidemment, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

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